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« Les pêcheurs sont les premières victimes de l’extinction de la biodiversité »

Nous avons la conviction qu’une pêche rentable, productive, largement décarbonée, riche en emplois et pauvre en impacts environnementaux est possible. Une pêche profondément respectueuse des écosystèmes et au service de l’aménagement des territoires et des sociétés du littoral.

Des chercheurs, navigateurs, pêcheurs et parlementaires s’unissent pour interpeller Emmanuel Macron et lui demander « l’ouverture du chantier national de la pêchécologie : une pêche riche en emplois et pauvre en impacts environnementaux ». A l’occasion de la Conférence des Nations-Unies sur l’océan (Unoc), nous publions leur tribune.

« Nous sommes depuis longtemps des défenseurs, tout à la fois, de la vie marine et de la pêche durable. Alors que débute le sommet de l’Unoc, nous pensons indispensable d’alerter, car l’une et l’autre sont menacées, et le sommet semble peu s’en préoccuper.

Pourtant, il n’y aura ni conservation de la biodiversité marine, ni avenir pour les pêches maritimes, sans de profondes transformations. Et parmi les chantiers à engager nous faisons nôtre la perspective du développement de la « pêchécologie ».

L’océan brûle, victime des multiples impacts que nous lui infligeons. Des eaux déjà plus chaudes, plus acides, moins oxygénées perturbent et parfois détruisent la vie marine. Les évènements extrêmes, les pollutions, la destruction des habitats, la prolifération des espèces invasives sont autant de menaces dont les effets sont déjà massifs.

La composition du plancton change ; les chaînes alimentaires sont perturbées ; certaines populations animales s’effondrent quand d’autres prolifèrent. Les chaos de la nature se multiplient ; les écosystèmes deviennent plus instables et moins résilients.

Les pêcheurs, premières victimes

Les pêcheurs en sont les premières victimes. Certes, ils sont confrontés à des difficultés économiques bien réelles : les pertes de quotas de pêche dues au Brexit, les prix du gasoil toujours très élevés, la consommation de poisson frais en berne, la concurrence des importations. Mais la cause structurelle majeure de leurs difficultés c’est l’érosion de la biodiversité. Ils font face à des ressources rares et des écosystèmes de plus en plus dégradés.

Dans cette situation, la pêche – et en particulier la grande pêche industrielle – joue un rôle particulier. Elle est, nous dit la Plateforme internationale sur la biodiversité, le premier facteur d’érosion de la biodiversité marine. Tout à la fois victime et acteur majeur des difficultés.

Ceci est vrai en France comme ailleurs. Des progrès ont été enregistrés, et les mesures prises ont souvent été douloureuses pour les pêcheurs. Mais la politique mise en œuvre par l’Union Européenne s’avère trop timide, souvent mal ciblée, mal comprise et mal appliquée. Trop peu et trop tard.

De plus en plus nombreux, des pêcheurs s’engagent, innovent, réduisent leurs impacts. Ils sont souvent des amoureux de la nature et les prémisses du monde qui peut advenir. Malheureusement, ils sont aujourd’hui isolés, peu soutenus, peu accompagnés par les pouvoirs publics, et souvent combattus par les tenants du statu quo et de la grande pêche industrielle.

Il est urgent de changer de méthode, pour sortir de la spirale du déclin et restaurer des ressources et des écosystèmes sains, productifs et résilients.

Les chantiers sont nombreux, en mer comme à terre. Ils doivent tous être engagés : arrêt de la destruction des littoraux, lutte contre les pollutions, reconquête de la qualité des eaux et des milieux, interdiction des industries minièresLa pêche elle-même doit agir, à hauteur de ses possibilités et de ses responsabilités. La transition écologique et sociale du secteur est une nécessité, et une condition incontournable de la survie du secteur.

Nous avons la conviction qu’une pêche rentable, productive, largement décarbonée, riche en emplois et pauvre en impacts environnementaux est possible. Une pêche profondément respectueuse des écosystèmes et au service de l’aménagement des territoires et des sociétés du littoral. Cette pêche, championne de l’alimentation durable, c’est ce que nous appelons la pêchécologie, l’agroécologie de la mer.

Inventer la pêche du futur

La pêchécologie suppose de rechercher en permanence la réduction de tous les impacts écologiques, de calculer les quotas de pêche de manière précautionneuse en tenant compte des interactions entre espèces, de protéger efficacement les juvéniles, les espèces sensibles et les fonds marins. C’est aussi une pêche qui maximise l’utilité économique, sociale et sociétale de chacun des kilos de poisson que nous offre la nature.

