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Recours en justice et commission d’enquête parlementaire : bientôt la fin de l’A69 ?

« On espère qu’ils interdisent au minimum le défrichement à la Crem’Arbres, et qu’au mieux ils suspendent les travaux le temps de réguler toutes les atteintes illicites à l’environnement que nous avons relevées. La liste est longue ! »

Dans le Tarn, plus de 350 personnes se sont réunies pour préserver terres, espèces et zones humides face au projet d’A69. Malgré la répression, les militants ont pu compter sur de nombreux soutiens dont celui de Greta Thunberg. Dans les tribunaux, un recours a été déposé pour empêcher l’abattage des arbres. Côté députés, une commission d’enquête parlementaire va faire toute la lumière sur le montage financier du projet.

A69 : une guerre d’usure

Ces 10 et 11 février, plus de 350 personnes ont bravé les intempéries pour réaffirmer leur opposition au projet de l’A69 dans le Tarn. Prévue comme une mobilisation festive et joyeuse à base de déguisements et construction de cabanes, les participants ont fait les frais d’une pluie régulière de gaz lacrymogènes.

« Il y avait une belle mobilisation, tout le monde était dans la paix et dans la joie avec beaucoup de musique. Cela a renforcé l’incompréhension de la violence initiée par les forces de l’ordre qui nous ont fait des premières sommations sans échange possible dans les secondes qui suivaient la dernière sommation. C’est toujours très triste de constater qu’on nous pousse à bout en coupant tout dialogue possible » raconte Reva, l’un des écureuils mobilisés dans les cimes depuis septembre 2023 pour empêcher l’abattage des arbres, pour La Relève et La Peste

« J’ai vu des ‘mamies’ présentes venir avec des masques à gaz ! Petit à petit, on s’aperçoit que les personnes s’équipent pour faire face aux gaz et je suis persuadé que toute une partie de personne seraient venues avec plaisir avec leurs enfants si le cadre était plus serein. Depuis mi-janvier, c’est une stigmatisation permanente des personnes qui sont présentes par l’Etat » raconte Olivier du GNSA pour La Relève et La Peste

Au mois d’octobre 2023, les forces de l’ordre avaient ainsi gazé sans discernement les participants à une conférence scientifique sur le terrain, alors que des familles avec des enfants y assistaient. Cette répression croissante a attiré l’attention de la scène internationale. Figure de proue du mouvement mondial visant à préserver les conditions de vie sur Terre, la suédoise Greta Thunberg était présente ce weekend.

« C’est de la folie de maintenir un tel projet », a déclaré Greta Thunberg. « Il va mettre en péril la qualité de vie des habitants » et « ne détruira pas seulement la nature, mais aussi des terres viables. Malheureusement, ce type de projet n’est pas propre à la France, cela arrive partout dans le monde », pointe la militante suédoise, pour qui ce genre de projet « est symptomatique d’une crise globale ».

Le conflit s’illustre aussi par des accusations portées sur les militants, comme le soi-disant blocage des voies ferrées par les zadistes alors que ce blocage a été ordonné par la préfecture du Tarn elle-même du vendredi au lundi. Le collectif « La Voie est Libre » dénonce une atteinte aux libertés fondamentales de circulation et de manifestation, alors que les militants écologistes soutiennent une alternative ferroviaire dans le Sud Tarn.

De la même façon, la préfecture travaille à l’expulsion de la ZAD de la Crem’arbre au motif qu’il s’agirait d’une « occupation illégale » d’un terrain privé. Or, le propriétaire du terrain a bien donné son accord aux zadistes pour occuper les arbres. Aux dernières nouvelles, il lutte toujours pour éviter son expropriation par Atosca.

Un camion rempli de matériaux réquisitionnés par les CRS

Les gendarmes bloquent la voie ferrée lors de la manifestation à Saix contre le projet d’A69.

A69 : un dossier opaque face à une commission d’enquête parlementaire

C’est cette litanie de mensonges et de contre-informations qui a décidé EELV à lancer une commission d’enquête parlementaire sur le montage juridique et financier du projet d’autoroute A69. Cette commission d’enquête va investiguer plusieurs sujets : le contrat de concession, le respect des règles environnementales et le montage financier de ce chantier à 450 millions d’euros.

La députée écologiste de Haute-Garonne Christine Arrighi en sera la rapporteuse, elle était présente lors du week-end de mobilisation. Parmi les griefs qu’elle a contre le projet, elle s’inquiète du prix de l’aller-retour, passé de 17 euros à 20 euros, et même 26,5 euros pour les artisans.

