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Notre monde brûle… et le gouvernement français empire la situation

La majorité présidentielle française a profité du projet de loi sur le pouvoir d’achat pour relancer la centrale à charbon de St Avold et prévoir l'installation d'un terminal méthanier au Havre pour réceptionner le gaz de schiste américain, alors que ce dernier est une industrie particulièrement climaticide.

Comme chaque été ravagé par les flammes, les titres et les images chocs font la une des journaux. Si le changement climatique est de plus en plus évoqué dans la précocité et l’intensité des évènements extrêmes que nous traversons, les décisions publiques qui en découlent sont souvent éludées car malheureusement quasi-inexistantes. Pire, les politiques se transforment parfois en pyromanes en prenant des mesures qui aggravent la situation, à l’instar du gouvernement français.

Des feux toujours plus précoces et intenses

Au cours des quatre dernières semaines, les incendies qui font rage dans toute l’Europe ont déjà détruit plus d’hectares que sur toute l’année 2021 selon l’EFFIS (European Forest Fire Information System). Cette précocité et intensité sans précédent est la cause directe du changement climatique, dont les vagues de chaleur et les sécheresses de plus en plus courantes sont le détonateur parfait pour créer des brasiers gigantesques, ainsi que les scientifiques le prédisent depuis plusieurs décennies.

Au 16 juillet, dans les 27 pays de l’Union européenne, les incendies ont ravagé 517.881 hectares depuis le début de l’année, soit un peu plus de 5.000 km2, « équivalent à la surface d’un département français comme la Mayenne » rapporte FranceBleu.

Pour l’instant, le record de 2017 n’a pas été dépassé, où 988.087 hectares de végétation avaient entièrement cramé, soit près de 10.000 km2 ou la superficie d’un pays comme le Liban. Mais l’été n’en est qu’à son début.

« Nous savions que ce serait un été difficile et nous nous attendons à ce que ça se poursuive, nous n’en sommes même pas à la moitié de la saison des feux », prévient pour l’AFP Jesus San Miguel, coordinateur de l’EFFIS. « Auparavant la saison se concentrait de juillet à septembre, maintenant nous avons des saisons plus longues et des feux très intenses ».

En France, près de 40.000 hectares ont déjà brûlé depuis le début de l’année (contre 30.000 pour tout 2021). En Espagne, plus de 190.000 hectares ont été cramés (contre près de 85.000 en 2021). Au Portugal, 46 000 hectares ont brûlé (contre plus de 25.000 en 2021).  En Grèce, un feu au nord d’Athènes a blessé 30 personnes.

A eux seuls, les incendies en Espagne et en Grèce ont fait plus de 1700 morts selon le rapport de l’OMS.

« Ce qui se passe au Portugal et en Grèce annonce ce qui risque de se passer en Europe du Nord. Les modèles sont très clairs depuis 10 ans, nous avons une extension des zones à risque vers le nord et en altitude », a confié à EURACTIV France Eric Maillé, ingénieur de recherche à l’Institut national de recherche sur l’agriculture, l’alimentation et l’environnement.

De fait, le feu frappe tout le Vieux Continent, de la Scandinavie à l’Italie, où des centaines de personnes ont dû être évacuées alors que des incendies ont démarré un peu partout dans le pays. Même le Royaume-Uni, habituellement plutôt préservé des chaleurs extrêmes, a enregistré des températures records avec plus de 40°C, du jamais vu. Et cet état de fait s’étend bien au-delà de l’Europe : Maroc, Turquie, Etats-Unis ou encore Alaska sont également en proie aux flammes.

La fournaise que nous vivons actuellement n’est que le dernier d’une série d’événements extrêmes à l’échelle mondiale. En mars, les scientifiques ont été choqués par les températures records aux deux pôles, y compris des températures jusqu’à 40°C au-dessus de la normale dans l’Antarctique et 30°C au-dessus de la normale dans l’Arctique.

En mai, des vagues de chaleur dévastatrices en Inde, au Pakistan et dans les pays voisins ont conduit à des semaines où les températures ont atteint à plusieurs reprises près de 50°C dans certaines régions, faisant littéralement mourir les gens de chaud. Cette année a également été marquée par des vagues de chaleur extrêmes en Asie du Sud, en Chine et aux États-Unis.

Dans le nord-est de l’Ouganda, plus de 200 personnes sont mortes de faim ce mois-ci en raison d’une sécheresse prolongée qui a plongé dans la famine plus d’un demi-million de personnes.

