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Sibérie : la crise climatique multiplie par 600 le risque de vagues de chaleur

« Dans des endroits comme la Sibérie, un climat plus chaud peut avoir des effets dévastateurs, pas seulement sur la faune locale et les personnes qui y vivent, mais aussi sur le système climatique mondial dans son ensemble, par exemple par le dégel du pergélisol, la réduction de la couverture de neige et la fonte des glaces. »

Confrontée à une vague de chaleur qui dure depuis six mois, la Sibérie est en proie aux flammes. Le service de protection aérienne des forêts lutte actuellement contre 197 incendies sur tout le territoire. Au total, Greenpeace Russie estime qu’une surface équivalente à celle de la Grèce a été brûlée depuis le début de l’année 2020. Face à la catastrophe en cours, l’Organisation météorologique mondiale rappelle que les vagues de chaleur sont de loin les événements météorologiques extrêmes les plus meurtriers dans la plupart des régions du monde.

Des incendies hors-de-contrôle

Les feux sont désormais aux portes des villes, comme à Iougorsk, l’une des zones les plus affectées par ces incendies massifs, à plus de 1600 kilomètres au nord-est de Moscou, où plus de 100 pompiers et volontaires sont déployés, ou encore à Iakoutsk, cité de plus de 300 000 habitants, où une fumée grise épaisse enveloppe les rues et les immeubles.

Iakoutsk est la capitale de la région de Iakoutie qui est l’une des plus touchées par les 43 000 hectares en feu contre lesquels lutte actuellement le service de protection aérienne des forêts. Dans le reste du pays, ce sont près de 400 000 autres hectares qui brûlent, sans intervention pour les arrêter faute de moyens humains et matériels.

Pour Greenpeace France : « C’est surtout le laisser-faire des autorités russes qui est en cause ici. Les autorités ont laissé les départs de feux, particulièrement nombreux et de causes multiples, dégénérer. Il faut savoir que la politique du gouvernement russe consiste à ne pas combattre les incendies qui prennent dans les zones trop reculées… Cette politique laxiste combinée au dérèglement climatique donne ce résultat catastrophique. »

Pourtant, ce n’est pas le seul gouvernement russe le responsable, mais bien l’ensemble de la société thermo-industrielle puisque cette terrible vague de chaleur est l’une des conséquences de la crise climatique en cours. Les scientifiques lancent l’alerte sur la récurrence du phénomène dans des endroits jamais soupçonnés auparavant : des terres normalement trop gelées pour brûler.

Crédit : Julia Petrenko – Greenpeace France

La glace qui prend feu

La Sibérie, comme tout l’Arctique, se réchauffe deux fois plus vite que le reste de la planète. Ce réchauffement accéléré facilite les départs d’incendie. La Sibérie devient donc habituée aux grands feux estivaux qui touchent même ses forêts boréales situées au nord du Cercle arctique. Malheureusement, de nouveaux records sont établis chaque année et 2020 est déjà l’année où ils ont tous explosé, que ce soit pour la température maximale, la fonte des glaces ou les feux de forêt.

« J’ai été assez choquée de voir un incendie à 10 kilomètres au sud d’une baie de la mer de Laptev, qui est un peu comme l’usine à glace de la planète, » a déclaré Jessica McCarty, spécialiste des incendies rattachée à l’université Miami en Ohio. « Au début de mes études en science des incendies, si quelqu’un m’avait dit que j’allais étudier les régimes de feux au Groenland et en Arctique, je lui aurais ri au nez. »

Anomalies de température du 19 mars au 20 juin 2020. Les couleurs rouges représentent les zones plus chaudes que la moyenne pour la même période de 2003 à 2018; les bleues sont plus froides que la moyenne. EPA-EFE/NASA

La température a ainsi atteint le record de 38°C du côté de la station de Verkhoyansk, dans le nord de la Sibérie orientale le 20 juin 2020. Une mesure qui doit être confirmée par l’Organisation météorologique mondiale tellement elle est inhabituelle. D’après Jessica McCarty, c’est donc ce temps chaud et sec qui a asséché la végétation de la toundra, la rendant vulnérable à l’embrasement.

Cette vague de chaleur aurait également accéléré le dégel en asséchant plus en profondeur le pergélisol (permafrost), faisant craindre aux spécialistes de la région arctique que les feux puissent se propager sous terre, dans le permafrost, pour resurgir plus loin.

@Pierre_Markuse

La montée en puissance des vagues de chaleur

Les scientifiques de l’Organisation météorologique mondiale ont mené une étude pour comprendre l’impact de l’humain dans cette vague de chaleur et leurs conclusions sont sans appel : sans activité humaine, une vague de chaleur prolongée comme celle-ci ne se produit qu’une fois tous les 80.000 ans.

Au final, la crise climatique multiplie par 600 le risque de voir de telles vagues de chaleur se reproduire !

« Dans de nombreuses études précédentes, nous avons vu des épisodes caniculaires et des vagues de chaleur devenir plus chauds et plus fréquents dans le monde, conformément à notre compréhension scientifique. Dans des endroits comme la Sibérie, un climat plus chaud peut avoir des effets dévastateurs, pas seulement sur la faune locale et les personnes qui y vivent, mais aussi sur le système climatique mondial dans son ensemble, par exemple par le dégel du pergélisol, la réduction de la couverture de neige et la fonte des glaces. » ont déclaré les scientifiques

Une fois de plus, la communauté scientifique appelle donc urgemment les humains à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre ; car les centaines de milliers d’hectares de forêts qui brûlent ne sont que la partie la plus visible des conséquences de ces vagues de chaleur.

Les premiers calculs estiment que les feux auraient rejeté 56 millions de tonnes de dioxyde de carbone – plus que les émissions annuelles de certains pays industrialisés comme la Suisse et la Norvège – depuis le début de l’année 2020.

Cet ajout massif de gaz à effet de serre qu’il s’agisse de CO2 mais aussi de méthane auparavant piégé dans la glace aura des conséquences délétères et amplifie encore plus la crise climatique. En juin, la fonte du pergélisol a ainsi causé l’effondrement du réservoir d’une centrale thermique en Arctique, provoquant l’une des plus grandes catastrophes écologiques de la Région avec 20 000 tonnes d’hydrocarbures déversés dans la rivière.

Après l’Amazonie, l’Australie, l’Afrique et la Sibérie, combien de temps nos gouvernements vont-ils regarder notre planète brûler sans réagir ?

Crédit photo couverture : An aerial view shows a wildfire in Sovetsky District, Khanty-Mansi Autonomous area, Russia. Denis Bushkovskiy / Sputnik via AFP

Laurie Debove

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