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Face aux crises en cours, lucidité ne rime pas nécessairement avec dépression climatique

Oui, l’action peut être joyeuse. En ralentissant, en exprimant nos craintes et nos émotions face à l’ampleur du désastre, en rejoignant des mouvements et des associations qui œuvrent par conviction intime, nous pouvons élargir nos perspectives et déployer des efforts enthousiasmants, collectifs, pour participer à bâtir un demain désirable.

Il y a un an, s’est déroulée à Bruxelles la dernière marche pour le climat avant le confinement de mars 2020. En compagnie de Greta Thunberg, des milliers de jeunes ont réclamé à l’Union européenne une politique climatique plus ambitieuse. Aujourd’hui, alors qu’aucune mesure concrète n’a répondu à cette mobilisation citoyenne et que les mesures sanitaires ont étouffé ce mouvement dans l’œuf, de nombreux jeunes continuent de se sentir inquiets et démunis. Ils s’informent, étudient, décrochent parfois. Les médias ont récemment mis en lumière la détresse de cette jeunesse qui, face à l’inaction politique, a l’impression d’être une « génération sacrifiée ». D’après Adelaïde Charlier, coordinatrice francophone du mouvement « Youth for Climate », la situation sanitaire a renforcé ce sentiment. Perdus entre les quatre murs de leur chambre, les jeunes manquent de repères, de perspectives et « ne se sentent même plus étudiants». À quoi bon se lever le matin quand plus rien n’a de sens ? Quelle posture adopter pour se remettre en mouvement dans un contexte sanitaire compliqué ?

Par Géraldine Remy, autrice de « Qui veut la peau de la Licorne » (éd. Ker).

Transformer son ressenti en espoir actif

Dans ses conférences, Charline Schmerber, psychothérapeute spécialisée dans l’écoanxiété, souligne l’importance de la « résilience émotionnelle ». Pour elle, lucidité ne rime pas nécessairement avec dépression climatique ; au contraire, ouvrir les yeux sur l’état de notre monde est une première étape pour travailler sa sécurité intérieure et renouer avec sa capacité d’action.

Elle invite les personnes en souffrance à prendre du recul, par exemple en s’offrant une détox numérique ou en participant à un atelier du « Travail qui Relie » de l’association Roseaux Dansants, qui a pour objectif de se libérer de l’inertie pour aller vers l’action créative ; c’est l’occasion idéale d’exprimer sa peine pour le monde sans être jugé et d’honorer notre lien avec le vivant à travers le corps, notre lien à la terre et à ce qui se vit ici et maintenant.

Certains peuples indigènes n’ont, d’ailleurs, pas de mot pour parler de la nature parce qu’ils ne se perçoivent pas comme séparé du reste du monde. En ralentissant, en focalisant notre attention sur notre respiration, en accueillant notre ressenti face à la destruction du monde naturel, c’est ce lien que nous retrouvons et que nous renforçons.

Il est également possible de le fortifier avec différentes pratiques qui harmonisent la tête, le cœur et le corps comme les bains immersifs en forêt, le « shinrin yoku ».

Crédit : @trenthaaland

Pour la jeune Adelaïde Charlier, l’activisme est un moyen thérapeutique de transformer son ressenti en espoir actif.

Elle fait partie de ces jeunes engagés qui suivent leur élan vital et font de leur combat une priorité. Ils ne ratent pas une occasion d’échanger avec des scientifiques et d’interpeller nos dirigeants, de remettre en question les décisions qui ne tiennent pas compte des enjeux environnementaux, d’attirer l’attention sur les initiatives qui tentent de mettre un terme à la déforestation amazonienne ou à la bétonisation de nos villes.

Certains jeunes participent d’ailleurs à des ZADs, qui empêchent l’artificialisation de certaines zones naturelles comme la sablière de Schoppach à Ardon ou la Zad du Carnet, menacée de se faire expulser.

Les ZAD sont des laboratoires de résilience avec un seul objectif commun : lutter ensemble contre l’urbanisation et préserver notre précieuse biodiversité ! 

Mais que répondre à ceux et celles qui ne savent pas par où commencer ? Dans quels projets s’impliquer ? Comment agir sans adopter une posture sacrificielle pour répondre à l’énormité des enjeux et compenser l’inaction politique ?  Charline Schmerber estime que ce sont là des questions importantes, qui nécessitent du temps et de l’introspection pour y répondre.

« Rappeler aux politiques leur responsabilité face à l’urgence climatique est depuis plus d’un an mon combat. » – Adélaïde Charlier

Penser son action en amont

Elle insiste également sur la notion de douceur et de respect de soi : « Agir, oui, mais une action pensée en amont pour ne pas sombrer dans la suractivité ou le désespoir ».

Oui, l’action peut être joyeuse. En ralentissant, en exprimant nos craintes et nos émotions face à l’ampleur du désastre, en rejoignant des mouvements et des associations qui œuvrent par conviction intime, nous pouvons élargir nos perspectives et déployer des efforts enthousiasmants, collectifs, pour participer à bâtir un demain désirable.

Ce n’est pas Mael Gerday qui nous dira le contraire : à 19 ans, ce jeune activiste a fondé l’association Clean Walker Belgique en février 2019 alors qu’il prend conscience que les problématiques du climat et de la pollution sont interconnectées entre elles. Il organise alors un clean walk[1] qui remporte beaucoup de succès :

« Je n’imaginais pas que ça me donnerait autant confiance en moi. Ce n’est pas juste un ramassage de déchets. C’est un moment pour se retrouver, se mobiliser ensemble et semer des graines de réflexion sur l’évolution de notre monde. Depuis, je me sens très entouré et je soutiens d’autres initiatives. Il y a quelques semaines, avec des jeunes issus d’autres associations, nous nous sommes rassemblés devant la Commission européenne pour manifester notre désaccord face au budget de la PAC des sept prochaines années. Il est urgent de protéger et de restaurer les sols qui nous permettent de vivre ! »

Cleanwalk du 28 octobre

Pour Lucie Morauw, ambassadrice du Slow Fashion Challenge en Belgique, l’action collective est également le meilleur moyen de comprendre le monde dans lequel nous vivons et de participer au changement :

« Je m’investis dans plusieurs mouvements.  Récemment, je suis devenue ambassadrice pour le Slow Fashion Movement, qui dénonce les excès de l’industrie textile. Ça me fait du bien, ça me donne de l’énergie, parce que je suis entourée de gens optimistes qui m’apprennent beaucoup de choses ! Ensemble, nous lançons des challenges, nous aidons les gens à repenser leurs achats et nous faisons grandir le mouvement CollAction, qui promeut d’autres modes de consommation comme la slow food. Seule, je peux croire n’être qu’une goutte d’eau mais ensemble, nous sentons que nous sommes la vague ! ».

En définitive, que reste-t-il de nos peurs et de notre sentiment d’impuissance quand nous prenons conscience de notre interdépendance, que nous trouvons du sens dans notre cheminement et que nous constatons à quel point nos décisions et nos actions collectives ne sont jamais isolées de la toile du vivant ?

Crédit photo couv : LOAN SILVESTRE / BELGA MAG / Belga via AFP


[1] Balade qui à pour but de ramasser les déchets qu’on trouve sur notre chemin

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