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Autoroute A69 : un projet alternatif sauverait 366ha de terres agricoles et économiserait 350 millions d’euros

Son innovation ? La première véloroute nationale française, 87 km entre Toulouse et Mazamet. Sept grands équipements sont aussi prévus, comme une « cité du vélo » ou encore une « base aérienne et météorologique », futures sociétés coopératives. Des terres cultivées en agriculture biologique et la plantation de 315km d'haies et arbres permettraient de préserver la biodiversité.

Jeune paysagiste et urbaniste, Karim Lahiani galvanise les opposants au projet d'autoroute Castres-Toulouse en pilotant depuis cet été un projet alternatif, Une autre voie !, où le pragmatisme le dispute à l'utopie. Un nouveau projet qui peut se regarder comme une réflexion sur les mobilités et l'art d'habiter un territoire.

Mais qu’est-ce que vous proposez ? Cette question souvent lancée à la tête d’opposants sous-entend deux idées fausses. D’abord qu’il faut absolument proposer quelque chose et ensuite, que des opposants à un projet, une réforme, sont incapables d’envisager des alternatives originales et pertinentes.

Concernant l’A69, deux options alternatives se sont succédé qui considèrent le territoire de façon radicalement différente.

La première envie des opposants, dès que la menace de cette autoroute s’est précisée, a été de démontrer que l’aménagement de la RN 126 serait mieux à tous les niveaux (financier, écologique, intérêt public), qu’une voie rapide payante presque collée à la route existante.

C’était en 2016, pour l’enquête publique. Les communes et communautés de communes impactées par l’autoroute, avec le Conseil départemental de Haute-Garonne et la Région avaient commandé, sur leurs fonds propres, une étude à Burotec et OTCE.

Spécialisés dans les infrastructures et l’aménagement du territoire, ces deux agences avaient produit le contre projet Aménagement Sur Place de la RN 126 (ASP-RN126).

La lutte prenant de l’ampleur, le collectif La voie est libre (LVEL) a vu le jour en 2021. Des liens avec d’autres associations se sont tissés, les talents les plus divers se sont agrégés, jusqu’à la proposition étonnante d’un urbaniste et paysagiste de 30 ans, Karim Lahiani.


Changer radicalement l’angle de la commande 

Il se trouve que, s’il travaille entre Toulouse et Paris, Karim a grandi à côté de Castres. Ce diplômé de l’École nationale supérieure du Paysage de Versailles, déjà lauréat de trois concours d’urbanisme, connaît la nationale qui mène à Toulouse par cœur.

Quand il relève ce challenge d’une « autre voie possible », mot d’ordre du collectif LVEL, il a en tête une idée presque révolutionnaire dans le milieu des urbanistes : et si, au lieu de se contenter de répondre à des commandes, les urbanistes étaient force de proposition ? Et si on changeait radicalement l’angle de la commande ?

Au lieu de penser une liaison, un simple trait entre une métropole et une sous-préfecture à parcourir au plus vite, avoir une vision d’ensemble du territoire traversé afin de l’inclure dans le projet.

« Il faut repenser le rapport entre villes et campagnes en luttant contre la métropolisation, voilà en quoi un urbaniste qui est aussi paysagiste peut renouveler la façon d’envisager une alternative. Il faut resynchroniser villes et campagnes de façon à mettre en place un fonctionnement plus logique. Le territoire traversé peut jouer un rôle», explique Karim Lahiani.

Ce qui devrait être évident pour des décideurs qui n’ont que le mot désenclavement à la bouche pour justifier la nécessité d’une autoroute…

La première véloroute nationale française

Quand Karim Lahiani a créé son Atelier il y a un an, c’était pour proposer une vision différente de la société face à des décideurs « qui ne sont pas à la hauteur des enjeux, climatiques notamment. Il faut remettre en débat des choix de société qui sont ceux du siècle dernier : la route, la « bagnole » le travail dans les grandes villes, l’exode rural et le remembrement, etc. »

Et poser les bonnes questions : comment occupe-t-on l’espace, comment se déplace-t-on au XXIe siècle ?

Son pavé dans la mare ? La première véloroute nationale française, 87 km entre Toulouse et Mazamet – une ville à proximité de Castres – est la ligne de base de son projet.

