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En France, les pesticides coûtent deux fois plus chers que ce qu’ils ne rapportent à la société

En 2017, les bénéfices réalisés directement par l’industrie atteignent 200 millions pour le seul secteur français. La même année, les différents coûts attribuables aux pesticides sont évalués a minima à 372 millions d’euros, soit environ le double des bénéfices.

Le bureau de Paris de la Fondation allemande Heinrich Böll et La Fabrique Ecologique, en coopération avec le collectif Nourrir et Générations Futures, ont publié l’Atlas des pesticides. Ce dernier démontre qu’en France, les pesticides coûtent chaque année presque deux fois plus à la société que ce qu’ils ne rapportent.

Selon l’Atlas, la quantité de pesticides utilisés dans le monde a augmenté de 80 % depuis 1990. Ces 20 dernières années, leur marché mondial a doublé pour atteindre 53 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2020.

L’Union européenne étant l’un des principaux consommateurs et exportateurs à échelle internationale, l’argument économique est donc souvent utilisé pour légitimer le statu quo de leur production et utilisation dans l’union. Mais le modèle agro-industriel n’a pas résolu les problématiques sociales, sanitaires et économiques auxquelles il devait répondre.

Si la production agricole mondiale a presque doublé depuis les années 1950, les rendements agricoles atteignent désormais un plafond, et certains commencent même à décroitre. Les systèmes de productions modernes intensifs en pesticides ont entraîné une dégradation des sols et de la biodiversité, et ont dans le même temps contribué à l’aggravation du dérèglement climatique.

Les pesticides polluent les sols, l’air et l’eau et affectent par les résidus ainsi répandus la santé des travailleurs, des riverains, des consommateurs, dégradent les habitats et ainsi la biodiversité.

Économiquement, les industries agro-alimentaires et la grande distribution sont les grands gagnants de ce modèle, au détriment d’une grande majorité de consommateurs et de producteurs.

Le prix de l’alimentation a été multiplié par 5 depuis le début des années 1960, tandis que le prix des grandes commodités agricoles a été divisé par 2, et que la part allouée aux agriculteur a continuellement diminué.

Des millions d’emplois agricoles ont été détruits par la dynamique d’intensification et d’agrandissement des fermes soutenues par les pouvoirs publics, du fait de la concurrence mondiale sur le secteur.

Les interdictions sur l’usage des pesticides soulèvent des débats intenses, alimentés par des campagnes de lobbying coûteuses (environ 10 millions par an pour le marché européen).

Selon Générations Futures, les 116 recommandations votées par le Parlement Européen en janvier 2019 pour améliorer la transparence et l’efficacité des autorisations des pesticides ont largement été ignorées par les institutions européennes. 28 % des recommandations n’ont été que partiellement ou insuffisamment mises en œuvre, et 57 % d’entre elles n’ont pas, ou peu étés mises en œuvre.

L’un des arguments du secteur et de certains politiques est le poids socio-économique des pesticides : ils créent des emplois et réduire les activités qui y sont liées serait synonyme de crise économique. En réponse, l’Atlas des pesticides a examiné le bien-fondé économique du secteur via une approche coûts/bénéfices.

En 2017, les bénéfices réalisés directement par l’industrie atteignent 200 millions pour le seul secteur français. La même année, les différents coûts attribuables aux pesticides (dépenses publiques de dépollution de l’eau, soin des maladies du travail engendrées par les pesticides, et soutien public financier au secteur) sont évalués a minima à 372 millions d’euros, soit environ le double des bénéfices.

Au-delà du bilan économique négatif, et en plus de son impact environnemental lié à une consommation élevée de ressources non renouvelables, le modèle accentue la dépendance des agriculteurs vis-à-vis de l’agro-industrie, alors que la crise climatique requiert de leur part plus d’autonomie pour faire face à des situations nouvelles.

Le modèle est également vendu par promesses d’une nouvelle révolution agricole, via le numérique. En réalité, la rentabilité du secteur s’appuie en partie sur la vente dans des pays émergents de pesticides interdits en Europe en raison de leur toxicité, mais probablement plus rentables.

Pourtant, la transition écologique nécessite des investissements qui bien que importants le sont moins que dans le secteur des pesticides, et qui sont en plus durables. Par exemple, l’objectif de la stratégie “Farm to Fork” de tripler les fermes bio de l’Union européenne d’ici à 2030 coûterait d’après l’INRAE, 1,85 milliards d’euros par an, c’est-à-dire moins que les coûts sociétaux annuels liés aux pesticides.

Les associations et militants se battent sans relâche dans leur lutte contre le système néfaste de l’agro-industrie et le modèle intensif en pesticides. En mai 2023, France Nature Environnement et Générations Futures ont saisi la justice contre une instruction illégale du ministère de l’Agriculture envers les agents de l’Office français de la biodiversité de ne pas contrôler les périodes de pulvérisation de pesticides par les arboriculteurs.

Le même mois, Générations futures fait annuler deux autorisations de mise sur le marché de deux pesticides à base de glyphosate, après avoir déposé deux recours devant la justice en décembre 2020.

L’Atlas des Pesticides conclut : « Les États doivent aujourd’hui prendre leur responsabilité et choisir entre un modèle coûteux, polluant et concentré dans les mains de quelques acteurs dont les centres de décision se situent hors d’Europe, et un modèle agro-écologique durable défendu par les citoyens et les agriculteurs. Avec en ligne de mire la souveraineté alimentaire de l’UE, et plus largement celle de la planète. »

Au niveau européen, le coût annuel des pesticides est 2,5 fois supérieur aux bénéfices du secteur.

Sources : Atlas sur les Pesticides, Faits et chiffre sur les substances toxiques et chimiques dans l’agriculture, 2023, Heinrich Boll Stiftung / »Les recommandations du Parlement Européen pour améliorer l’autorisation des pesticides largement ignorées par les institutions européennes », Générations Futures, 27/04/2023

Maïté Debove

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