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Face à la criminalisation des associations environnementales, FNE dépose deux plaintes à l’ONU

« Concernant les autres types atteintes, insultes, menaces, dégradations de biens et éventuellement des violences, c'est la voie pénale que l'on peut actionner en déposant plainte ».

Face aux répressions violentes dont sont régulièrement victimes les défenseurs de l’environnement lors de manifestations ou d’occupations pacifiques de terrains menacés par des projets écocidaires, France Nature Environnement (FNE) a déposé deux plaintes, fin mars, auprès de l’ONU. L’objectif : alerter sur ces dérives dangereuses et répétées afin d’empêcher, à l’avenir, l’État de les engager.

Une atteinte à la liberté d’expression

En vertu du droit international des droits humains, la désobéissance civile est reconnue « comme une forme d’exercice des droits à la liberté d’expression et à la liberté de réunion pacifique ».

Pourtant, le Rapporteur Spécial des Nations Unies sur les Défenseurs de l’Environnement, Michel Forst, rappelait en février dernier que « la répression que subissent actuellement en Europe les militants environnementaux qui ont recours à des actions pacifiques de désobéissance civile constitue une menace majeure pour la démocratie et les droits humains ».

En effet, depuis plusieurs mois, et notamment à compter des manifestations contre le projet de méga-bassine à Sainte-Soline, l’usage de la violence envers les défenseurs de l’environnement semble s’être normalisé, voire accru, jusqu’à se voir qualifiés « d’écoterroristes ».

Intimidations, menaces, insultes, grenades blessant aussi bien les manifestants que les élus ou journalistes, sont aujourd’hui monnaie courante sur les lieux défendus par les associations environnementales, comme en témoigne encore très récemment la répression brutale envers les « écureuils » se mobilisant, pacifiquement, contre le projet autoroutier de l’A69.

À ce titre, plusieurs plaintes ont été déposées au nom de certains membres du Groupe National de Surveillance des Arbres (GNSA) et du collectif LVEL auprès de l’ONU, ainsi que deux plaintes pénales pour les « écureuils » faisant partie ou étant soutenus par le GNSA, concernant la résistance sur le tracé de l’A69.

En effet, cette criminalisation de la défense de l’environnement ne s’arrête pas au terrain. Afin de museler la liberté d’expression ou de manifester, l’État a, à plusieurs reprises, privé certaines associations d’une partie de leurs financements, comme le souligne FNE.

Des associations privées de financements

C’est notamment le cas de l’Association de Protection, d’Information et d’Études de l’Eau et de son Environnement (APIEE), membre de FNE, qui s’est vue retirer des fonds et exclure des comités locaux de la politique de l’eau par la Préfète des Deux-Sèvres, suite à la participation de militants aux événements.

En cause, « un post Facebook dénonçant la disproportion des violences policières à Sainte-Soline après la manifestation » ou encore « un devis imaginaire pour des toilettes sèches », selon FNE. Pour l’association, il s’agit de motifs flous qui ne sanctionnent en réalité qu’une seule chose : « avoir exercé des droits fondamentaux en démocratie : s’exprimer librement, participer aux décisions relatives à l’environnement, saisir la justice ».

Alternatiba Poitiers a elle aussi connu une situation similaire en 2022. À la suite de l’organisation d’ateliers formateurs à la désobéissance civile, le préfet de la Vienne a exigé que soient retirés, par la ville de Poitiers et la communauté urbaine du Grand Poitiers, les financements versés à l’association. Un usage répressif de l’autorité qu’a finalement débouté le tribunal administratif de Poitiers.

C’est donc au titre de ces deux cas de répression abusive que FNE a décidé de déposer deux plaintes auprès du Rapporteur Spécial des Nations Unies sur les Défenseurs de l’Environnement.

Le Contrat d’Engagement Républicain 

Ces sanctions financières sont en réalité rendues possibles sous couvert du Contrat d’Engagement Républicain (CER). Ce dernier, instauré dans le cadre de la « loi séparatisme »,  doit être « souscrit par l’association […] à l’appui de toute demande de subvention auprès d’une autorité administrative ou d’un organisme chargé de la gestion d’un service public industriel et commercial, ou encore pour toute demande d’agrément auprès de l’État ».

Si une association ne souscrit pas à ce CER, elle est ainsi considérée comme « séparatiste vis-à-vis de la République ». Or ce CER permet également à l’administration, « par des motivations bien trop vagues, de justifier refus et retraits de subventions, et/ou refus d’agréments pour les associations », selon FNE.

« Les engagements ne pas « entreprendre ni inciter à aucune action manifestement contraire à la loi ou susceptible d’entraîner des troubles graves à l’ordre public. »  sont bien trop vagues et laissent une marge d’appréciation trop importante aux autorités pour refuser ou retirer des subventions publiques et agréments, entraînant de très lourdes conséquences pour les activités des associations », explique Jérôme Graefe, juriste environnement à FNE pour La Relève et la Peste.

Des critères nébuleux, donc, qui peuvent être à l’origine de pertes de financements, même d’agréments, pour des associations dès lors qu’elles organisent des manifestations ou qu’elles mènent des actions de désobéissance civile.

Quels leviers juridiques ?

Face à cette répression effective, il existe tout de même des leviers juridiques pour tenter de faire valoir leur droit à s’exprimer en toute liberté.

« Lorsque l’autorité prend la décision de refuser ou retirer la subvention, il y a d’abord une procédure contradictoire qui s’ouvre. L’association peut présenter ses observations à l’administration qui peut revenir sur sa décision. En cas de confirmation, il est toujours possible de saisir la justice administrative. Mais cette voie ne suspend pas la décision, elle coûte du temps et de l’argent. Certaines associations n’ont parfois ni les compétences, ni les moyens de saisir un avocat », explique Jérôme Graefe à La Relève et la Peste.

Au sein de France Nature Environnement, ces leviers sont régulièrement utilisés pour des décisions étant défavorables à l’environnement, notamment des projets autoroutiers, des centres commerciaux, des extensions d’urbanisation ou encore des installations agricoles.

« Concernant les autres types atteintes, insultes, menaces, dégradations de biens et éventuellement des violences, c’est la voie pénale que l’on peut actionner en déposant plainte », ajoute le juriste pour La Relève et la Peste.

« Aussi il est possible d’alerter d’autres instances comme le Défenseur des Droits en France ou, comme nous l’avons fait pour Alternatiba Poitiers et l’Association de Protection d’Information et d’Etude de l’Eau et de son Environnement, le Rapporteur Spécial des Nations Unies sur les Défenseurs de l’Environnement. Ce mécanisme est censé permettre une réaction rapide par des mesures de protection des défenseurs de l’environnement », conclut Jérôme Graefe.

Sources : « Répression par l’État des manifestations et de la désobéissance civile environnementales : une menace majeure pour les droits humains et la démocratie », Commission économique pour l’Europe des Nations unies, 02/24 / « Criminalisation de la défense de l’environnement : France Nature Environnement dépose deux plaintes à l’ONU », 03/24 / « Contrat d’Engagement Républicain, Guide pratique », associations.gouv, 02/23

Juliette Boffy

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