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Ces villes françaises laissent les flots monter pour s’adapter à l’élévation du niveau des mers

« L'idée est d'accepter que nos côtes vont bouger, et d'utiliser les milieux naturels comme des zones-tampon face aux aléas climatiques, c'est-à-dire comme des alliés naturels »

A travers le dispositif Adapto, le Conservatoire du littoral défend une gestion souple de la bande côtière. Un dispositif précurseur, qui entend permettre de mieux s'adapter aux effets du changement climatique sur les littoraux.

Le constat est sans appel : selon les dernières estimations du Giec, le niveau moyen des mers pourrait augmenter de plus d’un mètre d’ici 2100. Sur les littoraux français, il est donc peu de dire que l’adaptation au changement climatique constitue un défi vertigineux.

Dans ce contexte, face à l’érosion côtière et aux submersions marines, la stratégie habituelle consiste généralement à construire des ouvrages comme des digues pour tenter de fixer la position du trait de côte et protéger les habitations comme les commerces comme les assauts de la mer.

Dédié à la protection des littoraux, le Conservatoire du littoral a, lui, décidé de privilégier une stratégie différente à travers la mise en place du dispositif Adapto. Mené de 2017 à 2022, ce dispositif soutenu par le programme Life de l’Union européenne a eu pour objectif de démontrer l’intérêt d’une gestion dite souple de la bande côtière face aux effets du changement climatique.

Parmi les sites concernés, de nombreux polders, des espaces historiquement gagnés sur la mer par l’homme dont les digues commencent à se briser face à la montée des eaux.

Niveau de la mer à Lancieux le 15/07/2022

Niveau de la mer à Lancieux le 15/07/2022 . La baie de Lancieux sur la côte nord de la Bretagne, à proximité de Saint-Malo, est l’un de ces polders. La digue a rompue en 2020. Le Conservatoire a choisi de reconnecter ce polder à la mer en ne réparant pas la digue, ce qui a modifié totalement le milieu naturel. Toute la végétation de type prairie a laissé place à des prés-salés. Le Conservatoire a également racheté cette maison, qui risquait d’être envahie par les eaux. Une digue rétro-littorale a cependant été construite dans la partie sud de l’ancien polder afin de protéger une route départementale – Crédit : N. Lamontagne, A. Collin, CGEL, EPHE-PSL

Une gestion souple de la bande côtière

« Concrètement, la gestion souple de la bande côtière consiste à redonner une véritable place à la nature pour qu’elle joue un rôle d’amortisseur et de protection du littoral, entame Adrien Privat, chargé de mission au sein du Conservatoire du littoral, pour La Relève et La Peste. L’idée est d’accepter que nos côtes vont bouger, et d’utiliser les milieux naturels comme des zones-tampon face aux aléas climatiques, c’est-à-dire comme des alliés naturels ».

Une stratégie aux avantages nombreux, puisqu’une gestion souple de la bande côtière participe à la restauration des milieux patrimoniaux et des services écosystémiques qui y sont associés : marais maritimes, prairies humides, plages, dunes blanches et grises, zones humides. Les avantages économiques sont également importants, étant donné qu’une gestion souple de la bande côtière permet également de diminuer les coûts d’entretien et de favoriser la résilience du système.

Vue aérienne de la Citadelle de Brouage

Moeze – Vue aérienne de la Citadelle de Brouage – Crédit : Geos-AEL

Dix sites pilotes à travers la France

Dans ce contexte, alors que le Conservatoire du littoral, qui gère 13% du linéaire côtier, réfléchit de longue date à de nouvelles façons de protéger les littoraux, l’établissement public a décidé de sélectionner dix sites pilotes où tester une gestion souple de la bande côtière dans le cadre du dispositif Adapto.

Répartis en France métropolitaine, en Corse et en Guyane sur environ 120 kms de linéaire côtier, ces dix sites correspondaient à cinq types de milieux littoraux : côtes basses et sableuses atlantiques, côtes basses atlantiques poldérisées, lidos méditerranéens, salins méditerranéens et mangroves.

