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« Born in … PPM » : Et vous ? A combien de « PPM » êtes-vous né.e ?

"A partir de 450ppm dans l’atmosphère, le Stockholm Resilience Centre dit qu’on arrive dans l’incertitude la plus totale avec un emballement climatique tel qu’on ne pourra plus rien prédire. Une fois les 450ppm atteintes, le programme c’est fonte des glaces et du permafrost, incendies, émissions de méthane… C’est donc bien MAINTENANT, pas demain ou après-demain, que tout le monde doit s’y mettre."

Photographe engagée, Mary-Lou Mauricio a développé un projet intelligent pour mieux faire comprendre l’urgence du dérèglement climatique : « Born in … PPM ». Cette série de portraits met en scène des personnes de tous âges, affichant au marqueur sur leur corps le taux de concentration en CO2 (PPM) de leur année de naissance. D’un bébé né en 2022 (à 417 PPM) à une mamie en 1925 (à 305 PPM), cette série photos montre à quel point tout le monde est concerné, mais surtout la vitesse alarmante à laquelle augmente la concentration de CO2 dans l’atmosphère.

La concentration de CO2 dans l’atmosphère

LR&LP : Pouvez-vous vous présenter et expliquer pourquoi vous avez eu l’envie de créer « Born in … PPM » ?

Mary-Lou Mauricio : Je suis photographe et animatrice et formatrice de la Fresque du Climat, suite à une reconversion après un burn-out au bout d’une quinzaine d’années dans la communication. Grâce à la Fresque du Climat, j’ai vraiment compris cette problématique. Avant, j’étais déjà écolo et même bénévole pour certaines ONGs comme la Fondation Nicolas Hulot lors de la COP21.

Mais grâce à la Fresque, j’ai notamment compris que le CO2 est une particule inerte qui reste entre 100 et 10 000 ans dans l’environnement une fois qu’elle est émise. La Fresque du Climat m’a permis de comprendre l’importance de la concentration des molécules de CO2 dans l’atmosphère. J’ai compris à quel point le climat nous concerne tou.te.s et à quel point il fallait que chacun.e s’engage pour que les choses bougent enfin.

L’an dernier, la COP27 a eu lieu en Egypte et un appel a été lancé pour créer des projets artistiques autour des enjeux climatiques. Je voulais rendre visible le CO2, ce déchet inodore et incolore, d’où mon idée de mettre en scène des gens. J’ai donc créé une série de portraits avec des jeunes et des vieux, pour les prendre en photo avec inscrit le chiffre en PPM de leur année de naissance sur leur peau. Ce chiffre représente le taux de concentration de CO2 en parties par millions présents dans l’atmosphère lors de leur naissance.

J’avais deux objectifs : démontrer la croissance ultra rapide des taux de concentration de CO2 dans l’atmosphère à travers les générations, et l’injustice climatique que cela entraîne, car peu importe notre contribution aux émissions de GES on vit tous dans le même PPM.

Born in 340 PPM

Les civilisations occidentales sont en train d’imposer ce taux de carbone à des gens qui n’ont peut-être jamais eu accès à une voiture ou à un frigo. C’est pour ça qu’il n’y a pas que des français dans la série de portraits, mais aussi des personnes du monde entier, y compris des réfugiés.

Cette 1ère série de photos je l’ai posté chaque jour pendant la COP27 sur les réseaux sociaux, de la personne la plus âgée au bébé, en racontant leur témoignage. J’ai demandé aux gens de choisir la posture qu’ils veulent sur la photo car ce projet à la base très scientifique et ultra-factuel provoque des émotions différentes.

Quand les gens y participent, on leur présente les PPPM, ce que c’est comme objet de sensibilisation. Après, il y a une interview sur ce que la personne ressent dans le changement climatique dans son cœur, quel est le message qu’ils veulent faire passer. Les participant.e.s se mettent alors en scène pour transmettre le message qu’elles veulent sur le climat, certaines postures reviennent parfois comme le « stop » sur la main.

Born in 310 PPM

Les PPM, une mesure vitale

LR&LP : Parmi les gens que vous avez photographié, est-ce qu’il y en a certains qui vous ont touché plus que d’autres ?

Mary-Lou Mauricio : Un visuel qui me tenait très à cœur et a été fort en émotions, ce sont les femmes enceintes. Cette photo a pour moi le plus de sens. Je leur ai demandé si je pouvais mettre un point d’interrogation sur leur ventre car on ne sait pas ce que l’humanité va décider : est-ce qu’on va atteindre un point de non-retour ou va-t-on inverser la tendance avant qu’il ne soit trop tard ? Elles portent à la fois un message d’espoir et d’angoisse.

Femmes enceintes avec écrit Born in 351 PPM

France, Paris, 2023-02-06. Portrait issu du projet BORN IN PPM de Mary-Lou Mauricio.

LR&LP : Nous sommes actuellement à 419ppm de CO2 dans l’atmosphère, le niveau de CO2 le plus élevé depuis 14 millions d’années. Pour limiter l’élévation de la température moyenne à +2°C, nous devons rester sous le seuil de 450 parties par million de concentration de gaz carbonique dans l’atmosphère. Au-delà, on sombre dans l’inconnu climatique. Comment vivez-vous l’échéance qui se rapproche ?

