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« Avec des petits groupes de personnes, on réussit à faire basculer des choses »

"À travers une balance constante entre l'éducation, la formation et l'engagement, on a la meilleure recette pour faire face à l'anxiété sur les questions climatiques ou même au sens large, sur tout ce qui se passe à travers ce monde. Face à tous ces faits négatifs qui amènent à beaucoup de pessimisme, c'est la seule manière de trouver de l'optimisme."

Adélaïde Charlier, militante écologiste belge née à Namur en 2001, est rapidement devenue l'une des voix incontournables de l'activisme environnemental dans son pays. Co-fondatrice de « Youth for Climate Belgium » en 2019, elle a su mobiliser des milliers de jeunes pour exiger des mesures plus radicales face à l'urgence climatique, organisant des manifestations rassemblant parfois plus de 35 000 personnes dans les rues de Bruxelles.

Son engagement lui a valu d’être nommée conseillère spéciale auprès du vice-président de la Commission européenne. Toujours en quête de nouvelles initiatives pour accélérer le changement, Adélaïde multiplie les actions pour faire bouger les lignes. Récemment, elle a contribué au succès d’une mobilisation majeure : l’adoption par l’Union européenne d’une loi, entrée en vigueur en août 2024 visant à restaurer au moins 20 % des écosystèmes européens d’ici 2030, avec un objectif de restauration totale pour 2050.

La Relève et La Peste : En tant que figure du mouvement climat en Belgique, vous avez déjà consacré cinq années de votre vie à la cause environnementale. Quel bilan personnel tirez-vous de cette demi-décennie d’activisme ?

Adélaïde Charlier : Au début, la raison de mon engagement était très focus sur le climat. Et au fur et à mesure des années, j’ai réalisé que c’était beaucoup plus profond que ça. Que le surplus de CO2 dans l’atmosphère et la perte de la biodiversité n’étaient que des conséquences de la manière dont on décide de vivre dans un système.

Il faut attaquer à la racine et avoir une vision très holistique. Faire convergence des luttes et des mouvements est le plus grand des défis, pour réussir à se parler et à se concentrer ensemble. À travers une balance constante entre l’éducation, la formation et l’engagement, on a la meilleure recette pour faire face à l’anxiété sur les questions climatiques ou même au sens large, sur tout ce qui se passe à travers ce monde. Face à tous ces faits négatifs qui amènent à beaucoup de pessimisme, c’est la seule manière de trouver de l’optimisme.

Mon éducation est loin d’être terminée. Au fil du temps, j’ai ouvert d’autres portes d’engagements qui m’amènent vers plus de luttes, comme celles du féminisme ou contre le racisme et les discriminations.

LR&LP : Quelles sont vos belles victoires de ces dernières années ?

Adélaïde Charlier : Il y en a eu plusieurs, et c’est d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle je suis encore engagée aujourd’hui. Avec des petits groupes de 5, 20, 100 personnes, on réussit à faire basculer des choses dans notre société, à Bruxelles, en Belgique ou même en Europe. Et ça, c’est le meilleur des sentiments.

En 2024, j’ai vécu une double victoire, le même jour, à une demi-heure d’intervalle, pour des campagnes sur lesquelles on travaillait depuis des années. C’est très rare quand on est dans l’activisme.

L’une consistait à essayer de faire sortir la présence des sponsors de grandes compagnies pétrolières, dont Total Énergies, sur le plus grand évènement sportif à Bruxelles. Face à la pression et aux moyens d’actions très diversifiés, ils ont fini par être retirés par les organisateurs. C’est une grande victoire d’exclure de l’espace public ceux qui ne veulent pas contribuer positivement à la transition nécessaire aujourd’hui. Énormément de personnes, pas nécessairement issues du milieu activiste, se sont engagées dans cette campagne et ont réalisé que c’était possible d’avoir un impact direct et très concret.

