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Répression contre les opposants à l’A69, les méthodes contestées du préfet Michel Vilbois

Les écureuils sont assiégés depuis le 16 février et, contrairement à ce que proclame le préfet, sont privés de ravitaillement en eau, nourriture et affaires chaudes. Ils sont en outre réveillés pendant la nuit par des tirs de grenades lacrymogènes, sirènes, cris d'animaux, insultes ciblées et utilisation de projecteurs puissants.

Depuis sa prise de fonction début octobre 2023 à la tête de la préfecture du Tarn, Michel Vilbois, dans la continuation de son prédécesseur, fait en sorte que les travaux de la future autoroute Castres-Toulouse avancent vite. Quitte à outrepasser la loi et mettre des vies en danger.

Michel Vilbois : « J’ai reçu comme mandat de construire l’A69 »

Michel Vilbois, le nouveau préfet du Tarn a déclaré au journal « Le paysans tarnais », le 11 octobre dernier : « J’ai reçu comme mandat de construire l’A69 […]. Je sais qu’il y aura une mobilisation dans deux semaines. Vis-à-vis de cela, pour éviter de potentiels débordements, je regarderai de près ce qu’a fait mon prédécesseur, François-Xavier Lauch (…) »

Effectivement, le préfet Vilbois s’inscrit dans les pas de son précurseur, comme le montrent de multiples témoignages des opposants à l’A69 et journalistes sur place. Des membres des forces de l’ordre en train de verser de l’essence dans un bois, ou encore de mettre le feu à des matériaux à proximité des arbres occupés, tout en demandant à un employé municipal de l’attiser à l’aide d’une souffleuse. Deux scènes qui figurent parmi des dizaines filmées par les occupants choqués de la ZAD dite de la Crem’Arbre, route de la Crémade, à Saix.

Le dernier bois à abattre sur le trajet de la future autoroute A69 est occupé depuis le 5 janvier par des écureuils, ces militants qui vivent dans les arbres pour empêcher leur coupe. Ils ont été rejoints peu à peu par quelques dizaines d’opposants qui ont installé une « zone à défendre » au sol. Ils se trouvent sur un terrain privé, dont le propriétaire négocie encore son expropriation et a accepté leur présence sur les lieux. Sa maison est attenante au petit bois et à la prairie défendus.

Comme à la forêt de Sherwood, à Cuq Toulza, dont s’était déjà occupé le préfet Michel Vilbois, les écureuils sont assiégés depuis le 16 février et, contrairement à ce que proclame le préfet, sont privés de ravitaillement en eau, nourriture et affaires chaudes. Ils sont en outre réveillés pendant la nuit par des tirs de grenades lacrymogènes, sirènes, cris d’animaux, insultes ciblées et utilisation de projecteurs puissants. Interpellée par les associations, la préfecture reste muette et n’a d’ailleurs pas souhaité répondre aux questions de La Relève et La Peste.

Le harcèlement par les CRS s’est fait crescendo. Depuis octobre, tous les lieux de résistance à l’A69 ont été évacués. Le 20 janvier, la répression vise Saïx. Ce jour-là, profitant de la participation des habitants de la Crem’Arbre à un carnaval à Castres, les forces de l’ordre sont intervenues avec une pelleteuse.

Anticipant une évacuation, les protecteurs des arbres rappelaient alors que les déboisements et défrichements sont autorisés uniquement entre le 1er septembre et le 15 novembre sur des zones à fort enjeu écologique telles que le bois de la Crémade.

A69 : interpellations et blessés se multiplient

En suivant, le 7 février, un communiqué de la préfecture répliquait : « le préfet du Tarn condamne avec fermeté les violences commises par les personnes opposées à l’A69 qui occupent illégalement un terrain à Saïx. La présence de la gendarmerie sera renforcée pour assurer l’ordre et l’expulsion des occupants illégaux interviendra très prochainement. Le carnaval est une mascarade violente. »

Vendredi 9, en avance sur le week-end de rassemblement sur place annoncé sous le nom de Cabanade, la région Occitanie fermait la ligne TER Toulouse-Castres. La gendarmerie attaquait l’après-midi, confisquait du matériel, interpellait deux personnes et faisait deux blessés. Lors de la Cabanade, une fête carnavalesque, le ton monte.

Le 14, nouvelle intervention illégale des CRS et nuisances sur l’environnement sont portées à la connaissance du procureur de Toulouse. Il assure avoir transmis les observations des avocates de La Voie est Libre (LVEL), aux préfets du Tarn et de Haute-Garonne. Un référé pénal environnemental déposé le 9 février – en principe rendu dans les 48 heures – est lui aussi toujours en attente de jugement.

