La « guerre de l’eau » monte en puissance en Charente-Maritime. Face à la construction illégale de méga-bassines, alors que les procédures judiciaires sont toujours en cours, les fremens du marais poitevin et le gang du cutter à roulette sont passés à l’action. Ils ont lacéré les parois d’une méga-bassine à La Laigne, en Charente-Maritime, la semaine dernière, pour la rendre hors d’usage. Dans leur communiqué de revendication, ils promettent d’autres actions tant que les chantiers continueront.
La nouvelle saison des Soulèvement de la Terre les avait ciblées lors d’une grande manifestation mercredi 22 septembre : les méga-bassines, c’est non ! Les manifestants dénonçaient notamment un « hold-up sur l’eau » qui profitera à une minorité d’exploitants acquis à l’agriculture industrielle.
Avec les bassines, ce sont 150 à 200 hectares de terres agricoles qui seront « littéralement plastifiées » pour quelque 120 « irrigants raccordés », qui ne représentent que « 6 % des exploitations du territoire » — les plus grandes, expliquait ainsi le collectif Bassines Non Merci.
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Depuis, le conflit s’est exacerbé. Deux collectifs indépendants ont contacté différents organismes de presse pour revendiquer leur action, vidéo à l’appui : le démantèlement sauvage d’une méga-bassine construite illégalement à Laigne, en Charente-Maritime.
Les Fremens du Marais poitevin et le Gang du cutter à roulette expliquent que « ce démantèlement est une réponse directe au démarrage du chantier – illégal lui aussi – de méga-bassine à Mauzé-sur-le-Mignon et de la vingtaine d’autres annoncées dans les mois à venir, avant une possible extension de ce modèle écocide au reste du pays ».
La bassine a été ciblée intentionnellement car elle fait partie de l’ASA (association syndicale autorisée) des Roches, et fait encore actuellement l’objet d’une procédure en justice. Selon SudOuest, le propriétaire de la bassine vandalisé et président de l’ASA des Roches, Thierry Boucard a annoncé son intention de porter plainte.
Si la construction des méga-bassines est illégale, c’est qu’elles ont provoqué l’émoi chez de nombreux habitants et les associations environnementales qui ont lancé des actions en justice pour prouver la destruction inestimable de terres fertiles et le pompage d’eau des nappes phréatiques qu’elles demandent. Malgré cela, les agriculteurs n’ont pas attendu les réponses des tribunaux et ont décidé de lancer les travaux en force.
« En pleine crise climatique, lit-on encore dans le communiqué de revendication, l’agro-industrie mène une guerre sans merci pour s’accaparer le bien commun qu’est l’eau et continuer à pourrir les terres de pesticides. »
Cette action radicale fait donc écho à la colère de certains citoyens face au pillage de l’eau et pose une question éthique : les activistes doivent-ils se cantonner à des manifestations encadrées face à des entreprises détruisant illégalement l’environnement ?
Sur sa page Facebook, le collectif Bassines non merci a ainsi expliqué prendre acte de cette revendication en rappelant que :
« BNM annonce depuis 4 ans qu’un passage en force risquait de créer ce genre de situation et que les travaux démarrant, nous ne serions plus en mesure de contenir la colère des habitant.e.s de ce territoire. On y est ! »
Le collectif Bassines Non Merci s’interroge également sur l’attitude que vont adopter les préfets des Deux Sèvres et de la Vienne – « continuation des travaux quoiqu’il en coûte ou mise en place d’un moratoire afin que les tribunaux administratifs puissent statuer » – et ce que va devenir le site de la Laigne : « réparation, rebâchage, conservation ou démantèlement du fond de bassines encore en place ? »
De leur côté, le mouvement des Soulèvements de Terre a précisé dans un communiqué ne pas revendiquer cette action, les deux collectifs étant indépendants, mais rappelle l’importance d’ouvrir un moratoire sur ces bassines suite à la mobilisation publique du 22 septembre.
« Gageons pour notre part que cette initiative pratique, à l’instar par exemple des fauchages d’ogm au début des années 2000 ou de certains illustres « démontages » paysans de Mcdo ou de « fermes-usines » aux 1000 vaches, viendra enrichir le débat sur la diversité des modes d’actions propres à faire réellement barrage aux méga-bassines et à leur monde. » ont réagi le collectif des Soulèvements de la Terre
Cette action est sûrement loin d’être la dernière.
« Tant que les chantiers de construction de méga-bassines ne s’arrêteront pas, tant que les pouvoirs publics ne cesseront de mentir à leur sujet et de les financer, nous continuerons à les démanteler, de nuit comme de jour. » ont conclu les deux collectifs
(1) Les Fremens sont le peuple des sables imaginé par l’auteur de Dune, de Frank Herbert, peuple qui lutte pour la libération de sa planète.
(2) Le nom « Gang du cutter à roulette » est une référence au « Gang de la clé à molette », roman écrit en 1975 par l’Américain Edward Abbey, faisant de lui un pionnier dans la prise de conscience écologiste aux États-Unis.