Lire aussi : Sibérie : la crise climatique multiplie par 600 le risque de vagues de chaleur

Les incohérences et l’inaction politique

Notre maison brûle, et les politiques se contentent principalement de grandes déclarations sans effets concrets. Au Royaume-Uni, le porte-parole Kit Malthouse a déclaré que la Grande-Bretagne allait lancer une nouvelle stratégie nationale de résilience « dès que possible par la nouvelle administration ». Déclaration qui a provoqué la colère de l’opposition alertant depuis longtemps sur les effets du dérèglement climatique.

Depuis l’Accord de Paris signé en 2015 lors de la COP21, les engagements pris sans conditions n’ont pas réussi à impulser des mesures politiques suffisantes pour limiter le réchauffement climatique à +1,5°C d’ici 2100. Nous en sommes déjà à +1,1°C de réchauffement. Même échec lors de la COP26, où les pays ont convenu de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C au-dessus des niveaux préindustriels, mais sans aucune feuille de route concrète et suffisante.

« Les solutions on les connaît et depuis longtemps. Il faut absolument réduire les émissions de gaz à effet de serre. Tous les secteurs sont concernés, de l’urbanisme en passant par l’agriculture. Il faudrait aussi réduire notre vitesse sur les autoroutes, avoir des véhicules moins lourds. Il faut absolument atteindre la neutralité carbone en 2050. Actuellement, on parle beaucoup mais on ne fait rien » résume le climatologue Jean Jouzel pour NiceMatin

La COP27, qui se tiendra en novembre en Egypte, risque de ne pas échapper à la règle alors que la hausse des prix de l’énergie et des denrées alimentaires a plongé les gouvernements dans une crise inflationniste du coût de la vie, provoquée en partie par l’émergence progressive de la pandémie de Covid-19 et exacerbée par la guerre en Ukraine.

Résultat, non seulement les politiques ne sont pas la hauteur de l’urgence mais les décisions prises empirent parfois la situation, comme tout récemment en France.

Lire aussi : Hausse des prix de l’énergie et baisse des aides à la rénovation thermique : « une aberration »

Sous couvert de se passer des énergies fossiles russes, le gouvernement français vient de signer un « accord de coopération énergétique » avec les Emirats arabes Unis et TotalEnergies pour approvisionner la France en diesel.

Lire aussi : « Il faut politiser le changement climatique pour arrêter de le subir »

Pire, la majorité présidentielle française a profité du projet de loi sur le pouvoir d’achat pour relancer la centrale à charbon de St Avold et prévoir l’installation d’un terminal méthanier au Havre pour réceptionner le gaz de schiste américain, alors que ce dernier est une industrie particulièrement climaticide.

Lire aussi : Gaz de schiste : sous pression des ONG et de l’Etat, Engie renonce à un méga-contrat américain

Surtout, le gaz naturel liquéfié est connu pour être une énergie chère au coût très fluctuant :

« En un an, le prix journalier sur le marché de gros de gaz européen a augmenté de 490 % : ça n’a aucun sens en termes de pouvoir d’achat pour les ménages les plus modestes. » explique Anna-Lena Rebaud, des Amis de la Terre, pour Mediapart

Lire aussi : L’Espagne va taxer les groupes énergétiques et financiers pour aider les ménages en détresse

Si le gouvernement français promet de « compenser » ce retour en arrière cruel, la compensation carbone est un mythe dont les ressources nécessaires pour sa mise en place contribuent à elles seules à aggraver le problème plutôt que d’y remédier. Seule la sobriété énergétique est une piste pérenne pour adapter le fonctionnement de nos sociétés.

Or, si le gouvernement français a bien lancé « plan de sobriété énergétique » ce 14 juillet pour réduire notre consommation d’énergie de 10 % dans deux ans ; ce plan se contente de « mesurettes » en faisant porter la responsabilité des gestes à adopter sur les individus plutôt que les industries, tout en omettant des leviers d’action important comme la réduction de la vitesse sur les autoroutes. Rien non plus sur le développement et la gratuité des transports en commun, là où d’autres pays prennent les devants.

Comme l’a résumé Antonio Gutteres, aux ministres de 40 pays réunis pour discuter de la crise climatique à Berlin cette semaine : « La moitié de l’humanité se trouve dans la zone de danger, des inondations, des sécheresses, des tempêtes extrêmes et des incendies de forêt. Aucune nation n’est à l’abri. Pourtant, nous continuons à nourrir notre dépendance aux combustibles fossiles. Nous avons le choix. Action collective ou suicide collectif. C’est entre nos mains. »

Crédit photo couv : Ludovic MARIN / POOL / AFP

Laurie Debove

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