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La déforestation des montagnes africaines assoiffe les habitants des plaines

Lorsque les nuages sont plus hauts, ils ne peuvent plus toucher la canopée et l’eau ne ruisselle alors plus dans les sols et les plaines. Cette perturbation du cycle de l’eau peut s’étendre jusqu’à des zones plus isolées.

En 20 ans, la déforestation des montagnes africaines a provoqué une hausse dramatique de la température, et endommagé le cycle de l’eau. Une étude menée par des chercheurs de plusieurs pays lance l’alerte sur les menaces pour la biodiversité et l’accès à l’eau pour les habitants des plaines.

Les forêts de montagne, des châteaux d’eau sous-estimés

Le rôle des forêts pour stocker le carbone est bien connu. Celui dans le cycle de l’eau à travers le phénomène d’évapotranspiration beaucoup moins. Publiée dans Nature Communications, une étude menée par des chercheurs du monde entier sur la déforestation des montagnes africaines vient renforcer une vérité simple : « S’il ne pleut pas dans le désert, c’est parce qu’il n’y a pas d’arbres, et non l’inverse ! »

En Afrique, les forêts de montagne sont normalement nuageuses, humides et froides. Refuges d’une multitude d’espèces animales et végétales, ces forêts agissent aussi comme de véritables châteaux d’eau en captant l’eau du brouillard et des nuages.

Lorsque les nuages touchent la canopée de la forêt, le brouillard (l’eau) se dépose sur les plantes et les surfaces terrestres. Lorsqu’ils sont boisés, les sommets des montagnes contribuent alors à un bien meilleur stockage de l’eau par les arbres et le sol que les terres déboisées. Cela permet de fournir une eau douce de haute qualité à des millions de personnes dans les plaines d’Afrique.

Les sites d’étude étaient situés dans les hautes terres du Kenya, de Tanzanie, d’Éthiopie et d’Afrique du Sud. L’étude était l’un des résultats de la station de recherche de Taita, que l’Université d’Helsinki entretient dans le sud du Kenya depuis 2009.

« Dans les collines de Taita, il a été mesuré qu’annuellement dans les sommets des montagnes boisées, 20 % d’eau de plus atterrissait au sol par rapport aux zones ouvertes », explique Prof. Petri Pellikka, le directeur de la station de recherche Taita

Hélas, entre 2003 et 2022, 18 % des forêts de montagne d’Afrique ont été rasées par l’expansion des terres cultivées et l’exploitation forestière. Cette déforestation a engendré un réchauffement de la température de l’air de 1,4 °C, tandis que le niveau des nuages ​​a augmenté de 230 mètres au cours des 20 dernières années.

« Cela a de fortes conséquences sur les ressources en eau et la biodiversité », commente le professeur Dirk Zeuss de l’Université de Marbourg.

En effet, lorsque les nuages sont plus hauts, ils ne peuvent plus toucher la canopée et l’eau ne ruisselle alors plus dans les sols et les plaines. Surtout, cette perturbation du cycle de l’eau peut s’étendre jusqu’à des zones plus isolées, dans les plaines, à travers « la téléconnexion du transport de l’humidité » précise l’étude.

Dans les sommets boisés des collines Taita, 20 % d’eau en plus tombent chaque année sur le sol par rapport aux zones dégagées. Cela est dû au brouillard qui se dépose sur les arbres et qui s’égoutte sur le sol sous forme de gouttelettes. – Crédit : Petri Pellikka

Moins de forêts, moins de fraîcheur en altitude

De nombreux petits sommets boisés subsistent dans les collines Taita. Les châteaux d’eau les plus importants du Kenya sont le mont Kenya, la forêt de Mau, les montagnes Aberdare, le mont Elgon, les collines Cherangani et le mont Kilimandjaro. Bien que le mont Kilimandjaro soit situé en Tanzanie, il fournit également de l’eau au côté kenyan. Jusqu’à quand ?

« Autour de la plus haute montagne d’Afrique, le Kilimandjaro en Tanzanie, 50 % de la forêt a disparu depuis 1880 », commente le Dr Andreas Hemp de l’Université de Bayreuth. Ce chercheur mène des recherches sur le Kilimandjaro depuis 30 ans.

De surcroît, s’il est bien connu qu’on peut grimper en altitude pour trouver un peu de fraîcheur, l’étude a révélé que la déforestation à grande échelle (c’est-à-dire la perte de couverture forestière supérieure à 70 % sur une zone de 1 km x 1 km) peut diminuer cet effet de refroidissement de l’altitude.

« Ces résultats suggèrent que la déforestation à grande échelle dans les forêts de montagne est particulièrement néfaste, car ses impacts peuvent être plus importants qu’on ne le pensait auparavant » précisent les chercheurs dans leur étude.

Les chercheurs espèrent que ces nouvelles données contribuent à sensibiliser à la nécessité d’atténuer les impacts de la déforestation en montagne, et de conserver et restaurer les forêts de montagne à l’intérieur et à l’extérieur des zones protégées.

Laurie Debove

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