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La Loi Climat est taillée sur mesure pour les plus grands pollueurs, au détriment de la population

Pour Arnaud Schwartz, Président de France Nature Environnement, l’enjeu est simple : « La question est de savoir si on veut piloter la transition ou si on laisse les plus riches continuer à se gaver avant le grand saut dans l’inconnu ? »

Pendant que le gouvernement s’autocongratule de la Loi Climat, votée à l’Assemblée Nationale aujourd’hui, les ONG et militants écologistes dénoncent une trahison de l’urgence climatique et du débat démocratique. Sous l’influence directe des lobbies, la majorité gouvernementale a complétement censuré le débat sur la responsabilité environnementale des grandes entreprises en rejetant systématiquement les amendements qui les concernaient alors qu’elles constituent le premier poste d’émissions de gaz à effet de serre du pays. A la place, les mesures vont « toucher la vie quotidienne de tous nos concitoyens » selon les mots de la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili. Face à ce favoritisme de classe et cette occasion manquée de reconstruire nos modèles de production et de consommation de façon équitable, les ONG appellent la société civile à s’unir lors de la Marche Climat du 9 mai « pour construire l’après ».

Un objectif qui n’est pas atteint

La Loi Climat et Résilience devait permettre à la France de réduire ses émissions de 40 % d’ici à 2030 par rapport au niveau de 1990 et à atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050.

Cet objectif était déjà insuffisant pour respecter les objectifs fixés dans l’Accord de Paris, il l’est d’autant plus depuis que l’Union Européenne a revu son ambition à la hausse en décembre 2020 en fixant un nouvel objectif de réduction des émissions de 55% d’ici 2030 à l’échelle du continent.

Avec un objectif de base faussé, il n’est donc pas étonnant que « toutes les instances consultées aient pointé du doigt le manque d’ambition du projet de Loi Climat » ainsi que l’explique Morgane Créach, Directrice du Réseau Action Climat, lors de la conférence de presse regroupant toutes les associations écologistes pour établir un premier bilan de la politique climatique du Gouvernement Macron à travers le projet de loi climat.

Pourtant, la loi Climat aurait pu être un bel exemple de réussite de démocratie participative. Pendant neuf mois, la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC), composée de 150 citoyen.ne.s tiré.e.s au sort, a écouté des experts, travaillé et débattu pour présenter 149 propositions au président de la République dans cinq domaines (consommer, se nourrir, produire et travailler, se déplacer, se loger).

Hélas, du « sans filtre promis » par le Président de la République lui-même, il n’est rien resté ou presque.

« En France, le transport est responsable de 30% des émissions de GES. La CC avait proposé d’interdire la vente des véhicules neufs les plus polluants, un seul seuil est maintenu celui de 2030 qui instaure un objectif d’interdiction des véhicules ne concernant au final qu’1 à 3 % des véhicules mis sur le marché, donne Amandine Lebreton, Directrice Plaidoyer et Prospective à la Fondation Nicolas Hulot, en exemple. Cette loi aurait dû servir à préparer l’appareil productif de demain et les grandes mutations sur les secteurs professionnels. Le secteur de la métallurgie nous dit qu’on va perdre 100 000 emplois dans les 15 ans, et au lieu de réagir l’Etat désinvestit et accepte des délocalisations dans ces secteurs structurants. La loi climat aurait dû donner les grandes lignes pour donner un cap clair aux acteurs économiques et répondre aux demandes des citoyens d’investir massivement pour la transition écologique et sociale, cette loi climat n’est pas à la hauteur de cet objectif stratégique. »

Ainsi, si les voitures les plus polluantes ne pourront plus circuler dans des zones urbaines, « l’écologie punitive » du gouvernement français ne propose pas, pour soulager les ménages les plus modestes, la gratuité des transports publics dans les zones concernées.

A la place, le gouvernement prévoit des aides « pouvant aller jusqu’à 14 000 euros pour remplacer un vieux diesel par une voiture électrique », faisant la joie des constructeurs automobiles, et le désarroi des humains exploités dans les mines de lithium ou de cobalt à l’autre bout de la planète, sans oublier leur impact écologique souvent désastreux.

« Sur les énergies renouvelables d’ailleurs, alors qu’il y a une forte demande des français et bien là aussi le projet de loi est vide. Nous sommes le pays européen qui a le moins progressé, et rien n’est fait dans cette loi. » pointe Jean-Baptiste Lebrun, Directeur du CLER Réseau pour la transition énergétique

https://twitter.com/xrFrance/status/1389578515620761607

La censure du débat sur la responsabilité des grandes entreprises

Pire, la majorité gouvernementale a complètement censuré le débat sur la responsabilité environnementale des grandes entreprises en jugeant irrecevable l’ensemble des amendements (déposés par 117 député.e.s dont 45 LREM) concernant ce sujet. Un acte loin d’être anodin : selon un rapport d’Oxfam, seules 3 entreprises du CAC 40 auraient des engagements compatibles avec un réchauffement inférieur à +2°C.

