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Serge Planes : « On peut sauver les récifs coralliens en boostant leur capacité de régénération »

On estime qu'il faut entre cinq à sept ans à un récif corallien pour récupérer d'un épisode de blanchissement.

Les récifs coralliens font partie des organismes les plus menacés par le dérèglement climatique. Ils sont pourtant cruciaux à la Vie sur Terre. 1 milliard de personnes dépendent directement de la survie des récifs coralliens qui accueillent une espèce sur trois qui vit en mer. Face aux multiples menaces qui pèsent sur eux, nous avons interrogé Serge Planes, expert en la matière, pour savoir comment mieux les protéger.

Directeur de recherche au CNRS, Serge Planes a d’abord commencé par étudier la génétique des populations de poissons marins au début de sa carrière en 1989. En travaillant sur les questions de connectivité et de fragmentation des habitats marins, il s’est pris de passion pour les récifs coralliens. Aussi désignés sous le nom d’organisme fondateur ou constructeur, les coraux sont essentiels à la pérennité des écosystèmes marins.

LR&LP : Ces récifs sont confrontés à de nombreuses menaces. Quel est l’état des récifs coralliens ? Actuellement, La Grande Barrière de corail d’Australie subit un blanchissement massif alarmant. L’une des merveilles de la planète est-elle en train de s’éteindre ? Est-ce que le phénomène El Nino est un danger pour eux cette année ?

Serge Planes : On veut toujours croire qu’on est dans une année charnière pour la protection du Vivant. On a eu une période avec des blanchissements et mortalités très importantes entre 2017 à 2019. Cette période nous a aussi permis d’observer une résilience naturelle de reprise du corail entre 2019 et maintenant.

Nous sommes dans une année critique (2024) en terme de mortalité corallienne mais on ne peut pas parler d’année charnière car on ne sait pas ce qui va se passer dans les années à venir et l’on peut à nouveau espérer une résilience. En parallèle, il faut réfléchir à des processus pour accélérer la capacité de résilience naturelle du récif corallien. Leur déclin n’est pas inéluctable.

Aujourd’hui, on est dans une pente qui montre une régression des récifs coralliens : on a perdu entre 15 et 20% des récifs coralliens de la planète.

La problématique actuelle, c’est que les stress globaux ou locaux sont de plus en plus récurrents, ce qui ne leur laisse pas le temps de récupérer. C’est à ce niveau que se situe l’inquiétude d’aujourd’hui. C’est une situation d’alarme où il faut réfléchir à des modèles qui vont leur permettre de devenir résilients, un véritable challenge en terme d’ingénierie écologique pour limiter les stress impactants.

Serge Planes, Directeur de recherche au CNRS

On estime qu’il faut entre cinq à sept ans à un récif corallien pour récupérer d’un épisode de blanchissement.

Il y a deux types de stress. D’abord, les stress globaux comme le réchauffement climatique et l’acidification des océans. Le réchauffement climatique entraîne des blanchissements et mortalité inquiétantes, peu importe si les récifs coralliens se situent près d’une zone habitée par les humains ou non, ils sont tous touchés.

A certains endroits, certaines espèces sont plus résistantes que d’autres ; et au sein de ces espèces, certains individus sont plus résistants que d’autres. Il y aura probablement des changements dans les espèces dominantes dans les années à venir, et les récifs coralliens vont se transformer dans leurs morphologies.

Vous avez ensuite tous les stress plus locaux liés à l’activité humaine comme les gestions des bassins versants avec la déforestation qui va entraîner le déversement des sédiments, tout ce qui est lié au traitement des eaux usées, la dégradation directe sur le corail, ou les pêcheries qui sont directement dégradantes sur le récif car elles suppriment des poissons herbivores.

On peut avoir une influence humaine sur les stress globaux mais la capacité d’intervention est relativement limitée, car il faut limiter les émissions de GES ce qui nous amène à des échelles de temps bien plus longues. Sur ces stress locaux, on peut avoir une influence beaucoup plus rapide avec le traitement des eaux usées, la suppression des pesticides, la diminution de la pêche.

LR&LP : Ces récifs endommagés peuvent-ils se régénérer ? Face à leur dégradation rapide, vous prônez la mise en place à court terme d’une gestion côtière locale, pour aider les coraux sur le long terme à lutter contre le changement climatique. Avez-vous des exemples de réussite de régénération des coraux ?

Serge Planes : Il n’y en a pas beaucoup et souvent c’est difficile de dire quelle action spécifique a eu une résultante. Toutes les actions de type bouturage et autres sont relatives en terme de surface et d’efficacité. En tant que chercheurs, on a la possibilité de travailler sur les génotypes les plus résistants pour les bouturer, après on peut travailler sur des aspects d’ingénierie écologique en créant des conservatoires pour faire de l’ombrage et limiter l’impact des UV ou apporter des eaux plus froides sur les récifs.

En parallèle, on observe que des territoires entiers de récifs coralliens ne sont pas en état de déclin ; même près des zones densément peuplées par les humains au Sud de l’Asie comme en Thaïlande ou au Philippines ou en Indonésie. Ces territoires naturellement préservés posent de vrais challenges de la recherche. Qu’est-ce qui font que ces zones là, même par rapport au réchauffement climatique, s’en sortent mieux ?  Résistance de l’animal ? Remontées d’eaux froides ? Hydrologie côtière ? Nous cherchons à comprendre.

LR&P : En début d’année, des scientifiques ont découvert plus d’une centaine d’espèces sous-marines au large du Chili. Il y a deux ans, un immense récif corallien près de Tahiti a surpris la communauté scientifique par son état de conservation exceptionnel. L’Océan n’a pas fini de nous surprendre par ces merveilles ?

Serge Planes : Au Chili, c’est particulier, ces récifs froids ne sont pas des coraux classiques. En Polynésie, la vraie découverte c’était l’étendue et l’état de bonne santé de ce récif alors qu’on est dans une zone où il y a eu des dégradations très importantes soit par les étoiles de mer mangeuses de corail, soit par le réchauffement climatique. Comment est-ce que celui-ci a été si bien préservé ? L’hypothèse principale : il se situe dans une zone de courantologie particulière.

Je garde toujours une vraie âme d’enfant ou de découvreur je suis toujours émerveillé et curieux de certaines observations car c’est la base même de la recherche. Je suis encore curieux de zones coralliennes qui sont en bon état qui montrent qu’on peut avoir des récifs qui montrent une résistance et qui sont toujours dans une dynamique positive. »

Laurie Debove

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