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Gueule de bois électorale : quand la justice sociale et l’urgence écologique sont mises au placard

Malgré les défis inédits que nous traversons, ils et elles sont de plus en plus nombreux à décider de prendre leur destin en main, face à des hommes et femmes politiques déconnectés de la réalité de la population.

La sentence politique est sévère pour toutes les personnes habitées par la volonté de créer un semblant de justice environnementale et sociale ce lundi. « Gueule de bois » électorale peut-on lire de partout sur les réseaux. Les réactions alternent entre la colère et un découragement profond. Preuve du dégoût du monde politique, le taux d’abstention a été record, 1 français sur 4, quasiment autant qu’en 2002. En France, plusieurs clivages se dessinent, le pouvoir économique contre le peuple, mais aussi les vieux contre les jeunes, effrayés pour leur avenir. Coincés en étau entre la peste et le choléra à l’aube du deuxième tour, activistes et citoyens trahis propagent déjà le mot qui leur donnera du courage pour ces cinq prochaines années : résistance.

Le dégoût de la politique

Malgré un quinquennat jalonné par une suite de promesses politiques trahies et une fronde sociale intense, le président sortant Emmanuel Macron a réussi à se placer au sommet des résultats à l’issue du premier tour, devant la fasciste Marine Le Pen et l’homme de gauche Jean-Luc Mélenchon.

Le PS, aveuglé par son ancien prestige sombré dans l’oubli depuis longtemps, n’a pas réalisé qu’il n’avait aucune chance de remporter la bataille. Le parti est même obligé de rembourser ses frais de campagne, comme tous les candidats sous la barre des 5% ayant dépassé plus de 800 000 euros de dépenses, de quoi lui rappeler longtemps son score déplorable.

Après de nombreux appels à voter pour l’unique candidat qui représentait un espoir de s’imposer face au champion du CAC40 et une raciste notoire, il s’en est fallu de peu, à 500 000 voix près, pour que Jean-Luc Mélenchon se hisse sur le podium du deuxième tour. Ici et là, des voix accusent légitimement Fabien Roussel et Yannick Jadot de ne pas avoir joué la carte du rassemblement, mais la tortue sagace n’a pas toujours été si sage.

Ses propos autrefois virulents et son refus d’accorder de l’argent au PCF pour financer la campagne présidentielle, un coup bas déjà porté en 2017, ont contribué à creuser l’écart avec ceux qui auraient pu lui tendre la main. L’acharnement de certains militants à vouloir ranger tout le monde derrière Mélenchon un peu trop tôt aurait aussi eu un effet contre-productif.

Un constat partagé par Fatima Ouassak, politologue et militante antiraciste de Bagnolet et porte-parole du collectif Front de Mères, qui accusait dans l’émission « A l’air Libre » de Mediapart La France Insoumise de considérer encore trop les habitants des quartiers populaires comme de simples cartes électorales à abattre.

Résultat, les partis de gauche se sont déchirés entre eux, échouant à mobiliser les larges pans de la population qui ne se reconnaissent plus dans aucun parti et refusent d’aller voter. Cette année, l’abstention a été hors-norme, 26%, quasiment autant qu’en 2002 (28,4%). L’absence de primaires et de vrais débats politiques, le Covid, la guerre en Ukraine, un président candidat qui s’est terré dans sa tour d’ivoire, ou encore les programmes politiques sont autant de raisons qui expliquent cette abstention.

Ce qui a changé la donne au premier tour : les jeunes qui ont massivement voté pour Mélenchon (31% des 18-24 ans et 34% des 25-34 ans), et les classes populaires qui ont principalement opté pour Marine Le Pen. Deux catégories sociales habituellement peu disposées au vote.

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Un conflit générationnel

Car cette année, c’est bien un conflit générationnel que nous avons pu observer à l’œuvre dans les urnes. Comment Macron, avec son bilan quinquennal accablant en matière de mesures écologiques et sociales, a-t-il réussi à rassembler des voix ?

Grâce aux plus vieux. Ils sont 37,5 % à avoir voté pour Emmanuel Macron lors de ce premier tour. Ce sont les plus de 65 ans disposant d’un patrimoine confortable et/ou ne se renseignant sur les politiques mises en place par le gouvernement qu’à travers les allocutions officielles, souvent diamétralement opposées aux textes de lois qui sont ensuite votés sur les bancs du Parlement.

La panoplie du chef de guerre aura bien marché pour quelques inquiets. Pourtant, même en quelques mois la population Ukrainienne a compris que la parole du président français ne vaut rien, à tel point qu’elle a transformé son nom en verbe : « macronete », que l’on pourrait traduire par « macroner » qui veut dire « se montrer très inquiet d’une situation, mais ne rien faire, en fait. »

A l’inverse, la jeunesse est fondamentalement inquiète pour son avenir, qui ne sera pas vivable si les émissions de gaz à effet de serre ne connaissent pas leur pic d’ici 2025, selon le dernier rapport du GIEC. L’humanité a moins de 3 ans pour limiter l’intensité de la crise climatique, et la jeunesse française sait qu’Emmanuel Macron est le Président ayant enterré toute l’ambition de la Loi Climat.