Et la deuxième victoire, au niveau européen, c’est la fameuse campagne contre l’exploitation des fonds marins (un enjeu majeur abordé dans notre livre-journal, Océans, ndlr). La Belgique a adhéré au moratoire sur l’exploitation des fonds marins, une fois que le Parlement européen a voté une résolution pour pousser les pays membres de l’Union Européenne à le rejoindre. C’est un symbole hyper fort. Ces victoires, on ne les a pas toujours, mais quand on les a, on comprend mieux pourquoi on court partout, tout le temps, dans tous les sens.

LR&LP : Ce sont donc toutes ces victoires qui vous poussent à continuer. Quels sont vos autres moteurs de motivation ?

Adélaïde Charlier : Toutes les initiatives citoyennes qui existent, qui s’accumulent et qui arrivent à nous montrer à quoi ressemble ce fameux monde de demain, qu’on a parfois du mal à imaginer. Par exemple, les villes de Liège et Namur ont créé une ceinture alimentaire avec des agriculteurs locaux, dans l’optique de devenir indépendantes. Pour rendre ce monde encore plus actif, il faut que ces initiatives soient soutenues financièrement par des institutions politiques

LR&LP : Quels sont les projets et combats que vous continuez à mener ?

Adélaïde Charlier : Je souhaite finir mon master en politique de l’Union Européenne, pour pouvoir tout donner à l’activisme ensuite. Je viens de créer mon association à Bruxelles, pour apporter plus de stratégie dans ce qu’on a déjà mis en place. Si une législation est passée au niveau de l’Union Européenne, on coordonne tous les jeunes qui sont engagés sur l’édition climatique et on s’assure que leurs voix soient en écho dans les institutions. C’est ça le futur pour moi. J’espère vraiment former une grande équipe qui pourra être soutenue financièrement pour que cela soit durable. C’est une pression constante vers les institutions politiques pour être le plus aligné possible avec l’accord de Paris.

Adélaïde Charlier

LR&LP : Comment vous situez-vous vis-à-vis de l’Union Européenne ?

Adélaïde Charlier : Nous avons besoin que les activistes basés à Bruxelles, dans le vif du sujet de l’Union Européenne, soient actifs et continuent à faire pression. Personnellement, je crois en ce projet de démocratie à 27 pays. L’importance de l’agrandir, d’établir des lois, des régulations et de s’assurer qu’on se coordonne tous, plutôt que de se battre. C’est la meilleure manière pour avancer sur les questions climatiques qui dépassent les frontières.

En Belgique, le climat n’est pas du tout une priorité. Il l’est devenu à partir du moment où l’Union européenne a décidé que ce soit le cas, notamment avec la loi climat disant qu’il faut réduire les gaz à effet de serre.

La Belgique avance beaucoup grâce à l’Europe. C’est peut-être des alliés, mais ce ne sont pas vraiment des activistes. L’extrême droite, le troisième plus gros parti politique, qui en plus de vouloir démanteler le projet de l’Europe, ne veut pas parler de climat, d’intersectionnalité, encore moins d’aspect social. Cela ne va pas être du tout facile dans les prochaines années, mais je pense que travailler au niveau de l’Union Européenne sera la meilleure manière d’avancer sur les questions climatiques.

Adélaïde Charlier à gauche

LR&LP : Vous croyez à la puissance du BNB (Bonheur National Brut). Pour vous, quels seraient l’impact et les effets de l’instauration de cet indicateur du bien-être ?

Adélaïde Charlier : Cet indicateur, qui a réellement été mis en place au Bhoutan, a un impact colossal sur la vie des gens. Se concentrer uniquement sur la croissance économique du PIB devient dangereux pour les humains et renforce l’urgence climatique. On ne peut pas garder le même objectif qui celui nous a mené à ce désastre. La meilleure manière d’avancer est de définir d’autres indicateurs, si on veut changer la manière dont on agit tous les jours. Et pour cela, il y a le BNB et d’autres indicateurs qui se sont développés, comme celui de la théorie du donut par Kate Raworth.

Je suis aussi convaincue qu’il faut revaloriser énormément de métiers dans notre société. Et si on veut avoir des changements dans tous les secteurs, entre autres celui de l’économie et de la finance, il faudra changer nos attitudes.

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Chloe Droulez

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