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Percée historique du RN et victoire de la NUPES : le plongeon dans l’inconnu de l’Assemblée nationale

Le Président se retrouve un peu plus isolé, et devrait avoir donc du mal à mettre en œuvre les projets les plus polémiques de son nouveau mandat, dont notamment la réforme des retraites qu’il avait dû interrompre suite aux nombreux mouvements sociaux et à la pandémie.

Il se croyait au-dessus de la mêlée, les résultats des législatives sont un brutal rappel à la réalité. Emmanuel Macron n’aura plus les pleins pouvoirs à l’Assemblée nationale. Face à son parti, deux forces radicalement opposées : le RN, qui n’a jamais eu autant de députés, et la Nupes qui impose des militants issus de luttes sociales et écologiques et conserve des figures emblématiques et puissantes. Les débats promettent d’être mouvementés à l’Assemblée nationale.

Qu’elles semblent loin la victoire éclatante et les promesses de changement de 2017. Ensemble !, la coalition présidentielle réunissant La République en marche (LRM), le MoDem et Horizons, n’a obtenu qu’une majorité relative, avec 246 députés, à l’issue du second tour des élections législatives ce dimanche 19 juin.

Issue d’une alliance historique de la gauche, la Nupes n’aura pas réussi à imposer une cohabitation au Président de la République, mais devient tout de même la deuxième force politique du pays, en remportant 32,64 % des voix, soit 142 sièges. Sur les 142 députés de La Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes), 72 députés sont issus de La France insoumise, 26 du Parti socialiste, 23 d’Europe Ecologie-Les Verts, 12 du Parti communiste et 4 de Génération.s. Vingt-deux autres députés ont été élus sous l’étiquette « divers gauche ».

C’est pourtant une victoire bien amère face au raz-de-marée électoral inattendu du Rassemblement National qui remporte un score jamais vu avec 89 députés, alors que le scrutin majoritaire à deux tours lui a toujours été défavorable. Un record largement permis par l’exécutif lui-même, à force de reprendre à son compte les thématiques traditionnelles xénophobes du parti d’extrême-droite, mais aussi du dégoût du parti présidentiel par des électeurs de gauche pour qui il est devenu plus important de « dégager Macron » que combattre l’extrême-droite.

Les incessantes querelles politiques ont tellement lassé les électeurs que nombre d’entre eux ont choisi de ne pas se rendre dans les urnes ou de faire part de leur mécontentement en votant : l’abstention s’est élevée à 53,77 % et un fort contingent de bulletins blancs et nuls (7,64 % des votants) a marqué ce second tour.

Par ailleurs, avec 215 femmes (37,26 %) et 362 hommes (62,74 %), la nouvelle Assemblée nationale sera sensiblement moins féminisée que l’hémicycle issu des élections législatives de 2017 (39 %) selon un décompte de l’Agence France-Presse (AFP).

La Ve république était conçue pour assurer une majorité à l’exécutif, c’est la première fois dans son Histoire qu’un président nouvellement élu (ou réélu) échoue à obtenir le soutien d’une majorité de députés, ainsi que le rappelle le spécialiste de la politique française Michel Soudais.

Si le parti présidentiel a déjà lancé la menace d’une dissolution de l’Assemblée nationale d’ici un an, peut-être que cette Assemblée « ingouvernable » va permettre un regain démocratique au sein du Parlement. Sans majorité absolue pour imposer son agenda, les pions d’Emmanuel Macron vont enfin devoir débattre et se poser les bonnes questions.

Percée historique du RN

Il devait être le Président qui anéantissait l’extrême-droite, il sera retenu dans l’Histoire comme celui qui lui a ouvert les portes de l’Assemblée nationale. En mai 2017, Emmanuel Macron avait déclaré vouloir « éradiquer la colère dont le Front national se nourrit ». Cinq ans de mandature caractérisée par une casse sociale des services publics au profit du privé et des plus riches l’auront largement alimenté.

