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La forte dégradation des forêts en France nous empêchera d’atteindre la neutralité carbone en 2050

Les forêts existantes vont connaître un léger accroissement de leur capacité d'absorption carbone dans les prochaines années mais se confronteront à une “baisse brutale entre 2027 et 2030 au regard de la crise” qu'elles traversent.

La neutralité carbone en 2050 est “loin d’être atteinte”, selon un document de la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) publié par Contexte. La forte dégradation des forêts en France, puits d'absorption carbone, nous empêchera d’atteindre les objectifs.

Forte dégradation des forêts en France

La Stratégie nationale bas carbone (SNBC), qui prévoit une baisse de 55% d’émissions carbone en 2030, et de 100% en 2050, avait été révisée en 2018 et sera réévaluée une seconde fois courant 2024. L’occasion pour l’administration de faire le bilan en cette fin d’année avant la nouvelle SNBC. Et les résultats sont loin des objectifs.

La sous-performance des puits forestiers empêche l’atteinte des -55% d’émissions en 2030. Selon la DGEC, les résultats atteindraient  -51,5%.

Le plan de renouvellement forestier, dont les trois mesures principales sont la reconstitution des peuplements sinistrés (notamment les forêts dans le Grand-Est et en Bourgogne-Franche-Comté qui ont subi d’importantes attaques de scolytes), l’adaptation des peuplements vulnérables au changement climatique, et l’amélioration des peuplements pauvres (taillis, mélanges taillis-futaies, accrus forestiers de faible valeur économique), se heurte au réchauffement des températures, aux incendies, aux sécheresses et aux maladies.

Les forêts existantes vont connaître un léger accroissement de leur capacité d’absorption carbone dans les prochaines années mais se confronteront à une “baisse brutale entre 2027 et 2030 au regard de la crise”.

La DGEC prévoit une aggravation de la mortalité forestière jusqu’en 2025, puis une légère baisse entre 2026 et 2030, et enfin un accroissement continu jusqu’en 2079, symbole des difficultés des écosystèmes à s’adapter au changement climatique.

Pour endiguer le phénomène, Emmanuel Macron avait annoncé, en octobre 2022, vouloir planter 1 milliard d’arbres en 10 ans. En d’autres termes, “renouveler 10% de la forêt”. Mais, là encore, les promesses se confrontent à la réalité scientifique. Selon une étude publiée dans la revue British Ecological Society menée dans la forêt de Wytham (Oxfordshire, Grande-Bretagne), les arbres anciens, à la densité et à la masse importantes, stockeraient deux fois plus de carbone que leurs cadets.

En juin dernier, l’Académie des sciences tirait la sonnette d’alarme. La capacité de stockage du CO2 par les écosystèmes forestiers a été divisée par deux, absorbant 31,2 millions de tonnes de carbone en 2021, contre 57,7 millions en 2011. Et les estimations pour 2030 sont pires.

Initialement, la Stratégie nationale bas carbone prévoyait une absorption de 36 millions de tonnes de CO2 en 2030 par les puits forestiers. On tournerait, aujourd’hui, autour des 18 millions. Idem en 2050, avec 38 millions de tonnes absorbées selon les estimations originelles, contre 15 millions actuellement si la chute des puits forestiers n’est pas endiguée. 

“Le maintien de la neutralité carbone devra être comblé par les puits technologiques ou de grandes réductions d’émission brute” explique la DGEC.

Des secteurs économique “sans contraintes”

Les émissions par secteur (industries, bâtiments, transports, agriculture, production d’énergie, déchets) sont assez proches des cibles de la Stratégie nationale bas carbone selon la DGEC. Mais ce ne sont que des prévisions, dont certaines sont intrinsèquement lié aux accords non contraignants entre les entreprises polluantes et l’État.

L’objectif prévisionnel du secteur industriel pour 2030 est atteint insiste la DGEC. En 2050 les émissions sectorielles pourraient même être négatives malgré des émissions incompressibles de certaines productions selon elle. Une prévision à prendre avec des pincettes car elle s’appuie sur la mise en œuvre des technologies de captation de CO2 dont l’efficacité est floue voire contre-productive.

Les gains d’efficacité énergétique seront importants d’ici 2050. Le pétrole, le gaz naturel et le charbon seraient totalement supprimés des systèmes productifs. Il y aurait une hausse du taux d’incorporation de matériaux recyclés pour la fabrication de l’éthylène, de l’aluminium et de l’acier. Le secteur de l’énergie connaîtrait également de bonnes avancées, avec l’accroissement important de la part de l’éolien terrestre et offshore, de l’hydraulique et de la biomasse dans le mix énergétique.

Les transports pourraient également atteindre leurs objectifs mais seulement avec l’ajout de mesures additionnelles dans le prochain volet de la Stratégie nationale bas carbone. La DGEC table notamment sur une hausse de la taxe sur les billets d’avion ou sur l’extension de l’interdiction des vols si une alternative ferroviaire existe jusqu’à un seuil de 4h30.

Le gros point noir se situe au niveau du secteur des bâtiments. Le renoncement à l’interdiction des installations de nouvelles chaudières à gaz fait bondir la note du secteur de 3 millions de tonnes de C02 en 2030.

Avec la dégradation des puits forestiers, d’autres mesures dans les secteurs industriel, du transport ou du bâtiment sont à prendre pour atteindre la neutralité carbone selon la DGEC. Pour cela, l’institution mise principalement sur la méthanisation et la captation carbone, dont l’efficacité n’est pas prouvée. Même si d’importants efforts sont réalisés par les différents secteurs économiques, ce qui fort peu probable, serons-nous capable de composer avec les destructions des puits forestiers? 

Source :  « La France encore loin d’avoir trouvé le chemin de la neutralité carbone », Contexte, 20/11/23

Florian Grenon

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