S’engager dans le chantier de la pêchécologie c’est donner toute sa place à la petite pêche, celle qui utilise des engins de pêche douce, et qui crée le plus de richesse, d’emplois, de culture et de liens sociaux sur le territoire, tout en recevant aujourd’hui le moins de subventions publiques ; il faut notamment lui réserver un accès privilégié à la bande côtière.

Mais la pêchécologie c’est aussi préserver la pêche des bateaux de 12 à 25 mètres, les tailles intermédiaires. Nous avons besoin de ce segment pour aller pêcher les ressources plus au large, faire vivre les criées, et limiter autant que faire se peut des importations au bilan écologique et social souvent désastreux.

Ce segment doit être accompagné dans la transition, notamment pour privilégier les pêches à bas impacts et pour réduire de manière progressive et organisée, partout où c’est possible, la dépendance trop grande du secteur au chalut de fond. Il nous faut inventer la pêche du futur.

La pêchécologie c’est enfin une pêche basée sur la connaissance scientifique, sur l’innovation, sur l’intelligence collective et l’implication des acteurs. Nous savons tous que la transition ne se fera pas sans les pêcheurs eux-mêmes. Il faut mobiliser, inciter, former, accompagner.

Sous peine de se couper des attentes de la société, il faut aussi impliquer l’ensemble des acteurs de la société civile, les élus, les ONG environnementales, les scientifiques. Nous croyons aux vertus de la concertation, du dialogue et de la co-construction.

Le secteur des pêches est en crise profonde et en attente de perspectives. Nous appelons le président Macron à profiter de l’occasion de l’Unoc, pour faire de la France un pays pilote, en annonçant l’ouverture du chantier national de la pêchécologie. Nous avons quelques années pour coconstruire, pas à pas, une pêche gagnante pour les écosystèmes, les pêcheurs, les consommateurs et les territoires côtiers. »

Signataires :

Didier GASCUEL, Professeur en écologie marine, L’Institut Agro ; Isabelle AUTISSIER, Navigatrice, Présidente d’honneur du WWF France ; Gilles BOEUF, Professeur Sorbonne Université, Président d’Ethic Ocean ; Charles BRAINE, Pêcheur, Fondateur de l’association Pleine mer ; Catherine CHABAUD, Navigatrice, ancienne Députée européenne ; Gauthier CARLE, Coordonnateur du Comité France Océan ; Thomas LE GALL, Président association Pêche avenir Cap Sizun ; Harold LEVREL, Professeur, Muséum national d’histoire naturelle ; Gwen PENNARUN, Président Ligneurs de la pointe de Bretagne et association européenne LIFE ; Wilfried ROBERGE, Président de l’Organisation des Pêcheurs Normands ; Dimitri ROGOFF, Président du Comité Régional des Pêches de Normandie ; Sandrine THOMAS, marin engagée, Royan.

Avec le soutien de plus de 200 personnalités de la mer, dont : Véronique ANDRIEUX, Directrice générale WWF France ; Alain BOUGRAIN DUBOURG, Président LPO ; Bernard CHEVASSUS-AU-LOUIS, Président d’Humanité et Biodiversité ; Laurent DEBAS, Directeur général Planète Mer ; Nicolas FOURNIER, Directeur de campagne Oceana Europe ; Françoise GAILL, Présidente de The ocean sustainability Foundation ; Antoine GATET, Président de France Nature Environnement ; François-Régis GAUDRY, Journaliste et critique gastronomique ; Charles GUIRRIEC, Fondateur Poiscaille ; Alexandre IASCHINE, Directeur Général Fondation de la Mer ; Jean-François JULLIARD, Directeur général Greenpeace France ; Raphaela Le GOUVELLO, Fondatrice de RespectOcean ; Mathilde OLLIVIER, Sénatrice ; Erik ORSENNA, Ecrivain Académicien ; Jimmy PAHUN, Député assemblée nationale ; Emmanuelle PÉRIE-BARDOUT, Co-directrice d’Under The Pole ; Geneviève PONS, Directrice générale Europe Jacques Delors ; Eudes RIBLIER, Président Institut Français de la Mer ; Olivier ROELLINGER, Cuisinier ; François SARANO, Fondateur de Longitude 181 ; Marc-André SÉLOSSE, Professeur MNHN ; Tobias TROLL, Directeur politiques marines Seas At Risk ; Romain TROUBLÉ, Fondation Tara Océan.

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