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« Eco-terrorisme » : les luttes écologiques dans le viseur du ministère de l’intérieur

La ficelle est usée mais pourrait encore servir : identifier une fraction du mouvement en cours, l’isoler et la désigner comme l’agent infectieux, dont il faut à tout prix s’écarter au risque d’être à son tour écrasés.

Le mouvement Les Soulèvements de la Terre est dans le viseur de l’État. Face à la crainte de tentatives de dissolution du réseau, plusieurs centaines de personnalités : porte-paroles politiques et de syndicats, élus locaux, intellectuels, artistes et organisations se mobilisent à travers une tribune. Elles y appuient l’idée que les « actions” de « désarmement » sont au vu de l’urgence climatique « un élément essentiel de toute stratégie conséquente pour freiner, enrayer, stopper les projets qui bétonnent les sols, s’accaparent les terres ou empoisonnent les rivières.” La Relève et La Peste relaient leurs revendications à travers cette tribune.

Mardi 20 décembre dernier, au début des vacances de Noël les plus chaudes jamais enregistrées, le journal Le Parisien publiait les bonnes feuilles d’un mystérieux rapport des Renseignements Territoriaux, « fuité » à dessein, sous le titre tapageur : « l’inquiétant virage radical des activistes écologistes »

Cette étrange habitude des « services de sécurité » français de communiquer, sans en avoir l’air, sur leurs intentions, sonne une fois encore comme un test en vue d’une nouvelle salve répressive. Un test qui s’adresse en réalité à chacun.e d’entre nous, qui avons participé, d’une manière ou d’une autre, aux luttes écologistes des dernières années. 

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Ce « virage radical » des écolos serait donc le fait des manœuvres cachées d’un regroupement d’« ultra-gauche » récemment converti à la cause écologiste, sournoisement dissimulé sous l’enseigne « Les Soulèvements de la Terre », et non le signe de la radicalité de la situation dans laquelle nous sommes toutes et tous prises jusqu’au cou.

La multiplication des actions de résistance écologique ou paysanne ces dernières années s’expliquerait  par l’agitation de quelques « vieux routiers » de Notre-Dame-des-Landes, tout à leur appétit insatiable d’actions « violentes », plus que par un sursaut de dignité, venant d’un peu partout, devant l’écrasante évidence de la catastrophe.

Rien à voir non plus, si on en croit ce rapport, avec la complaisance manifeste des gouvernements successifs vis-à-vis des responsables identifiés de cette catastrophe, ni avec la macabre fuite en avant de l’industrie du béton ou du lobby agro-industriel.

Qu’importe les appels à actions signés et relayés par des centaines d’organisations écologistes, de la société civile, de fermes, d’associations citoyennes, de collectifs locaux en lutte, de personnalités de tous horizons, qui ont accompagné les récentes mobilisations populaires contre l’accaparement des terres, de la ressource en eau, ou contre l’artificialisation des sols.

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Ce foisonnement tonitruant qui ne cesse pourtant de grandir, ne serait que l’écran de fumée venant protéger une poignée d’activistes radicalisés, bien décidée à entraîner tout le « légitime mouvement pour la préservation de la planète » dans sa chute.

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La ficelle est usée mais pourrait encore servir : identifier une fraction du mouvement en cours, l’isoler et la désigner comme l’agent infectieux, dont il faut à tout prix s’écarter au risque d’être à son tour écrasés.

L’éternel retour de la triste figure de la Sous-Direction Anti-Terroriste (Sdat) dans les enquêtes qui touchent aux luttes sociales, paysannes et écologiques –  à l’occasion d’une nouvelle action collective contre le cimentier Lafarge condamné aux Etats-Unis pour sa collaboration avec Daesh – fait figure de renversement ubuesque. Préparé par les sorties du ministre de l’Intérieur sur l’« éco-terrorisme », ce glissement cache mal l’embarras des stratèges du maintien de l’ordre, qui, ne sachant plus ou donner de la tête, en cherchent une à couper.

« L’arme du gouvernement, la dissolution », annonce fort de ses sources le journaliste du Parisien. Mais que s’agirait-il donc de dissoudre ?