Le site dunaire du Petit et Grand Travers

Le site dunaire du Petit et Grand Travers, situé sur la côte méditerranéenne, à proximité de Montpellier. Une route qui avait été construite sur cette dune, ainsi que des parkings aux abords, ont été retirés pour renaturer le site. Le conservatoire a limité l’accès au site et créé des cheminements dédiés pour permettre à la végétation de pousser afin de favoriser l’accumulation du sable et stabiliser la dune.

Sur chacun de ces sites, la solution testée a été de redonner de la mobilité au trait de côte, plutôt que de privilégier la solution plus classique de construire une digue ou simplement de la laisser en l’état.

« Ces solutions ont été testées sur des terrains à dominante naturelle et agricole, mais ça aurait peut-être été moins intéressant pour des villes côtières, précise Adrien Privat, où il y a plus de commerces et d’habitations. »

Brèche dans la digue de Lancieux lors de la montée des eaux

La brèche dans la digue de Lancieux lors de la montée des eaux

Accepter le retour de la mer sur une partie du territoire

Situé sur la côte Atlantique, en Charente-Maritime, le Marais de Brouage a fait partie des dix sites à bénéficier du projet Adapto aux côtés, entre autres, de la baie d’Authie dans les Hauts-de-France, du delta de la Leyre à l’est du bassin d’Arcachon, et des Vieux Salins d’Hyères en Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Dans ce Marais, la digue côtière a connu des dégradations régulières du fait des assauts répétés de la mer, tant et si bien qu’« une première brèche a été constatée, explique Nathalie Bourret, responsable pédagogique de la réserve naturelle de Moëze-Oléron, où se situe le Marais, pour La Relève et La Peste. Au moment où la brèche rebouchée n’a pas tenu, on s’est demandé quelles solutions pouvaient exister face à la montée des eaux ».

Dans ce contexte, le dispositif Adapto a permis d’étudier trois scénarios de gestion de la bande côtière sur le marais de Brouage, sachant que si l’eau venait à monter, il pourrait y avoir « un risque pour l’agriculture et notamment les terres céréalières proches du rivage », détaille Adrien Privat.

Un scénario acceptant le retour de la mer sur une partie du territoire a été plus particulièrement analysé, « même si nous n’en sommes qu’aux prémices, précise Nathalie Bourret. Cette première phase de travail a surtout permis de réunir tous les acteurs autour de la table. Maintenant, il va falloir entrer dans une phase pratique ».

Le Marais de Brouage

Le Marais de Brouage, un haut lieu de cultures

Vers un dispositif élargi

Dans cette perspective, le Conservatoire du littoral espère bénéficier d’un nouveau financement pour mettre en place le dispositif Adapto +, qui permettrait à l’établissement public de « systématiser à large échelle le passage à la gestion souple des rivages » via, entre autres, la création d’outils adaptés à une implication plus forte des citoyens et de la société civile, ainsi que l’intégration de la gestion souple de la bande côtière comme une option d’adaptation au changement climatique à considérer systématiquement.

Estimé à 11,5 millions, contre 5,5 millions pour le dispositif Adapto, Adapto + durerait cinq années supplémentaires sur quinze sites, parmi lesquels les Dunes de Dragey, dans la Manche, l’estuaire de la Loire, en Loire-Atlantique ou encore la baie de Fort-de-France, en Martinique.

« Avec Adapto +, l’objectif est que la gestion souple de la bande côtière devienne ‘mainstream’ et pour ça, il faut vraiment que les collectivités se saisissent du sujet, conclut Adrien Privat. On fait également beaucoup de sensibilisation auprès du grand public, parce que de prime abord, l’idée peut rebuter. Les gens ont peur de ne plus pouvoir accéder aux sites naturels, que le paysage soit transformé… »

« Mais il y a également beaucoup de personnes qui se rendent compte de la nécessité de s’adapter au changement climatique. Ce qu’il faut, c’est vraiment de la pédagogie ». 

Et les enjeux sur le territoire sont immenses. Dans son rapport sur « l’action publique en faveur de l’adaptation au changement climatique », publié mardi 12 mars, la Cour des Comptes fustigeait la France pour son manque de préparation face au recul du trait de côte. L’érosion côtière grignote 20% des côtes françaises. Face au phénomène, la Cour des Comptes plaide pour une gestion souple, à l’image de celle que mène le Conservatoire du Littoral.

Cecile Massin

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