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Les forêts de montagne africaines sont un puits de carbone vital et sous-estimé, aujourd’hui menacé

En moyenne, l’équipe a pu déterminer que les forêts d'altitude d’Afrique orientale contenaient 149,4 tonnes de carbone par hectare, soit deux tiers de plus que ce qu’avait établi le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) en 2019.

En terme de puits de carbone et protection de la biodiversité, le grand public a largement compris l’importance de protéger la forêt Amazonienne. Mais une nouvelle étude publiée dans la revue scientifique Nature fait la lumière sur des forêts tout aussi indispensables, et pourtant trop peu explorées : les forêts d’altitude d’Afrique orientale. Menacées elles aussi par le réchauffement climatique, la communauté scientifique qui les a étudié rappelle l’importance de les protéger.

De nouvelles données scientifiques

La recherche a démontré que les forêts équatoriales capturent dans leur biomasse entre 40 et 50% du carbone terrestre, mais les forêts ombrophiles de brouillard n’avaient à ce jour que peu été explorées.

Une nouvelle étude publiée dans la revue Nature le 25 août démontre que la capacité de stockage de carbone des forêts d’altitude d’Afrique orientale aurait nettement été sous-estimée.

Le constat avait d’abord été posé par les chercheurs en 2014, et a pu être vérifié sur la base de données d’inventaire de 44 sites de de forêts d’altitude dans 12 pays africains différents. 100 scientifiques se sont ainsi penchés sur cette « forêt de nuage», qui occupe 65 550 km2 en Afrique de l’Est.

On trouve des forêts ombrophiles de brouillard en Amérique, en Afrique, en Asie et en Océanie. Elles se situent dans des milieux tropicaux en montagne, entre 1000 et 3000 mètres d’altitude. Elles se caractérisent par la présence fréquente d’abondantes nappes de brouillard et de brume et de fortes précipitations, entre 2000 et 8000 mm annuels selon l’altitude. A titre de comparaison, environ 800 mm de pluie s’abattent sur la France chaque année.

L’étude démontre malheureusement que ces « forêts de nuage » d’ores et déjà rares à l’échelle planétaire sont gravement menacées : 0,8 millions d’hectares ont été perdus depuis le début des années 2000. Si la déforestation continue à ce rythme, les chercheurs estiment qu’un autre million d’hectares pourrait être perdu d’ici 2030, environ la taille du Luxembourg.

Menée par l’ethnobotaniste Aida Cuni Sanchez de l’Université d’York, la nouvelle recherche utilise des données récoltées sur 44 sites de forêts d’altitude dans 12 pays, pour la plupart situés en Afrique centrale. Ces données ont été relevées sur 72 000 troncs d’arbres : leurs diamètre, espèce et taille.

En moyenne, les chercheurs ont découvert que les forêts d’altitude d’Afrique orientale contenaient 149,4 tonnes de carbone par hectare, soit deux tiers de plus que ce qu’avait établi le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) en 2019.

Les résultats furent surprenants bien qu’attendus à la hausse, étant donné les conditions auxquelles font face ces forêts qui auraient pu limiter la croissance des arbres, comme les hautes altitudes, les vents forts, les pentes raides, les températures plus basses et les longues périodes d’immersion dans la brume qui entrainent des saturations en eau dans les sols.

Pourtant, de très grandes variations ont été observées dans les forêts, qu’il s’agisse des espèces d’arbres comme de leurs structures, comprenant des arbres bien plus grands et larges qu’il n’avait été prévu de trouver.

Les investigations menées sur les réserves de carbones sont des outils pour établir dans quelle mesure les pays respectent les Accords de Paris sur le climat et les nets efforts qui doivent être menés pour limiter l’augmentation de la température globale de notre planète.

En février 2021, le nombre de pays signataires s’élèvent à 195, soit la quasi-totalité des pays du monde. Les chiffres des enquêtes apportent ainsi des méthodes qui se basent sur la science pour aider les pays dans leurs démarches.