« J’ai interpellé Jean Terlier (député du Tarn et fervent défenseur de l’A69, ndlr) sur ce point mais il n’aurait lui-même pas accès aux conditions financières de la société autoroutière. Dans ce dossier, tout le monde affirme des choses sans pouvoir les vérifier, quand ce n’est pas carrément mensonger. Il n’y a aucune corrélation entre la richesse d’un territoire et le fait qu’il soit relié par une autoroute selon l’INSEE. Au contraire, le travail des écologues et urbanistes tend à démontrer le contraire : le fait qu’il y ait une autoroute renforce la métropolisation au détriment des villes moyennes, et vient donc assécher le tissu artisanal et industriel des villes comme celles de Castres » a expliqué la députée lors d’une conférence pendant le weekend de mobilisation

Christine Arrighi a déjà réussi à se procurer le contrat de concession Atosca et ses 27 annexes, jusque-là couvertes par le secret des affaires. Un motif qui ne peut pas être opposé à un député selon l’article 57 de la loi organique relative aux lois de finances publiques. Pour la députée, le dossier A69 fait partie du scandale des profits indécents des concessionnaires autoroutiers, révélé par le Canard Enchaîné l’an dernier.

Au titre de rapporteuse, elle va organiser de nombreuses auditions dont les travaux vont démarrer le 15 février et devraient se clôturer d’ici six mois. L’objectif est de « faire la lumière sur les liens existants entre la société Atosca », concessionnaire de l’autoroute, et les « décideurs politiques français ». En octobre 2023, une enquête d’Off Investigation mettait déjà en évidence comment deux des actionnaires du projet ont directement ou indirectement contribué à financer la carrière politique d’Emmanuel Macron et son accession à l’Élysée.

« J’ai lancé cette commission d’enquête car c’est un enjeu démocratique essentiel. Aujourd’hui, sur des dossiers comme celui-là, il est inacceptable que des journalistes, des députés et même des citoyens n’aient pas accès à des informations qui leur permettent de contrôler leur avenir ; et que sous couvert d’un décret de 2018 (signé par Macron lui-même), on nous couvre par le secret des affaires tout ce qui pourrait être gênant par rapport à la question de la préservation du Vivant » a expliqué Christine Arrighi

Les futurs auditionnés devront prêter serment : ceux qui mentent devant une commission d’enquête peuvent être poursuivis pour parjure. Si la commission d’enquête révèle de gros défauts sur les contrats de concession ou les normes environnementales, cela pourrait apporter de nouvelles données décisives à la justice pour trancher sur les quatre recours au fond déposés devant le tribunal administratif de Toulouse et le Conseil d’État.

Crédit : les Soulèvements de la Terre

A69 : bientôt l’arrêt du chantier ?

Alors qu’Atosca a annoncé vouloir abattre les arbres dans lesquels sont perchés une quinzaine d’« écureuils » dès le 15 février, quatre associations (Amis de la Terre, Agir pour l’Environnement, FNE et UPNET) ont déposé un référé pénal environnemental au parquet de Toulouse. Pour elles, le défrichage serait illégal car le site est classé à enjeu fort pour la biodiversité, et ne peut donc être abattu qu’entre le 1er septembre et le 15 novembre, selon les règles environnementales définies par l’Etat.

« On espère qu’au moins ils interdisent le défrichement à la Crem’Arbres, et qu’au mieux ils suspendent les travaux le temps de réguler toutes les atteintes illicites à l’environnement que nous avons relevées : boucher les arbres et détruire des maisons sans vérifier la présence d’espèces protégées, mettre en contact les eaux souterraines avec des machines, abattre les arbres de nuit, etc. La liste est longue ! » énumère Gilles Garric, membre du collectif La Voie est libre, auprès de La Relève et La Peste

Les associations préparent également un autre référé de suspension contre les mesures compensatoires des zones humides, basé sur une expertise indépendante menée par Jacques Thomas, ingénieur écologue et pédologue (spécialiste des sols). Selon ses calculs, les plans de gestion des sites de compensation du projet proposés par Atosca remplissent moins d’un tiers des besoins réels, faute de terrains adéquats. Et pour cause : les zones humides sont des biotopes complexes et fragiles qui ne peuvent pas se créer ex nihilo par simple volonté humaine.

Autant de raisons valables de suspendre le chantier qui entretiennent l’espoir et la détermination des personnes mobilisées pour sauver les 22,5ha de zones humides, 232 ha de terres agricoles, 75 ha de prairies et zones boisées restantes ainsi que les espèces qui y vivent.

« Tant qu’il n’y a pas 20cm de goudron sur cet espace, on a l’espoir de le préserver. Il y a trop de collusions dans ce dossier pour que rien ne ressorte de l’enquête parlementaire. Des problématiques cruciales vont être mises au devant la scène » prédit Olivier du GNSA à La Relève et La Peste

Le tribunal de Toulouse devrait rendre sa décision ce soir ou demain sur le référé pénal environnemental.

Sources : « Autoroute A69 : un renvoi d’ascenseur aux financeurs de Macron ? », Off Investigation, 14.10.2023 / « Autoroute A69 : le ravage annoncé des zones humides », Mediapart, 12/02/2024

Laurie Debove

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