Face à la crise écologique en cours, une équipe de scientifiques s’est penchée sur le point de non-retour des écosystèmes. Leur conclusion est pour le moins préoccupante : les changements d’état d’un écosystème se produisent de manière disproportionnée beaucoup plus rapidement pour les grands écosystèmes. Parmi les premiers touchés : la forêt amazonienne et la barrière de corail dans les Caraïbes, dont dépendent des millions d’êtres vivants pour exister.
Plus un écosystème est grand, plus il peut être dramatiquement défiguré ou exterminé
L’idée d’un effondrement écologique qui serait caractérisé par sa brutalité n’est plus forcément digne d’un scénario à la MadMax, nous avertissent les scientifiques de la nouvelle étude parue dans Nature Communications. Face à l’augmentation du nombre de changements des écosystèmes, Gregory Cooper, Simon Willcock et John Dearing se sont intéressés aux relations entre les échelles spatio-temporelles qui les impactent et leurs mécanismes.
Leur conclusion : plus un écosystème est grand, et plus il va changer lentement, mais de façon disproportionnée et irréversible à échelle de vie humaine
Qu’ils dépassent des points de bascule ou soient sous l’emprise de boucles de rétroaction, les grands écosystèmes ne peuvent donc pas retrouver leur état initial une fois franchi un point de non-retour. Les chercheurs ont étudié de tels changements dans 40 régions naturelles, de différentes tailles.
Pou les chercheurs, deux écosystèmes sont particulièrement menacés : la forêt amazonienne qui pourrait périr d’ici 50 ans, et la barrière de corail caribéenne qui risque d’être annihilée d’ici 15 ans ! Les causes de ces périls : l’activité humaine qui déforeste à outrance, pollue et participe à l’acidification des océans.
Forêt amazonienne : point de non-retour en 2021 et désert en 2050
Sous l’effet de la crise climatique et de la déforestation, la forêt amazonienne approche ainsi d’un point de non retour et pourrait se transformer en une savane aride d’ici un demi-siècle. Les scientifiques estiment que la perte de 35% de surface, dont le total recouvre plus de cinq millions de km2 répartis sur sept pays, suffirait à déclencher sa disparition. Or, depuis 1970, ce dont déjà environ 20% de la forêt amazonienne qui a été rasée pour cultiver du soja, du bois, de l’huile de palme, des biocarburants ou l’élevage bovin.
L’écosystème amazonien pourrait ainsi atteindre un point de non-retour en 2021, selon les chercheurs, soit l’an prochain !
Cette date correspond à l’année où la forêt amazonienne ne pourrait plus générer sa propre pluie, selon une autre étude parue en 2019. Plus que jamais, il devient donc vital d’accélérer une coopération internationale pour préserver la forêt amazonienne en stoppant l’exploitation illégale de ses ressources, mettant en place des filières plus résilientes comme l’exploitation d’hévéa ou la culture des noix et protégeant les populations autochtones.
Barrière de corail menacée d’extinction
Avec le poumon vert de la planète, le poumon bleu n’est malheureusement pas en reste, et peut-être même dans un pire état ! Un autre écosystème majeur, la barrière de corail dans les Caraïbes, pourrait ainsi disparaître en 15 ans, une fois dépassé son point de non-retour.
Les échelles de temps observées par les scientifiques sont cohérentes avec les observations selon lesquelles la couverture corallienne dans les Caraïbes a diminué de 80% de 1977 à 2001 et pourrait disparaître complètement d’ici 2035, en fonction des taux de surpêche, du changement climatique et de l’acidification des océans.
Selon le Giec, les experts climat de l’ONU, 90% de tous les coraux en eaux peu profondes seront condamnés si le réchauffement climatique atteint 1,5°C comparé à la période pré-industrielle. Une hausse de 2°C signera leur disparition quasi-complète. Le réchauffement atteint déjà 1,1°C.
« L’humanité doit maintenant se préparer à des changements dans les écosystèmes qui sont plus rapides que ce que nous envisagions auparavant avec notre vision linéaire traditionnelle du monde, y compris à travers les écosystèmes les plus grands et les plus emblématiques de la Terre, et les systèmes socio-écologiques qu’ils soutiennent. » avertissent ainsi les scientifiques de l’étude
En effet, en plus d’abriter une flore et une faune uniques au monde, des dizaines de millions de personnes dépendent directement de la forêt amazonienne et de la barrière de corail pour exister.