Surtout, la diffamation permanente par le gouvernement Macron de Jean-Luc Mélenchon et l’alliance des gauches, la Nupes, abondamment relayée dans les médias traditionnels, a largement contribué à dé-diaboliser le RN. Cette trahison au « barrage républicain » a atteint son apogée lorsque le gouvernement a tout simplement refusé de donner des consignes de vote claires en cas de duel Nupes-RN pendant ce dernier tour des élections législatives.

Résultat, 91 députés issus de l’extrême droite, dont 89 du Rassemblement national, siégeront dans la nouvelle Assemblée nationale, trois fois plus que le précédent record. En 1986, le Front national de Jean-Marie Le Pen avait fait une percée historique avec l’élection de 35 députés à la proportionnelle.

Dans la même foulée, quasiment tous les cadres du RN qui s’étaient présentés ont été élus : « le porte-parole Sébastien Chenu dans le Nord (19circonscription) ; Jean-Philippe Tanguy, l’ancien directeur adjoint de campagne de Marine Le Pen, dans la Somme ; l’ancien journaliste de LCI Philippe Ballard dans l’Oise ; le très médiatique Julien Odoul dans l’Yonne ; Franck Allisio, responsable des « argumentaires » pendant la campagne présidentielle, dans les Bouches-du-Rhône ; la conseillère presse de Marine Le Pen Caroline Parmentier dans le Pas-de-Calais ; Laure Lavalette, la conseillère régionale très mise en avant par le parti pendant la campagne présidentielle, dans le Var ; et le jeune trésorier du RN Kévin Pfeffer en Moselle. » 

Illustration marquante de l’ambivalence de cette perfidie : Clément Beaune, ministre délégué chargé de l’Europe, a réussi à arracher de justesse son siège de député de Paris face à la Nupes, après avoir été l’un des très rares du camp présidentiel à appeler à voter très clairement contre les candidats du RN.

Au-delà d’un plus grand nombre de voix dans l’Hémicycle, cette victoire du RN va aussi lui apporter une aide financière notable via 10 millions d’euros de financement public par an, et un soutien logistique précieux pour former et entretenir les cadres du parti. Le RN pourra également briguer certaines des plus hautes fonctions du Parlement, notamment l’un des six postes de vice-président ou l’un des trois postes de questeurs.

Voilà donc qui devraient remettre de façon plus assidue les membres du RN sur les sièges de l’Assemblée nationale, eux qui délaissaient totalement cette arène politique les 5 dernières années avec des taux d’absentéisme record. « Hormis quelques propositions de loi cosignées sur des thèmes de sécurité et d’immigration, la présidente du RN s’est la plupart du temps abstenue de voter, d’intervenir, de siéger, voire de soutenir les amendements qu’elle avait proposés » vous expliquait-on dans cet article.

L’entrée de militants écologistes et sociaux

Malgré la percée alarmante de l’extrême-droite, Jean-Luc Mélenchon s’est voulu rassurant et optimiste lors de son discours faisant suite aux résultats des législatives :

« Plus grands sont les défis, plus grandes sont les opportunités. Plus le vieux monde pourri dans lequel nous vivons a du mal à se maintenir en place politiquement, plus la possibilité est grande pour nous. Plus le capitalisme a du mal à nuire, plus la possibilité du solidarisme est là. »

Si l’espoir est là, c’est que parmi les nouveaux députés de la Nupes, nombre d’entre eux sont issus des mouvements écologiques et sociaux. Ainsi, Rachel Keke est la première femme de chambre à devenir députée, après s’être illustrée dans son combat victorieux contre le groupe Accor Hotel.

Lire aussi : Après 22 mois de lutte, victoire pour les femmes de chambre de l’Ibis Batignolles

Se sont également illustrés la militante anti-Amazon Alma Dufour, qui avait réussi à faire annuler la construction de plusieurs méga-entrepôts du géant américain ; l’écologiste antinucléaire Marie Pochon qui s’est imposée dans la circonscription où se trouve la polémique centrale nucléaire de Tricastin, tout un symbole ; ou encore Aurélie Trouvé, ancienne dirigeante d’Attac qui prône plus de justice sociale et de partage des richesses.