« On a fait typiquement une proposition sur un amendement pour que les investissements publics soient conditionnés à une trajectoire à +1,5°C, ce qui a été rejeté. On a fait des demandes pour qu’il y ait davantage de publications des bilans carbones des grandes entreprises, ça a été rejeté. On a fait également des propositions pour que les impôts de production et la TVA soient plus faibles quand on achète un produit qui est vertueux d’un point de vue écologique et ça a été rejeté. » explique Eva Sadoun, coprésidente du Mouvement Impact France, pour Brut

https://twitter.com/delphinebatho/status/1389328102661165061
Sort des amendements par groupe politique

Pourtant, les quatre entreprises françaises les plus polluantes (BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale et Total) ont, chacune prise isolément, une empreinte carbone supérieure à l’ensemble du territoire français, ainsi que le rappelle Oxfam France.

« La question des responsabilités est primordiale. En France, l’empreinte carbone des 1% les plus riches est 13 fois plus élevée que celle des 50% les plus pauvres. Et ce sont aussi les multinationales et les grandes entreprises. Ce débat sur les lobbies n’est pas inintéressant car on essaie de faire croire que tout vaut tout. Or, le principe du dérèglement climatique, c’est l’accumulation des émissions : si on laisse filer les plus grands émetteurs, on va dans le mur. » détaille Cécile Duflot, Directrice d’Oxfam France 

Cette censure autour de la responsabilité des entreprises a été causée par le travail de sape des lobbies. Comme l’a révélé une enquête de l’Observatoire des Multinationales, qu’il s’agisse de l’aéronautique, agriculture, automobile, transports ou publicité, tous les secteurs d’activité « ont mobilisé tous les leviers d’influence à leur disposition » pour décrédibiliser et sabter le travail des 150 membres de la CCC.

A l’œuvre : une campagne de citizen-bashing hors-norme dans les grands médias, à renfort « d’experts » travaillant dans des think tanks financés par les industriels et… l’Etat lui-même.

Lire aussi : « Les lobbies ont détruit les mesures de la Convention Citoyenne pour le Climat »

« Lors des débats parlementaires, on a bien vu passer les éléments de langage des lobbies et on aurait bien aimé être plus écoutés pour pouvoir les contrer dans un vrai échange démocratique. Il y a l’exemple du transport aérien, quand on voit à quel point les parlementaires minimisaient son impact et attendent tous l’avion vert à hydrogène alors que la technologie n’existe même pas. Contrairement à ce que veulent faire croire certains médias, nous sommes loin d’avoir le même pouvoir d’influence. Du côté des parlementaires, ce n’est pas nous qu’ils ont écouté, mais bien les lobbies qui sont très présents, extrêmement puissants et efficaces. Ils ont une influence directe et réelle pour défendre des intérêts privés au détriment de l’intérêt général, et c’est bien regrettable. » explique Jean-François Julliard, Directeur de Greenpeace France

Pour Arnaud Schwartz, Président de France Nature Environnement, l’enjeu est simple : « La question est de savoir si on veut piloter la transition ou si on laisse les plus riches continuer à se gaver avant le grand saut dans l’inconnu ? »

Preuve que les enjeux écologiques sont d’abord une menace pour les plus précaires, le mouvement Climat n’est désormais plus alimenté par les seuls organisations écolo historiques mais aussi un certain nombre de syndicats, la fondation Abbé Pierre, le Secours Catholique, etc.

Tous ces acteurs de la société civile en sont persuadés : la question du climat n’est pas une contrainte mais l’opportunité de reconstruire nos modèles.

Et de citer en exemple le cas de la papeterie Chapelle-Darblay. Seule usine du pays à produire du papier journal 100% recyclé, l’alliance entre syndicats et mouvements écolo a réussi à accorder un sursis vital à cette entreprise écologique et rentable, menacée de fermer à cause du départ de son propriétaire finlandais.

Les ONG veulent montrer qu’il y a un modèle industriel et économique compatible avec un monde à deux degrés. Les yeux des ONG et des militants sont donc maintenant tournés vers le Sénat, qui doit examiner le texte courant juin, pour tenter de redonner un peu d’ambition à cette Loi Climat, et appellent les citoyens à rallier le 9 mai les marches Climat qui auront lieu dans toute la France.

Crédit photo couv : Alors que les députés s’apprêtaient à voter la loi climat et résilience ce mardi 4 mai à l’assemblée, les militants écologistes d’Extinction Rebellion ont mené une action devant le palais Bourbon. Paris, France. Edouard Monfrais / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Laurie Debove

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