On comprend bien au vu des récents tours de force réalisés, entre autre en son nom, pour la défense concrète des terres et de l’eau, que « les Soulèvements de la Terre » est un coupable tout indiqué. Ce mouvement de convergence inédit entre paysan.nes, jeunes urbains, écologistes et syndicalistes a en effet le mérite d’avoir un nom, un site, un compte Twitter, des rendez-vous publics réguliers et même, selon la note des RT, un compte en banque… Un bon gros nez au milieu de la figure qui, on dirait, n’attend que d’être dissout. 

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Seulement voilà, nous qui signons cette tribune, ne croyons pas en cette fable, et nous savons de quoi nous parlons. Pour avoir participé à certaines manifestations, pour en avoir organisé d’autres, pour avoir signé des appels, des tribunes, accueilli des réunions, participé à la logistique de tel ou tel campement, ou à des manifestations interdites, pour nous être aussi parfois joyeusement munis de cutters, de marteaux ou de sécateurs pour autre chose que pour bricoler, pour avoir parfois simplement souri à l’idée de leur usage possible…

nous savons qu’il n’est nul besoin de comité central, ou de cercle de stratèges aguerri.e.s, pour reconnaître autant l’urgence absolue de la situation, que l’attentisme criminel de ceux et celles qui ont le pouvoir d’arrêter la machine.

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Nous savons aussi que nous n’avons pas peur de ces gens vêtus de blancs de protection ou de bleus de chauffe qu’on nous montre désormais à la télé, après des années de surdité du gouvernement face aux luttes écologistes.

Nous ne pouvons d’ailleurs leur donner tort quand nous les entendons affirmer que leurs actions de « désarmement » sont un élément essentiel de toute stratégie conséquente pour freiner, enrayer, stopper les projets qui bétonnent les sols, s’accaparent les terres ou empoisonnent les rivières.

Mieux que ça, nous aimerions parfois en être, si nous en avions l’occasion ou si nos fonctions, notre santé ou nos situations de famille ne nous requéraient pas ailleurs. Car leurs gestes, leur précision, leur détermination joyeuse, nous parlent infiniment plus que les grimaces du ministre de l’Intérieur quand il verse des larmes de crocodile sur les barrières cassées d’un chantier, sur la mise à l’arrêt temporaire d’un site industriel hautement polluant, ou sur les dommages économiques subis par telle ou telle entreprise multinationale écocidaire.

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Nous voyons déjà pleuvoir les convocations, les mises en accusation, les passages à tabac, les procès, sur les militants de Bassines Non Merci, de la Confédération Paysanne ou des Soulèvements de la Terre, sur des manifestants qu’on est parfois venu chercher jusque sur leur lit d’hôpital, pour les mettre en garde à vue.

Les premiers procès de la lutte contre les bassines, celui qui a eu lieu le 28 novembre, et ceux qui se tiennent les 5 et 6 janvier 2023 à la Rochelle et à Niort, sont à ce titre exemplaires. Les dossiers d’instruction pouvant aller jusqu’à 1500 pages témoignent de la surveillance, notamment téléphonique, de centaines de personnes.

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A cela s’ajoute des filatures, des dispositifs de vidéo surveillance cachés devant les maisons de militant.es, des dizaines de gardes à vue et une cinquantaine d’auditions libres. Et nous voyons venir, puisqu’on nous le dit jusque dans les pages du journal, que la simple participation à ces manifestations, à ces réunions, à ces regroupements, sera bientôt non seulement illégale mais répréhensible. Ces gestes et ce qu’ils appellent de transformations, sont pourtant de ces moments qui dessinent un avenir possible.

Alors depuis tous les endroits où nous nous trouvons, nous nous apprêtons à nous porter solidaires, à dire que, nous aussi, nous en sommes, quand bien même ce ne serait qu’en pensée. Et que celles et ceux qui voient l’ombre de la répression obscurcir leur part du ciel ne seront pas seul.e.s, car nous sommes déjà là….

Pour consulter la liste des 300 premiers signataires

Crédit photo couv – Les Soulèvements de la Terre

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