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Ironie du sort, le programme politique qui permettrait à Marine Le Pen de faire triompher l’extrême-droite en France est son opposition à la réforme des retraites, défendue bec et ongles par Emmanuel Macron alors que la majeure partie de la population est contre. Le président en lice veut reculer l’âge de la retraite à 65 ans, tandis que l’héritière Le Pen veut le maintenir à 62 ans, en permettant aux travailleurs ayant commencé tôt leur carrière de partir à 60 ans.

Et c’est ce qui rend ce duel si tragique cette année : il n’y a plus aucun espoir, pour toute personne ayant suivi le rouleau compresseur législatif des dernières années, de considérer Emmanuel Macron comme un homme politique ayant une quelconque fibre sociale. Tandis que Marine Le Pen a su dédiaboliser son image, en profitant de la présence du xénophobe Eric Zemmour, pour laisser les médias diffuser son idéologie nauséabonde et se présenter comme la championne du peuple.

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La faute aux médias

Par l’intermédiaire des médias dominants, qui n’ont pas su documenter avec précision et rigueur la casse sociale de l’un, ni le programme raciste de l’autre, et ont tout simplement banalisé les idées d’extrême-droite, la population française se retrouve une fois de plus à choisir entre la peste et le choléra.

L’écologie, désormais l’une des préoccupations majeures des français qui subissent déjà les conséquences de la crise climatique, a ainsi été particulièrement absente des « oraux télévisés » auxquels ont défilé les différents candidats à l’élection présidentielle. De fait, le climat n’a pesé qu’entre 1,5 % et 5,5 % du temps médiatique de la campagne, selon le baromètre des quatre ONG de « L’affaire du siècle ».

Encore plus frappant, plusieurs experts sur le climat ont vu leur intervention sur de grandes radios publiques « décalée » après les élections en raison du fait que parler du danger climatique serait insuffisamment neutre, un comble alors que le constat écologique s’appuie sur des travaux scientifiques poussés et constamment révisés !

Mais bien loin de « rejouer le match de 2017 », le face-à-face qui oppose Emmanuel Macron et Marine Le Pen est bien différent : la candidate s’est déguisée comme « la dame aux chats » défendant le pouvoir d’achat face au président des riches, un succès médiatique.

Face aux attaques permanentes de Marine Le Pen sur son bilan, le président candidat a sorti l’artillerie lourde en mentionnant le projet d’alliance de Marine Le Pen avec Vladimir Poutine et la sortie d’une Europe menacée par « l’internationale populiste et xénophobe », qu’elle représente. Mais les joutes politiciennes verbales ne sont pas à la hauteur du seul acte politique fort capable de lui regagner un vrai soutien populaire : lâcher sa réforme des retraites.

« Cette élection est celle où la famille Le Pen est le plus près d’avoir une chance de diriger la France », après l’accession de Marine Le Pen au second tour de la présidentielle en 2017, et celle de son père Jean-Marie Le Pen en 2002, observe Politico. « Ces prévisions signifient que tous les regards, tant en Europe qu’à Washington, seront tournés vers les rebondissements de la campagne dans les prochains jours, alors que les alliés cherchent à évaluer si Paris restera un partenaire fiable. »

La candidate de l’extrême-droite va donc maintenant choisir entre révéler son vrai visage, pour regagner les voix perdues chez Éric Zemmour, ou continuer à tenir un discours populiste camouflant ses affinités avec l’élite économique dont elle fait partie pour rallier les électeurs de Jean-Luc Mélenchon. Ce dernier a pourtant été très clair lors des résultats du premier tour :

« Il ne faut pas donner une seule voix à Mme Le Pen », a répété Jean-Luc Mélenchon quatre fois, marquant une ligne claire entre la nature du projet d’extrême droite et celui d’Emmanuel Macron : « Tant que la vie continue, le combat continue. »

Un sentiment partagé par de très nombreux français, activistes ou simples citoyens, qui s’organisent déjà pour résister dans les urnes, lors des prochaines législatives, et dans la rue. La jeune activiste climat Camille Etienne, submergée de demandes en ce sens, a ainsi créé des fils Telegram locaux pour mettre en lien les habitants souhaitant s’engager pour le Vivant et la société.

Elle est l’une des plumes de notre livre-journal Générations, qui donne la parole à plusieurs activistes engagés pour plus de justice sociale et environnementale, et nous racontent leurs combats. Car malgré les défis inédits que nous traversons, ils et elles sont de plus en plus nombreux à décider de prendre leur destin en main, face à des hommes et femmes politiques déconnectés de la réalité de la population.

Autre signal fort de cet état d’esprit combattif, le mouvement Terre de Luttes organise des événements dans toute la France, au lendemain des résultats du deuxième tour, pour redonner le pouvoir au local. Un appel national à se mobiliser le 26 avril a été lancé.

De notre côté, nous continuerons à vous informer, à dévoiler les manigances politiques qui vont à l’encontre du Vivant, à vous parler des jolies initiatives qui fleurissent partout sur le territoire et œuvrent pour une société juste et écologique, de ces communes qui s’engagent pour stopper l’artificialisation de leurs territoires et offrir un logement digne à tous leurs habitants, de toutes ces fois où l’amour et la solidarité l’emportent face à la haine et la peur de l’autre. Nous sommes La Relève d’un monde qui se meurt gangréné par La Peste, et nous continuerons à soutenir les aventures de celleux qui ont le courage de construire leurs utopies.

https://twitter.com/terresdeluttes/status/1513471311070257153

Laurie Debove

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