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Crise climatique : l’humanité va connaître des retombées cataclysmiques, alerte le GIEC

« La vie sur terre peut se remettre d’un changement climatique majeur en évoluant vers de nouvelles espèces et en créant de nouveaux écosystèmes, note le GIEC. L’humanité ne le peut pas. »

En fallait-il vraiment un de plus ? Les conclusions du prochain rapport du GIEC, destinées aux décideurs, ont fuité et le ton est encore plus alarmiste que les années précédentes : pénurie d’eau, exode, malnutrition, extinction d’espèces… La vie sur Terre telle que nous la connaissons sera inéluctablement transformée par le dérèglement climatique quand les enfants nés en 2021 auront 30 ans, voire plus tôt. Ce rapport vient confirmer ce que tous les scientifiques n’ont de cesse de répéter depuis des années : la décennie 2020 – 2030 est cruciale pour limiter les dégâts, et il n’y aura pas un seul pays à l’abri des conséquences dévastatrices de ce que certains points de bascule peuvent entraîner.

Encore pire que prévu

Rédigé par des centaines de scientifiques rattachés au Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), le rapport d’évaluation complet de 4000 pages fait autorité en la matière de mesures à prendre, à travers des recommandations précises adressées aux décideurs et citoyens du monde entier.

Il ne sera officiellement publié qu’en février 2022, mais ses principales conclusions ont fuité. Si plusieurs scientifiques, dont la française Valérie Masson-Delmotte ont rappelé l’importance d’attendre les conclusions définitives par respect du travail des 260 auteurs et des 1168 relecteurs (40 293 commentaires seront pris en compte), les faits sont déjà sans équivoque : la situation est encore pire que prévue. Si le GIEC sonnait déjà le tocsin en 2018, les choses ne se sont pas améliorées, loin de là.

Lire aussi : Dernier avertissement du GIEC avant une crise climatique irréversible

Alors que l’accord de Paris signé en 2015 prévoyait de limiter le réchauffement à +2°C par rapport à l’ère pré-industrielle, et si possible +1,5°C, le GIEC estime désormais que dépasser +1,5°C pourrait déjà entraîner « progressivement, des conséquences graves, pendant des siècles, et parfois irréversibles ».

Selon l’Organisation météorologique mondiale, la probabilité que ce seuil de +1,5°C sur une année soit dépassé dès 2025 est déjà de 40%. L’heure n’est donc plus aux tractations politiques et demi-mesures, mais à un changement radical de nos modes de production et consommation.

« La vie sur terre peut se remettre d’un changement climatique majeur en évoluant vers de nouvelles espèces et en créant de nouveaux écosystèmes, note le résumé technique de 137 pages. L’humanité ne le peut pas. »

L’humanité est loin d’être l’espèce en première ligne face aux aléas climatiques. Même à 1,5 °C, les conditions de vie vont changer au-delà de la capacité de certains organismes à s’adapter, pointe le rapport, parmi eux : les animaux de l’Arctique, territoire qui se réchauffe trois fois plus vite que la moyenne, et les récifs coralliens, dont un demi-milliard de personnes dépendent pour survivre.

Lire aussi : la barrière corallienne des Caraïbes pourrait disparaître en 15 ans et la forêt Amazonienne en 50 ans, alerte une nouvelle étude

Des catastrophes en cascade

Les risques climatiques vont toucher près de 2,5 milliards de personnes supplémentaires d’ici 2050, notamment à cause de l’augmentation de l’insécurité alimentaire. La production des principales cultures a déjà baissé de 4 à 10% ces dix dernières années.

Même en limitant la hausse à 2 °C, jusqu’à 80 millions de personnes supplémentaires auront faim d’ici à 2050 et 130 millions pourraient tomber dans la pauvreté extrême d’ici à dix ans.

Alors que le monde entier se débat encore contre un seul virus, l’augmentation moyenne des températures aura des conséquences sanitaires particulièrement fortes : si la température augmente de +1,5°C à +2°C, 1,7 milliard de personnes supplémentaires seront également exposées à de fortes chaleurs, 420 millions à des chaleurs extrêmes et 14% de la population terrestre à des canicules exceptionnelles tous les cinq ans.

Si les épisodes caniculaires inquiètent particulièrement les scientifiques, c’est parce qu’ils mettent à mal les limites de la résistance humaine qui s’évalue selon un concept nommé « température humide » ou « thermomètre mouillé », transcrite par le sigle « TW » au sein des scientifiques.

« Il y a tellement d’humidité dans l’air que la sudation ne permet pas de faire baisser la température excessive. Après une demi-douzaine d’heures, en l’absence de rafraichissement artificiel, cela entraînera des défaillances d’organes et la mort », explique Colin Raymond pour l’AFP.