C’est à partir de là que, tout l’été, des membres des associations, selon les compétences et envies de chacun.es ont planché sur ce premier jet. Ce travail collectif devrait bientôt associer des étudiants en master de l’université Toulouse III, des chercheurs, des architectes, aussi bien que des habitants des villages alentours ou des agriculteurs.

Les contributions sont d’ailleurs libres et encore ouvertes. L’idée était d’avoir un projet cohérent le 1er septembre et de le faire tourner avant de le présenter devant l’Assemblée nationale, ce qui a été fait le 26 septembre.

A côté de la véloroute, la route nationale 126 deviendrait la route des transports en commun, ce qui n’empêcherait pas le réaménagement de la liaison ferroviaire entre Toulouse et Mazamet en créant des arrêts supplémentaires.

Sept grands équipements sont aussi prévus, comme une « cité du vélo » ou encore une « base aérienne et météorologique », futures sociétés coopératives. Des terres cultivées en agriculture biologique et la plantation de haies et arbres permettraient de préserver la biodiversité.

« Nous proposons un grand récit qui reste à peaufiner »

« Plus qu’un plan, nous proposons un grand récit qui reste à peaufiner », dit Karim, notamment sur les modalités économiques de reprises des terres et de décapitalisation de l’économie locale.

Quand on lui reproche le côté utopique de sa proposition, l’urbaniste rappelle que l’utopie est une critique de la réalité vécue. Elle permet de « mettre à distance le présent pour montrer qu’un autre présent est possible », d’où les affiches non dénuées de nostalgie accompagnant le projet –  dessinées également par Karim – qui évoquent une société heureuse.

« Le sujet du bonheur, n’est jamais évoqué quand on pense les grands projets. Il devrait revenir au cœur des réflexions. C’est une question fondamentale qui fait écho chez tout le monde. » souligne-t-il.

Côté critique, le sénateur du Tarn, Philippe Folliot (Centriste) a accusé les auteurs du projet alternatif de ne voir les Tarnais que comme des bouseux et déclaré que ces idées étaient celles de « bobos parisiens et toulousains déconnectés ».

Pas mieux pour Jean Terlier (LREM), le député du Tarn qui a prétendu, sans apporter la moindre preuve ou étude, que le nombre d’arbres sacrifiés pour Une autre voie ! serait supérieur à celui pour l’autoroute. Karim Lahiani admet que des précisions doivent être apportées et reconnaît qu’il n’a pas assez travaillé l’aspect biodiversité.

« Quand on annonce +30 % d’oiseaux et d’insectes en 2035 par rapport à 2020 sur le territoire de projet et ses alentours, c’est ce à quoi nous voulons tendre en suivant notre option. Ce n’est bien sûr pas garanti mais cela nous permet de sortir du discours de déclin et de redonner de l’espoir aux gens. » précise Karim.

Quant au budget de 100 millions d’investissements publics, il faut avoir en tête le chiffre de 220 millions qui était la part du public annoncée en 2021, pour un équipement unique et payant, alors que le projet alternatif comprend un tissu économique et social complet, avec réhabilitation de lieux et réaménagements de zones d’activités.

Loin d’être déstabilisé par ces critiques rapidement balayées, le jeune homme préfère regarder du côté des appuis. Ils viennent d’abord du public, puisque le plan largement distribué et commenté séduit les habitants, mais aussi de ses pairs, puisque cinq Grands prix de l’urbanisme ont signé une tribune défendant ce projet.

Une autre voie ! fera aussi partie d’une exposition en novembre à la Cité de l’Architecture, à Paris. Par ailleurs, l’ATECOPOL, un collectif de 200 scientifiques toulousain·es, dont deux auteurs du Giec, saluent ces « projets d’aménagement alternatifs enthousiasmants et à la hauteur de la bifurcation nécessaire pour nos sociétés face à l’urgence écologique ».

Pour Karim qui est né en même temps que l’idée « aujourd’hui obsolète » de l’A69, « nous sommes face à une crise de sens. L’art, la poésie devraient être bien plus présents dans nos créations. Avec Une autre voie !, nous gagnons au moins la bataille des idées en renversant l’imaginaire politique de nos choix de société. »

Valérie Lassus

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