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À l’aide de drones thermiques, ils sauvent les faons du fauchage des champs

« Nous intervenons auprès de tous les animaux que nous repérons. La différence avec les faons, c’est que même avec le bruit des machines des agriculteurs, ils ne bougent pas, ce sont les plus vulnérables »

Lorsqu’arrive le mois de mai, les faons tout juste nés se réfugient dans les champs s’apprêtant à être fauchés, à proximité des parcelles boisées. Tués ou blessés par les machines agricoles, des milliers d’animaux disparaissent dans l’indifférence chaque année. Alors, en 2020, Philippe Lesage et Alexandre Landry décident d’agir et créent l’association « Sauvons les faons ». À l’aide de télépilotes équipés en drones thermiques, ils détectent les petits cervidés et les dirigent vers des zones sécurisées. Un mode d’action qui a déjà permis à plusieurs centaines d’entre eux d’être sauvés.

Une période critique

Difficile de s’imaginer, en passant à pied, en vélo ou en voiture à proximité des étendues de champs cultivés, que s’y cachent, chaque année, des milliers de faons menacés.

De début mai jusqu’à la fin du mois de juin, lorsque vient le moment de mettre bas pour les biches, les nouveau-nés cervidés se dirigent vers les champs pour s’y réfugier. Problème, cette période correspond également au fauchage des terres par les agriculteurs.

« La saison est assez courte, c’est là où l’on trouve le plus de bébés, de quelques heures parfois seulement. Cette période est critique pour eux. Tous les ans, des milliers sont fauchés, tués ou gravement blessés », explique Philippe Lesage à La Relève et la Peste.

Ce défenseur des animaux est à la tête d’une société de drones depuis 2018. Rapidement, il prend connaissance de la détection d’animaux au moyen de caméras thermiques, une technique déjà expérimentée en Allemagne ou en Suisse.

Une cartographie des zones

Philippe Lesage fait alors des premiers essais concluants et mûrit l’idée de la création d’une association où les agriculteurs pourraient faire appel à des bénévoles équipés en drones thermiques afin de sauver les faons du fauchage. Il est très vite rejoint par Alexandre Landry, lui aussi à la tête d’une agence de drones, que l’idée séduit.

Ensemble, ils fondent l’association « Sauvons les faons » en 2020, pendant le confinement, et débutent leur recherche de télépilotes équipés en drones thermiques à travers toute la France. Aujourd’hui, ce ne sont pas moins de 62 bénévoles qui sont répartis sur le territoire national au service des agriculteurs.

Le principe est simple : lorsqu’un agriculteur veut s’assurer qu’aucun faon ne se cache dans ses champs avant la récolte, il lui suffit de remplir un formulaire directement sur le site internet de l’association. Cette dernière localise alors un télépilote bénévole disponible sur le secteur qui interviendra avant le fauchage. Un service gratuit, qui fonctionne uniquement grâce à des dons privés.

Au préalable, l’association cartographie, en concertation avec le monde agricole, les zones à risque lors des fauchages, se trouvant très souvent proches des parcelles boisées. Le télépilote survole ensuite la parcelle ciblée, à raison de 10 hectares couverts toutes les 10 minutes. À noter qu’au plus tôt est réalisé le repérage, au mieux il est possible de distinguer la différence thermique entre l’animal et son environnement.

Ainsi, dès l’apparition d’une trace thermique, d’autres bénévoles, guidés par radio, se rendent sur place afin de récupérer l’animal. En caisse, pour les plus petits et fragiles, en prenant les précautions nécessaires pour ne pas le laisser s’imprégner de l’odeur humaine, sans quoi sa mère pourrait ensuite l’abandonner. Les faons un peu plus âgés, eux, sont simplement éloignés, effarouchés vers des zones plus sécurisées.

Un manque de télépilotes

Si de plus en plus d’agriculteurs font appel à ce service, il reste encore, selon Philippe Lesage, beaucoup de progrès à faire en la matière.

« Dernièrement, un rapport de la Cour des Comptes indiquait que, dans le Doubs, notamment, il y aurait trop de cervidés qui mangent les bourgeons des arbres, les empêchant alors de pousser. Cela amène donc à penser qu’il faudrait réguler leur population, et que, finalement, ce ne serait pas très grave de les laisser dans les champs », abonde Philippe Lesage.

Pourtant, des solutions peuvent être mises en place pour permettre aux cerfs, biches ou chevreuils de continuer à pouvoir se nourrir sans mettre en péril la sylviculture, soit un équilibre sylvo-cynégétique. Notamment, l’aménagement de clairières dédiées aux animaux ou encore la construction d’enclos protégeant de l’abroutissement certaines zones forestières fragiles.

Screenshot

Aujourd’hui, tout l’objectif de l’association reste de lever des fonds dans le but d’investir dans des drones thermiques, dont les montants peuvent atteindre plusieurs milliers d’euros, permettant ainsi de couvrir une plus large partie du territoire français en télépilotes bénévoles. À ce jour, leur présence reste très inégalement répartie.

« Il y a beaucoup de zones qui ne sont pas encore couvertes, comme la Corrèze, la Creuse, la Somme, la Mayenne, le Calvados ou la Manche. Ce sont principalement des territoires ruraux, avec moins de population et donc moins de télépilotes, ou de télépilotes équipés en drones thermiques. Par ailleurs, le matériel est très coûteux, ce qui réduit les chances d’avoir des télépilotes déjà en possession de l’appareil », détaille Philippe à La Relève et la Peste.

Un besoin qui se fait urgent, d’autant que l’association ne vient pas en aide qu’aux faons. Les drones thermiques permettent en effet de localiser renards, sangliers, nids d’oiseaux, lièvres… Toute une biodiversité essentielle, cachée et menacée.

« Nous intervenons auprès de tous les animaux que nous repérons. La différence avec les faons, c’est que même avec le bruit des machines des agriculteurs, ils ne bougent pas, ce sont les plus vulnérables », ajoute Philippe Lesage.

Juliette Boffy

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