Pour ce phénomène, les régions du monde les plus à risque sont l’Asie du Sud et du Sud-Est, le golfe Persique, le golfe du Mexique ou des parties du continent africain. L’Europe est loin d’être épargnée.

« Depuis 2015 des vagues de chaleur sont équivalentes à celle de 2003. Ces canicules vont devenir la norme au milieu du siècle. Nos étés actuels paraîtront froids par rapport à ceux qui nous attendent courant 2040. » prédit Robert Vautard, météorologue, pour Franceinfo

En Europe, le « thermomètre mouillé » était resté juste sous ce seuil pendant la grande canicule qui fit plus de 50.000 morts à l’été 2003. Et l’augmentation des températures va forcément impacter les forêts, tropicales ou boréales, qui sont déjà grandement menacées.

La forêt amazonienne a potentiellement atteint un point de non-retour, faute de pouvoir produire son évapotranspiration. Quant au permafrost, il est désigné sous le nom de bombe climatique en raison des immenses quantités de méthane, un gaz à effet de serre vingt fois plus puissant que le CO2, qui pourraient être relâchées s’il venait à fondre.

Lire aussi : En dix ans, l’Amazonie brésilienne a émis plus de carbone qu’elle n’en a absorbé

La crise climatique ne se traduit pas seulement par une augmentation des températures, mais surtout par une augmentation des catastrophes naturelles en tout genre et de leur intensité. Presque toutes les zones côtières pourraient ainsi être frappées par trois ou quatre catastrophes météorologiques simultanées, voire plus : canicule, sécheresse, cyclone, incendie, inondation, maladies transportées par les moustiques…

Rapport du GIEC : les décisions prises aujourd’hui vont décider de la vie ou de la mort des océans et de la cryosphère

Le rôle des activités humaines

Les activités humaines dépassent tellement impunément les limites planétaires qu’elles sont directement responsables de nombreux dangers pour le maintien des conditions de vie sur Terre telles que nous les connaissons : destruction des habitats, surexploitation des ressources, pollution, propagation des maladies…

« En modifiant les grands cycles chimiques, le cycle de l’azote, du carbone, du phosphore, de l’eau, l’homme a même une influence isostatique », c’est-à-dire sur la tectonique des plaques, souligne Dominique Bourg. « On agit, le système-Terre rétroagit, ajoute celui-ci. On est entré dans une époque où le boomerang nous revient dessus. »

« Sauver le climat » ne se réduit pas à diminuer les émissions de CO2, mais bien à limiter l’excès des pressions faites à tous les processus terrestres. Une fois franchis certains points de bascule, c’est le grand saut dans l’inconnu.

Lire aussi : La France dépasse 6 des 9 limites planétaires, ces processus qui conditionnent l’équilibre du système-Terre

Preuve en est que nous sommes malheureusement loin d’avoir réussi à changer notre mode de pensée, sont également inclus dans les conclusions du rapport les risques posés par ces catastrophes naturelles pour la sainte-croissance économique, dont l’obstination à la poursuivre nous a pourtant plongé dans ce chaos.

Même avec des mesures d’adaptation (digues, drainage…), les coûts liés aux inondations pourraient d’ici 2050 être multipliés par dix, à 60 milliards de dollars par an, dans les 136 plus grandes villes côtières.

Lire aussi : La calotte glaciaire du Groenland a déjà entièrement fondu dans le passé, sous un climat à peine plus chaud que l’actuel

Face à cette pléïade de problèmes systémiques, il n’y a aucune recette miracle ou mode d’emploi, tous les secteurs d’activité doivent se remettre profondément en question pour faire face à la crise en cours, et chaque territoire doit mettre en place des solutions adaptées à ses besoins.

Petite lueur d’espoir pointée dans le rapport : même une seule action peut avoir des effets positifs en cascade. Ainsi, la conservation et la restauration des mangroves et des forêts sous-marines de kelp, qualifiées de puits de « carbone bleu », augmentent le stockage du carbone, protègent contre les submersions, et fournissent un habitat à de nombreuses espèces et de la nourriture aux populations côtières.

La fin de l’année 2021 va être rythmée par de grands rassemblements politiques sur l’importance de « sauver » la biodiversité et le climat, mais l’espèce humaine ne doit pas se penser démiurge : c’est bien elle, et par extension tous les non-humains qui ont le malheur de co-exister en même temps qu’elle, qu’elle doit à présent sauver.

Crédit photo couv : Incendies au Portugal, 2016 – Michael Held

Laurie Debove

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