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La loi “industrie verte” veut réindustrialiser la France sans dépolluer les entreprises

En l’absence de mesures restrictives pour les industries polluantes, le gouvernement mise tout sur les mesures incitatives, à grand coup de chèques et de favoritisme. Bruno Le Maire entend avantager les produits vertueux dans les commandes publiques et conditionner les aides étatiques aux entreprises avec une trajectoire vertueuse. En d’autres termes « verdir le budget de l’Etat ».

Censée réindustrialiser la France et diminuer la consommation carbone de 41 000 tonnes de CO2 par an d’ici 2030, la loi industrie verte se concentre sur la croissance des secteurs dits propres sans intégrer véritablement la transition des industries polluantes existantes. Le texte est-il à la hauteur des enjeux ?

Adoptée par le Sénat le 22 juin, la loi industrie verte est examinée en première lecture à l’Assemblée depuis le lundi 17 juillet. Les députés ont jusqu’au dimanche 23 juillet et la fin de la session parlementaire extraordinaire pour débattre des 1 600 amendements qu’elle contient.

Autant dire que les quelques jours de discussion qui arrivent sont bien maigres pour un projet qui « marque un véritable tournant dans l’histoire économique de notre nation » selon les mots du ministre de l’Economie Bruno Le Maire.

L’objectif est affiché, « faire de la France la première nation de l’industrie verte en Europe » et « décarboner et verdir les industries existantes ». Le constat est simple, la France a perdu 2,5 millions d’emplois industriels depuis 50 ans. Sur la même période, la part de l’industrie dans les richesses nationales a été divisée par 2, passant de 22 à 11%.

L’industrie française représente 18 % des émissions annuelles nationales de gaz à effet de serre, une part qu’il faut réduire pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris. Les arguments en faveur d’un projet de loi industrie verte sont partagés dans tous les camps politiques.

Pourtant, depuis la présentation du texte par Bruno Le Maire, les critiques pleuvent. Le député écologiste Charles Fournier dénonce le risque d’un « texte greenwashing », centré sur la réindustrialisation « sans planification écologique ».

Une crainte confirmée par les propos d’Olivier Marleix, président du groupe Les Républicains à l’Assemblée dont le vote est indispensable à la majorité pour faire passer la loi, qui a expliqué dans l’hémicycle lundi que « le sujet à traiter, ce sont nos importations, donc toute industrie qui relocalise devrait être considérée comme une industrie verte ».

C’est la question principale. Quelle industrie sera considérée comme verte ? Le Sénat avait inscrit dans le texte une stratégie qui permet de déterminer quel secteur industriel serait jugé vert. Une proposition balayée en Commission à l’Assemblée, les députés Renaissance l’estimant trop « restrictive ». Le projet de loi est donc « flou » selon les partis d’opposition.

Pas de mesures restrictives pour les industries polluantes

La mesure la plus importante proposée par Bruno Le Maire est « l’accélération » et la « simplification » des procédures en divisant par deux les délais d’ouvertures d’usines. Dans le même temps, la Banque des Territoires investira 1 milliard d’euros d’ici 2027 pour la réhabilitation et la dépollution d’une cinquantaine de friches industrielles qui seront mises à disposition des entreprises pour y implanter des usines « vertes ».

Cependant, les industries « d’intérêt national » se sont vues accorder une dérogation pour bénéficier de ces aides à l’implantation.

En l’absence de mesures restrictives pour les industries polluantes, le gouvernement mise tout sur les mesures incitatives, à grand coup de chèques et de favoritisme. Bruno Le Maire entend avantager les produits vertueux dans les commandes publiques et conditionner les aides étatiques aux entreprises avec une trajectoire vertueuse. En d’autres termes « verdir le budget de l’Etat ».

Les entreprises vertes seront identifiées grâce à un label au contour flou, le Triple E, pour « excellence environnementale européenne ».

Le ministre de l’Économie compte également mobiliser l’épargne privée. Il a donc annoncé la création du plan d’épargne « Avenir climat », réservé aux mineurs, ouvert par leurs parents, et qui sera exclusivement destiné à l’investissement dans les productions écoresponsables.

Non intégrée au projet de loi, la mesure qui devait accélérer la réindustrialisation verte sera étudiée en automne prochain dans le cadre du projet de loi finance 2024. On prend la même méthode utilisée par Emmanuel Macron depuis son entrée à Bercy en 2014 pour inciter les entreprises à investir en France, à savoir le crédit d’impôt.

Ce « crédit d’impôt vert » servira à soutenir les « investissements dans les industries vertes » et la « décarbonation des industries existantes » sans plus de précisions pour le moment.

Ces dernières semaines, les annonces sur l’implantation d’usines de production de masse de batteries et de puces pour véhicules électriques se sont multipliées. Ces « gigafactory », sont considérées comme faisant partie des industries vertes puisqu’elles s’inscrivent dans le développement de la mobilité électrique.

Pourtant la réalité est bien moins reluisante. Consommation en eau de grande ampleur, risque de contamination des nappes phréatiques, importation de lithium et opération de lavage intensif du minerai viennent ternir leur bilan environnemental.

Bref, les gigafactory sont nécessaires à la transition écologique mais dans les faits le gouvernement promeut « une industrie de la transition écologique qui, dans son fonctionnement, ne se distingue pas radicalement de l’industrie traditionnelle » explique l’économiste et directrice de recherche au CNRS Nadine Levratto dans Alternatives Economiques, « elle repose en effet sur l’extraction de ressources plus ou moins rares avec des effets environnementaux non négligeables »

« La loi sur l’industrie verte ne sera pas en mesure de modifier la donne. Elle pèche par une absence de vision systémique » selon Nadine Levratto.

Une définition peu exigeante

Selon le ministère de l’Économie, l’industrie verte désigne un modèle de production durable, limitant la consommation, le gaspillage des ressources et la production de déchets. Une définition restreinte bien loin de celle de l’ONU qui y ajoute la protection de la biodiversité, les questions climatiques, la santé et les inégalités sociales.

Une perspective dénoncée par une centaine d’élus écologistes dans une tribune publiée dans Libération selon qui l’absence de mesures climatiques et de protection de la nature révèle « l’objet central » de la loi qui « semble être le retour dans la compétition internationale ».

Les écologistes ont tenté d’inclure des amendements dans ce sens. Celui qui a fait le plus parler est l’interdiction des PFAS, les polluants éternels engendrés par l’industrie. Plusieurs milliers de substances sont concernées.

On les retrouve dans les poêles, les cordes de guitare, les cosmétiques, les mousses anti‑incendie, les batteries, les peintures, les pesticides, les textiles, ou encore les emballages alimentaires. Les PFAS sont intégrés à la composition de ces produits car ils sont résistants aux dégradations biologiques naturelles, voire pratiquement indestructibles.

Ils présentent des risques graves pour la santé humaine. Plusieurs études ont montré leur présence dans le sang de pratiquement toute la population.

Porteur de la proposition de loi, le député EELV Nicolas Thierry proposait d’interdire la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché des produits contenant des PFAS. Un amendement rejeté en commission.

« Si prévenir des pollutions chimiques majeures causées par des sites industriels implantés sur le territoire ne relève pas du champ d’une loi relative à l’industrie verte, nous sommes en droit de douter de l’ambition de la majorité relative en matière de transition écologique de l’industrie » assène Nicolas Thierry.

Florian Grenon

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