Léna Lazare et Basile Dutertre, tous deux membres des Soulèvements de la Terre, étaient jugés le 22 novembre 2024 par le Tribunal judiciaire de Paris pour leur non-présentation devant la commission d’enquête parlementaire créée après la manifestation contre les mégabassines de Sainte-Soline en mars 2023. De lourdes peines requises. Délibéré attendu le 17 janvier 2025.
« Un acharnement judiciaire »
C’est un énième cas « d’acharnement judiciaire envers les opposants au gouvernement » s’exclame ce matin Léna Lazare sur le parvis du Tribunal judiciaire de Paris. Les peines requises sont considérables : deux mois de prison avec sursis, 1 500 euros d’amende ainsi qu’un an d’interdiction de droits civiques contre Léna Lazare ; quatre mois de prison avec sursis, 3 000 euros d’amende et deux ans d’interdiction de droits civiques contre Basile Dutertre.
Les deux militants sont les premières personnes, sous la Ve République, poursuivies pour ne pas s’être présentées devant une commission d’enquête parlementaire. C’est également la première fois depuis 1945 qu’une organisation est appelée à se présenter devant une commission d’enquête pour avoir organisé une manifestation.
Les Soulèvements de la Terre rappellent pourtant que « nombreux sont les puissants qui ont menti devant une Commission d’Enquête Parlementaire ces dernières années, sans être poursuivis », et citent « Alexandre Benalla, Vincent Bolloré, Gérald Darmanin, Marlène Schiappa… ».
Léna Lazare et Basile Dutertre ont été arbitrairement désignés par la commission comme les « représentants légaux » d’un mouvement pourtant acéphale. Ces réquisitions feront date. La députée France Insoumise de l’Essonne Claire Lejeune souligne une « criminalisation des mouvements sociaux qui se raidit ».
« Un dysfonctionnement grave de nos institutions »
Une Commission d’enquête n’a pas le pouvoir d’auditionner des militants, politiques ou organisations alors qu’un procès est en cours, ce qui était le cas après la manifestation de Sainte-Soline.
« Ce qui se joue aujourd’hui, c’est la séparation des pouvoirs. C’est un des premiers pas d’un pays qui bascule vers le côté obscur de la force » s’inquiète l’eurodéputé Écologistes David Cormand. C’est « un dysfonctionnement grave de nos institutions ».
L’objectif de la Commission d’enquête était de « mettre sur le dos des Soulèvements de la Terre de manière très malhonnête tous les torts survenus à Sainte-Soline » renchérit Léna Lazare. L’idée était d’avoir « un contre-feu » par rapport à une situation compliquée pour le gouvernement et des « mensonges du ministère de l’Intérieur » dénonce la jeune activiste.
Jérôme Graefe, juriste membre de la LDH (Ligue de Protection de l’Homme), qui a analysé la prise de parole de Gérald Darmanin devant cette commission d’enquête, rappelle que l’ancien ministre de l’Intérieur avait, sous serment, expliqué que « les gendarmes n’avaient pas bougé de leur ligne », alors même que les forces étaient allées au contact des manifestants peu après 13h et que ces derniers étaient encore loin des mégabassines.
Ce même Gérald Darmanin avait déclaré, trois jours avant les événements, qu’il y aurait « des images difficiles ». « On espère qu’il aura à répondre de ses mensonges » réplique Julien Le Guet, porte-parole de Bassine Non Merci.
Le 25 mars 2023, lors des événements de Sainte-Soline, 200 manifestantes et manifestants ont été blessés, dont 40 gravement. Deux activistes ont fini dans le coma.
La réécriture des évènements ne s’était pas arrêtée là puisque durant la manifestation et les journées qui ont suivi, les membres du gouvernement se sont succédés dans les médias « pour contrôler l’information, pointer la responsabilité entière des Soulèvements de la Terre et délégitimer les mouvements qui luttent pour le vivant » alerte Claire Lejeune.
« Une vaste entreprise de sape de la vérité » selon les Soulèvements de la Terre.
« Une dégénérescence de la répression politique »
La commission d’enquête étudiait « la structuration, le financement, les moyens et les modalités d’action des groupuscules auteurs de violences à l’occasion des manifestations et rassemblements intervenus entre le 16 mars et le 3 mai 2023, ainsi que sur le déroulement de ces manifestations et rassemblements. »
Le Président de commission, Patrick Hetzel, nouveau ministre de l’Enseignement supérieur, anciennement député de la 7ème circonscription du Bas-Rhin, « s’est servi de cette procédure pour désigner et s’attaquer à des adversaires politiques » selon les Soulèvements de la Terre. Raison pour laquelle Léna Lazare et Basile Dutertre ont refusé de se rendre devant la commission d’enquête et ont préféré répondre aux questions de celle-ci par écrit.
« Le but était de nous cuisiner et de nous piéger » souligne la militante.
Le rapport de la commission d’enquête parlementaire vise à « produire une nouvelle loi anti-casseur », « instaurer la notion de provocation à la violence implicite » et « développer une logique de l’ennemi intérieur » indique le mouvement.
David Cormand enfonce le clou : « c’est une dégénérescence de la répression politique ».
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