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Plus de 5000 personnes ont déterré les canalisations d’une future méga-bassine dans les Deux-Sèvres

En stockant l’eau de manière artificielle, les méga-bassines assèchent les sols, épuisent les nappes et brisent le cycle de l’eau.

Malgré un important dispositif policier déployé, plus de 5000 personnes se sont réunis à Sainte-Soline pour bloquer les projets de méga-bassines en cours dans le Marais Poitevin. Ils ont réussi à s’introduire sur un chantier et déterrer un réseau de canalisations. Les citoyens dénoncent l’accaparement de 720 000 m³ d’eau alors que la France subit une sécheresse hors-norme depuis plusieurs mois.

Répression et désinformation

La Préfète des Deux-Sèvres avait interdit toute manifestation et le gouvernement mobilisé plus de 1700 gendarmes et 7 hélicoptères, mais rien n’a pu ébranler la détermination des activistes, citoyens, paysans et même élus inquiets pour protester contre les méga-bassines suite à l’appel de 150 associations et collectifs (Bassines Non Merci, Soulèvements de la Terre, la Confédération Paysanne, la CGT, ATTAC, SUD Solidaires…)

Selon les chiffres du gouvernement et ceux des manifestants, entre 4 000 et 7 000 personnes se sont réunies près de la commune de Sainte-Soline. L’objectif du weekend : atteindre un cratère de 16 hectares, creusé il y a près d’un mois pour devenir la plus grande méga-bassine de France. Un pari réussi, malgré la pluie abondante de gaz lacrymogènes et les multiples barrages policiers.

Crédit : Les Soulèvements de la Terre

Après avoir réussi à atteindre le cratère samedi, grâce à trois cortèges empruntant des itinéraires différents, les participants ont frappé fort dimanche en déterrant un réseau de tuyauterie afin de gêner les futurs chantiers avec le mot d’ordre « No bassaran ! ». Si elle voit le jour, la méga-bassine visée aura 6 réseaux pompant dans les nappes phréatiques pour remplir ses 720 000 m³ d’eau.

« Le réseau démonté aujourd’hui pompe dans la nappe au niveau du Bignon, cours d’eau à sec comme de nombreux autres au vu du niveau de sécheresse et de la crise climatique. Certaines de ses canalisations risquent de reprendre des réseaux existants et 18km restent à construire, si le chantier continue malgré tout » expliquent les collectifs à l’origine de la manifestation

Crédit : Les Soulèvements de la Terre

Malgré le caractère non-violent de la manifestation, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a accusé leurs actions de relever « de l’écoterrorisme », en précisant « qu’une quarantaine » de militants « fichés S » avaient été identifiés sur place. Une démonstration de la criminalisation de plus en plus importante des écologistes manifestant sur le terrain par l’exécutif. De nombreuses personnalités politiques ont réagi en dénonçant un « amalgame dangereux », comme la députée EELV Lisa Belluco qui était présente lors du week-end.

« J’étais dans un cortège familiale et populaire, très calme », précise l’élue pour franceinfo. « Quand ça a commencé à vraiment devenir tendu, l’énorme majorité du cortège a reculé ». Elle ajoute avoir surtout assisté à « la violence d’État » d’un gouvernement qui « n’écoute pas les personnes qui défendent l’accès à l’eau pour tous », une « liberté fondamentale ».

La députés Lisa Belluco a elle-même subi le courroux de cette violence d’Etat en recevant des coups de matraque, tout comme les élus Manon Meunier, Loïc Prud’homme et le porte-parole de « Bassines non merci » Julien Le Guet. Les organisateurs ont également déploré une cinquantaine de blessés dont cinq hospitalisations causées par des tirs de LBD et des éclats de grenades de désencerclement. Quatre manifestants ont été arrêtés et placés en garde à vue. Gérald Darmanin prétend que 61 gendarmes ont été blessés, un chiffre contesté par les manifestants.

Lire aussi : France : la criminalisation des militants par le gouvernement s’accélère !

L’urgence de préserver l’eau

En tout, seize méga-bassines doivent se construire dans le Marais Poitevin pour tenter de stocker un total de 14 millions de m³ d’eau, en plus de la cinquantaine de bassines déjà construites ailleurs, notamment en Vendée et dans l’Est. La mobilisation du week-end est la 4ème d’une série de manifestations et actions à l’œuvre depuis un an dans le Marais Poitevin, dont nous nous faisons régulièrement l’écho sur La Relève et La Peste.

Restitution de l’eau à la nappe phréatique, actions coups de poings et sabotage par de petits groupes indépendants, démontage d’un réseau de pompage, victoires juridiques, la lutte prend de plus en plus d’ampleur. Ecologistes et porteurs des méga-bassines partagent pourtant la même peur : la raréfaction de plus en plus préoccupante de l’eau en France.

Et ce n’est pas près de s’arranger avec la montée en puissance de la crise climatique. Après un hiver dramatiquement sec, un été caniculaire avec plusieurs vagues de chaleur, c’est l’automne qui est en ce moment-même anormalement chaud, bouleversant le cycle des écosystèmes et aggravant la baisse des niveaux des nappes phréatiques.

Ce qui divise pro et anti-bassines, c’est leur façon de faire face à la sécheresse. Les pro-bassines veulent stocker l’eau dans une tentative désespérée de se protéger d’une réalité brutale : en France, l’eau se fait de plus en plus rare depuis plusieurs années.

De nombreux hydrologues expliquent pourtant que les bassines sont une solution court-termiste risquant surtout d’aggraver le problème au fil des ans à cause de l’évaporation et l’eutrophisation de l’eau dans les méga-bassines. En stockant l’eau de manière artificielle, les méga-bassines assèchent les sols, épuisent les nappes et brisent le cycle de l’eau.

Lire aussi : L’humanité a désormais franchi 6 limites planétaires sur 9, dont 2 en 2022

« Cette idée des retenues d’eau est un non-sens, assène ainsi Christian Amblard, spécialiste de l’eau et des systèmes hydrobiologiques, directeur de recherche honoraire au CNRS, au micro de franceinfo. Pour avoir une bonne gestion de la ressource en eau, il faut tout faire pour qu’elle s’infiltre dans le sol. Il faut donc limiter l’usage du bitume et du goudron et favoriser la création de zones humides qui fonctionnent comme des éponges »

Un constat scientifique porté par les participants à la mobilisation du week-end, qui demandent « un moratoire et l’arrêt immédiat de ces projets de bassines » afin de mettre en œuvre une agriculture agroécologique. Le gouvernement, lui, soutient activement les près de 1000 méga-bassines qui risquent d’être construites à l’horizon 2025, dont certaines sont financées à hauteur de 80% par des subventions publiques.

Le gouvernement, par peur d’une ZAD similaire à Notre-Dame-des-Landes, a également laissé un millier de gendarmes sur place, créant de nouvelles dépenses publiques. Pour montrer leur détermination à bloquer les chantiers, les militants ont construit une vigie sur le champ prêté par un paysan ex-irrigant et désormais opposant aux Bassines.

« D’autres solutions pour le partage de l’eau et une agriculture paysanne existent, et nous continuerons de le répéter jusqu’à ce que nos voix soient entendues. No bassaran ! » concluent les écologistes

Laurie Debove

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