Mt Kenya, Chogoria route – Crédit : chris.murphy

Des forêts en danger

Les forêts d’altitudes sont cependant difficiles d’accès par manque de techniques humaines, la présence de forces armées du fait de conflits en Afrique mais également parce que le GIEC tend à ne pas compiler ses enquêtes et à conserver ses résultats statiques et inflexibles, parfois lorsqu’ils ne sont pourtant plus valides dans le temps.

Aida Cuni Sanchez explique que par exemple, les experts ne peuvent utiliser que les études réalisées en anglais, alors que l’Afrique publie la majeure partie de ses médias, qui sont déjà peu abondants, en français et dans d’autres langues. Elle souhaiterait ainsi que les données publiées soient plus inclusives.

Des études récentes démontrent que les forêts tropicales et subtropicales perdent peu à peu leur capacité à absorber le carbone présent dans l’atmosphère du fait du réchauffement climatique.

S’il est possible que les forêts d’altitude soient mieux protégées face à son impact, la hausse des températures pourrait également être une menace sérieuse à l’encontre du « nuage » qui abreuve ces forêts, selon le co-auteur de l’étude, Martin Sullivan, conférencier en écologie à l’Université métropolitaine de Manchester. Il explique :

« La plupart de ces forêts d’altitude d’Afrique orientale sont recouvertes de nuages pendant une grande partie de l’année et le phénomène apporte d’importantes contributions en eau dans des zones qui seraient autrement trop sèches. Cependant, on pense que la base des nuages sera repoussée vers le haut en même temps que la hausse des températures, les ramenant aux sommets des montagnes. »

Un autre co-auteur de l’étude, Simon Lewis, spécialiste des changements globaux anthropiques à l’Université de Leeds, précise cependant que les arbres d’Afrique meurent à un taux moins élevé que par ailleurs. En d’autres termes, ils vivent plus longtemps et peuvent donc accumuler plus de carbone.

Cela pourrait signifier que les forêts d’Afrique sont plus résilientes aux changements environnementaux de ces dernières décennies.

Forêt sur le Kilimandjaro – Crédit : K15 Photos

Malgré cela, les variations impliquées par le changement climatique sont relativement imprévisibles, et du fait de sa vitesse, les forêts pourraient ne pas s’adapter assez vite, tout comme de nombreuses autres espèces. La biodiversité des forêts d’altitude d’Afrique orientale fait par ailleurs partie des plus variées sur terre, hébergeant plus d’un millier d’espèces animales et végétales.

Les forêts sont également des « tours d’eau » dont des milliers de personnes dépendent, mais qui sont menacées par l’exploitation minière, forestière, l’agriculture et les conflits politiques.

Crédit : Annie Spratt

Ainsi, de nombreux pays est-africains participent pour contrer ces problèmes au Bonn Challenge, un engagement mondial qui visait à restaurer 150 millions d’hectares pour 2020 (qui a été atteint en 2017) puis qui cherche à atteindre les 350 millions d’ici 2030. Cette procédure pourrait ainsi aider les pays d’Afrique à restaurer leurs forêts d’altitude.

D’après le GIEC, le meilleur outil pour réduire les émissions générées par l’agriculture, la sylviculture et d’autres utilisations techniques de la terre est la réduction de la déforestation et la dégradation des forêts.

De ce fait, les scientifiques à l’origine de l’étude estiment que la conservation des forêts primaires, qui stockent énormément de carbone, devrait être non seulement encouragée mais également récompensée.

En effet, si certains misent sur la plantation de nouveaux arbres et le développement de forêts, les projets ne peuvent être bénéfiques que si la déforestation est également activement contrée et fait l’objet de toute notre attention. Simon Lewis précise :

« Si le monde cherche véritablement à combler le fossé des émissions et réduire de moitié notre production de CO2 d’ici 2030, alors réunir toute une série de mesures dans le but d’annihiler presque entièrement la déforestation sera essentiel. Elles devront être intégralement conjointes à de nouvelles sources de financements pour assurer la protection de la biodiversité, et les autres services que nous fournissent les écosystèmes peuvent en faire partie. »

Maïté Debove

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