Mary-Lou Mauricio : Autour du changement climatique, il y a deux enjeux à intégrer : les PPM et les forçages radiatifs. Je suis l’évolution du taux de concentration dans l’atmosphère grâce aux données mesurées à Mauna Loa, à Hawaii, depuis 1958. Avant, c’était par le carottage de glaces qui nous permet de dire qu’on n’a jamais dépassé 300ppm depuis 800 000 ans. Avant l’ère industrielle, on était à 280ppm.

Dans les premières séries de portraits, il y une mamie née à 305ppm, mon père à 310ppm. Les scientifiques ont défini la limite planétaire à 350 PPM, un taux que nous avons dépassé en 1988.

A partir de 450ppm dans l’atmosphère, le Stockholm Resilience Centre dit qu’on arrive dans l’incertitude la plus totale avec un emballement climatique tel qu’on ne pourra plus rien prédire. Le GIEC estime plutôt que ce sera à 500ppm mais les modélisations sont complexes, et en parallèle il y a l’effondrement des puits de carbone ce que prend en compte le Stockholm Resilience Centre.

Une fois les 450ppm atteintes, le programme c’est fonte des glaces et du permafrost, incendies, émissions de méthane… C’est donc bien MAINTENANT, pas demain ou après-demain, que tout le monde doit s’y mettre. Une fois que la nature émettra plus de GES que nous, on n’aura plus le choix que de s’adapter d’où l’importance de diminuer le plus possible nos émissions dès maintenant.

Jean Jouzel, Born in 310 PPM

JEAN JOUZEL, BORN IN 1947, NÉ EN 1947 EN FRANCE. NOTRE LÉGENDE DU CLIMAT. Jean Jouzel est un paléoclimatologue français. Avec Claude Lorius, il a publié en 1987, la première étude établissant formellement le lien entre concentration de CO2 dans l’atmosphère et réchauffement climatique. Il est membre du GIEC (IPCC) entre 1994 et 2015. Mondialement reconnu, Jean Jouzel est une des figures emblématiques du climat. Il alerte sur l’urgence climatique, et, dénonce le manque d’ambition des mesures politiques et économiques face à « la vie réelle » des catastrophes naturelles en cours.

LR&LP : Quelle est l’évolution du projet depuis le lancement des portraits ?

Mary-Lou Mauricio : L’an dernier, j’ai eu la chance d’installer le studio photo à l’Université de la Terre à l’UNESCO avec le passage de gens plus influents et nombre d’entre eux ont partagé leur photo. J’ai donné à chacun leur photo avec un texte explicatif, c’est devenu viral, et des entreprises et événements me sollicitent maintenant pour avoir des portraits.

D’autres ont envie d’avoir un portrait comme un symbole de leur engagement. De plus en plus de gens rajoutent BORN IN PPM dans leur signature, même sur leur CV, ce qui est super chouette car cela permet de démocratiser cette donnée et de la faire connaître.

D’autres utilisent les portraits pour en parler avec leurs parents. Des gens viennent avec leur grand-mère, leur bébé pour faire leur portrait de famille, on veut témoigner de là où on est et de ce qu’il se passe. Certaines personnes m’ont dit que ça leur a vraiment permis de toucher leurs proches et de leur faire prendre conscience du problème.

Un papa et ses deux filles Born in PPM

Aujourd’hui, j’aimerais toucher un peu plus le grand public. Une émission de M6 m’a permis de toucher une audience plus large, ce qui est un premier pas. Mon but c’est que tout le monde comprenne la gravité de la situation et en fasse un moteur pour changer les choses. Je me rends aussi dans les quartiers ou les lieux plus populaires afin que chaque classe sociale puisse se saisir des enjeux. En ce sens, j’ai notamment créé un site internet où chaque internaute peut connaître le taux de concentration dans l’atmosphère au moment de sa naissance.

L’étape d’après, c’est former des photographes à l’étranger afin que qu’on ait des portraits du monde entier. Aujourd’hui, afficher le taux de concentration de CO2 en ppm a dépassé le cadre militant. Ce chiffre est ainsi actualisé chaque jour sur le site internet du journal britannique The Guardian mais aussi de Bloomberg Green et d’autres médias, à la manière des données météo ou boursières qui rythment d’ordinaire le quotidien des journaux généralistes ou économiques. Histoire de montrer qu’il faut changer d’indicateur… »

Et vous… à combien de ppm êtes-vous né.e ?

France, Paris, 2023-11-27. Portrait issu du projet BORN IN PPM de Mary-Lou Mauricio. La concentration en CO2 dans l’atmosphère se mesure en « Parties Par Million ». Depuis la révolution industrielle, ce taux ne cesse d’augmenter, de plus en plus vite contribuant fortement au réchauffement climatique. C’est un marqueur tangible de notre relation au changement climatique. Le participant pose avec le taux de PPM de son année de naissance et témoigne par sa posture de son ressenti face au dérèglement climatique. Photographie par Mary-Lou Mauricio / Hans Lucas.

Laurie Debove

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