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En Bretagne, le CNRS aide des agriculteurs à supprimer les pesticides pour protéger l’eau

« Pour les herbicides, il y a par exemple l'alternative du désherbage mécanique. Il existe également des produits de biocontrôle, les produits dits naturels, comme des extraits d’algues ou des huiles essentielles. C’est ce que l’on appelle des préparations naturelles peu préoccupantes »

Pour aider les agriculteurs à s’orienter vers une production réduite ou affranchie de produits phytosanitaires de synthèse (PPS), le CNRS a lancé, en ce début d’année, un projet collaboratif avec le Syndicat Mixte du Grand Bassin de l’Oust, visant à proposer des solutions alternatives et innovantes sur le territoire Centre-Bretagne.

L’urgence de baisser les phytosanitaires

Pourtant néfastes pour l’environnement et la biodiversité comme la santé humaine, les intrants chimiques sont aujourd’hui encore massivement utilisés dans les pratiques agricoles industrielles.

Autour de nous, tout, ou presque, en contient : l’eau, les fruits et légumes, dont la contamination aux résidus de pesticides PFAS a triplé en 10 ans, les produits boulangers, qui en contiennent à 90%, ou encore les vignobles, qui font peser le risque de leucémies sur les enfants vivant à proximité.

La réduction, et, à terme, l’abandon de l’utilisation de ces produits phytosanitaires de synthèse (PPS) est un enjeu majeur de santé publique et environnemental, et une urgence d’autant plus tangible dans un contexte de réchauffement climatique. Les sols agricoles, appauvris par ces biocides, perdent leur capacité d’adaptation face aux sécheresses et catastrophes naturelles de plus en plus fréquentes.

Accompagner les agriculteurs ruraux

En marge de ce constat, les équipes de recherche du CNRS ont pu mesurer une certaine stagnation, voire un recul, de la pratique agricole biologique.

« Cette agriculture, qui est un bon moyen d’atteindre l’objectif de tendre vers le zéro PPS, plafonne dans sa capacité à s’étendre, notamment avec l’inflation. Certains agriculteurs quittent même le bio pour revenir vers le conventionnel », alerte Gérard Gruau, chercheur au CNRS de Rennes, pour La Relève et la Peste.

À travers les circuit-courts en périphérie des grands centres urbains, mais aussi grâce aux Plans alimentaires territoriaux (PAT), les collectivités ont les leviers nécessaires pour accompagner les agriculteurs dans leurs transitions et les inciter à changer de pratiques. Mais en campagne, ces derniers manquent d’accompagnement et de solutions viables.

« Le Centre-Bretagne est un désert au niveau des PAT. Il y a une faible proportion d’agriculture bio, peu de capacités, et c’est un territoire peu incitatif car il n’y a pas de grande ville », ajoute le chercheur à La Relève et la Peste.

C’est donc dans ce contexte que le CNRS, en collaboration avec le Syndicat Mixte du Grand Bassin de l’Oust, a répondu à l’appel à projet du dispositif France 2030 « Démonstrateurs territoriaux des transitions agricoles et alimentaires », opéré par la Banque des Territoires pour le compte de l’État.

Lauréat avec son projet ENVEZH, visant à accompagner les agriculteurs des territoires ruraux dans une transition respectueuse de l’environnement, le CNRS a déclenché une première « phase de maturation » en début d’année.

Des solutions alternatives

« Une première étape, démarrée en janvier et qui va durer 16 mois, consiste à chiffrer les pertes de rendement associées à l’abandon des phytosanitaires et mettre sur la table des mécanismes de compensation financière et les systèmes d’assurance permettant de contrer ces pertes de rendements », explique Gérard Gruau pour La Relève et La Peste.

L’idée étant, à terme, de faire en sorte que filières longues, industrielles, conventionnelles s’orientent vers un usage drastiquement réduit de phytosanitaires.

Pour y parvenir, les chercheurs sont allés à la rencontre d’acteurs de ces filières longues du territoire Centre-Bretagne.

« Les agriculteurs ont adhéré à cette idée. Ils connaissent très bien la demande des consommateurs. Même s’il y a des soubresauts liés à l’inflation, la demande de produits sains reste quand même sous-jacente », expose Gérard Gruau.

En se basant sur des filières peu développées, à bas usage ou exemptes de PPS, le projet s’attachera a à les déployer sur un territoire purement rural, tout en préservant une compétitivité économique permettant la viabilité des exploitations.

« Pour les herbicides, il y a par exemple l’alternative du désherbage mécanique. Il existe également des produits de biocontrôle, les produits dits naturels, comme des extraits d’algues ou des huiles essentielles. C’est ce que l’on appelle des préparations naturelles peu préoccupantes », développe le chercheur pour La Relève et la Peste.

Des produits ayant le même cheminement que les phytosanitaires donc, biocides, mais qui ont démontré leur innocuité pour le Vivant.

Parmi les solutions proposées, il existe aussi des mécanismes d’assurance, où l’agriculteur s’engageant dans une voie sans PPS peut être indemnisé sur d’éventuelles pertes de rendement. Le paiement de la culture peut également être réévalué s’il utilise les techniques du désherbage mécanique ou les produits alternatifs.

Créer une base de données 

Dans cette phase de maturation intervient également la constitution d’un inventaire, une base de données où figureront toutes les solutions existantes, avec leurs avantages et inconvénients, en termes de mise en œuvre, de temps de travail, d’économie.

« On amène un panel de solutions, plus résilientes aux aléas climatiques, qui peut créer de l’envie chez les agriculteurs. Lorsqu’on discute avec eux, ils ne sont pas fiers d’utiliser des produits phytosanitaires. C’est surtout une forme d’assurance en termes de rendement de production », ajoute Gérard Gruau pour La Relève et la Peste.

Aujourd’hui, les systèmes agricoles ultra compétitifs et productifs, avec des obligations de rendement, amènent les agriculteurs à ne plus vouloir prendre de risques avec de nouvelles pratiques.

Selon le chercheur, « les mutations, les ruptures à faire sont douloureuses, et sont du même ordre que celles qui nous concernent tous. Il est nécessaire de revoir complètement les modèles. »

Un projet collaboratif

Avant de bénéficier d’une aide de 10 millions d’euros répartie sur 5 ans, l’équipe du CNRS devra passer devant un jury, une fois la phase de maturation terminée, et le convaincre que les solutions proposées sont viables.

Un projet qui ne pourra aboutir sans une collaboration totale de tous les acteurs du territoire. Chambres d’agriculture, instituts techniques agricoles, entreprises porteuses de solutions comme Bio3G ou All Mix.

« Il faut que chacun mette sur la table ses ambitions, en termes de surface, de déploiement du projet, des solutions innovantes, du nombre d’agriculteurs qu’il ambitionne de faire adhérer au projet, et en termes d’objectifs de réduction d’usage de phyto, mais aussi de freins qu’il peut être amené à rencontrer », explique Gérard Gruau à La Relève et la Peste.

En effet, les difficultés peuvent être nombreuses. Les acteurs économiques, parfois concurrents, peuvent avoir du mal à divulguer de l’information et à s’impliquer de façon pérenne.

« C’est un véritable projet collaboratif au service d’une cause, dans un contexte compliqué, mais où il faut aller dans le sens de l’histoire », conclut Gérard Gruau.

Juliette Boffy

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