Les abus et violations de la loi se poursuivent, mettant clairement la santé physique et mentale des écureuils en danger.

La députée LFI du Tarn, Karen Erodi a même été empêchée par les gendarmes de pénétrer sur la Crem’Arbre samedi. Ce même jour, une pelleteuse a commencé à créer une rampe d’accès à l’orée du bois. La résistance à cet assaut a donné lieu à une réplique des FDO qui a mis le feu à la caravane d’un voisin.

Le niveau de violence est tel que le rapporteur spécial de l’ONU pour les défenseurs de l’environnement, Michel Forst, a adressé un message au préfet Vilbois, directement sur X vendredi 16 :

« Les alertes sur les méthodes de maintient de l’ordre actuellement employées contre les militants pacifiques sur le chantier A69 sont alarmantes. Il est indispensable d’apaiser la situation sur place pour que la démocratie environnementale s’exerce. »

Qui est le nouveau préfet Michel Vilbois ?

Au vu des faits, les interrogations se multiplient sur le préfet Vilbois. Originaire de Moselle, l’homme est âgé de 56 ans, il a commencé sa carrière de haut fonctionnaire en 1993 après être passé par l’ENA. Il n’est pas novice en matière de questions de sécurité, puisqu’il a été nommé, en décembre 2013, chef du Saelsi (Service de l’achat, des équipements et de la logistique de la sécurité intérieure) à l’administration centrale du ministère de l’Intérieur.

Un poste sur mesure puisque Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur, avait créé ce service 4 mois plus tôt. Stratégique, ce service mixte police/gendarmerie participe à la mise en place des tactiques et matériels, de plus en plus redoutables, utilisés dans le cadre de la sécurité intérieure. Dimanche 18 février, un blindé Centaure, jusque là rarement déployé en France, a été pris en photo à Saix.

Depuis son passage au Saelsi, Michel Vilbois ne s’est guère éloigné du ministère de l’Intérieur. C’est d’ailleurs en sa qualité de directeur de ce service qu’il a été nommé préfet délégué pour la défense et la sécurité auprès du préfet de la région Grand Est, en octobre 2018. Justement à l’époque de la construction du Grand contournement ouest (GCO) de Strasbourg.

Bruno Dalpra, membre du collectif GCO Non merci, parle d’un cas emblématique à propos de ce projet qui avait reçu sept avis défavorables d’organismes d’État pour atteintes à l’environnement. Pourtant, le 31 août 2018, le préfet Marx signait l’autorisation environnementale unique donnant le feu vert à Vinci pour les travaux. Le référé suspension du chantier déposé le 8 septembre par Alsace Nature, co-fondatrice de GCO Non Merci n’a pas empêché l’évacuation de la ZAD de Kolbsheim deux jours après.

« Dès lors, raconte Bruno Dalpra à La Relève et La Peste, chaque tentative des opposants pour bloquer le chantier a été contrée et le chantier a avancé sous la protection des forces de l’ordre. »

Le Préfet Michel Delbois

Le Préfet Michel Delbois donne une interview pour BFMTV – Crédit : La Préfecture du Tarn

Ce n’est qu’en juin 2021 que le jugement sur le fond a établi l’illégalité de ce tronçon d’autoroute, pourtant inauguré six mois après. Même s’il reconnaît que Michel Vilbois à cette époque était plutôt un homme de l’ombre auquel les opposants n’avaient pas directement à faire, Bruno Dalpra appuie sur un trait commun évident entre le GCO et l’A69 : « l’utilisation de la force publique au service d’intérêts privés. »

Quand il regarde du côté du Tarn, il ne peut s’empêcher de voir s’approcher le même dénouement que pour le GCO, à savoir des travaux effectués à marche forcée, pour aller plus vite que la décision sur le recours sur le fond contre la DUP environnementale, porté devant la justice en juillet dernier.

« 95 % des arbres sur le tracé de l’A69 ont été abattus », d’après Jibon du Groupement national de sauvegarde des arbres (gnsa), ce qui fait du bois de la Crem’Arbre un enjeu évident. « Un énorme bras de fer s’est engagé » dit-il, et de témoigner pour La Relève et La Peste de conditions cauchemardesques qu’il a vécues en tant qu’écureuil lors des expulsions précédentes menées par les FDO.

Il semble que, pour l’instant, auprès des opposants, le nouveau préfet a surtout gagné un surnom : le « vil préfet Vilbois ».

Valérie Lassus

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