Julien Bayou, le secrétaire national d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV) a également été élu député dans la 5e circonscription de Paris, tandis qu’Olivier Faure et Fabien Roussel conservent leurs sièges. Quelques figures emblématiques de la LFI ont par ailleurs été réélues telles que Mathilde Panot, François Ruffin, Aurélien Taché et Loïc Prud’homme, un député très investi sur les questions écologiques.

Tandis que le parti LR tient le choc et refuse l’idée d’une coalition avec le gouvernement, la Nupes va devoir affûter ses outils politiques pour tenir un rapport de force sur les bancs de l’Assemblée. Elle dispose notamment du droit de saisine du Conseil constitutionnel qui peut aboutir à l’abrogation d’une loi, si le texte n’est pas jugé conforme à la Constitution par le « conseil des Sages ».

Surtout, la NUPES pourrait obtenir la présidence de la commission des finances, la plus prestigieuse de l’Assemblée nationale car elle contrôle le budget de l’État. Depuis 2007, cette présidence revient à un député de l’opposition, choisi par ses députés membres. En surveillant avec précision les aiguillages du budget de l’Etat, la NUPES pourrait donc « incarner une alternative programmatique au camp Macron ». Le RN a d’ailleurs conscience des enjeux et quelques cadres du Parti ont déjà exprimé leur désir de prendre la tête de cette commission.

Lire aussi : ​​Les élections législatives : dernier rempart contre la casse sociale

La claque électorale de Macron

Malgré la coalition présidentielle, le gouvernement Macron perd donc sa majorité absolue. A tel point que trois ministres ont subi une cuisante défaite, et devraient se voir déchoir de leurs postes.

Amélie de Montchalin, la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, a été battue par le socialiste Jérôme Guedj dans l’Essonne. Brigitte Bourguignon, ministre de la santé, a été devancée par une candidate du Rassemblement national (RN) dans le Pas-de-Calais. Et Justine Benin, secrétaire d’État à la mer, n’a pas été réélue dans sa circonscription guadeloupéenne face à un concurrent de gauche.

D’autres figures de proue du macronisme ont également connu une cuisante défaite. Richard Ferrand, président de l’Assemblée nationale, et Christophe Castaner, président des député·es LREM, ont été tous les deux vaincus par des candidats de la Nupes. Le premier questeur de l’Assemblée Florian Bachelier (Ille-et-Vilaine), le président du groupe MoDem Patrick Mignola (Savoie) ou le rapporteur général du budget Laurent Saint-Martin (Val-de-Marne) ont également été chassés par des Insoumis.

Pour d’autres, au contraire, les scandales dont ils font l’objet n’ont pas empêché leur élection. Ainsi, le ministre des Solidarités Damien Abad, accusé de viols, a été réélu malgré les interpellations médiatisées de plusieurs citoyennes face au Président ou ses collaborateurs sur le sujet. De la même façon, Sylvain Maillard reste député de la 1ère circonscription de Paris alors qu’il est accusé de détournement de fonds dans le scandale des Pandora Papers.

Lire aussi : Quinquennat Macron : « nous sommes gouvernés par une association de malfaiteurs »

Le Président se retrouve un peu plus isolé, et devrait avoir donc du mal à mettre en œuvre les projets les plus polémiques de son nouveau mandat, dont notamment la réforme des retraites qu’il avait dû interrompre suite aux nombreux mouvements sociaux et à la pandémie.

Cette plongée dans l’inconnu pour les futurs débats parlementaires et textes de loi intervient au moment où la France vient d’être frappée par une vague de chaleur hors-norme et inédite pour la période de l’année ; la guerre pour les ressources continue de faire rage en Ukraine et dans le monde entier ; l’inflation s’enchaîne aux pénuries ; et la précarisation de la population, aggravée par l’accaparement des richesses, augmente sur le territoire français.

Face à cette cuisante défaite électorale, Emmanuel Macron écoutera-t-il enfin les revendications sociales et écologique de ses concitoyens, ou continuera-t-il à attiser la peur de l’autre en renforçant l’idéologie d’extrême-droite ? Une nouvelle arène politique vient de commencer.

Crédit photo couv : Stephane Mouchmouche / Hans Lucas via AFP

Laurie Debove

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