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Au Burkina Faso, Yacouba Sawadogo a arrêté le désert en plantant une forêt

Si Damien Deville a voulu raconter ce récit, c’est pour donner un exemple inspirant de réussite face aux ravages du changement climatique, mais aussi lutter contre l’appauvrissement de nos imaginaires occidentaux.
17 février 2022 - Laurie Debove
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- Thème : Intelligence et communication, protection des forêts, déforestation, santé…
- Format : 300 pages
- Impression : France

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Il a sauvé son village de la désertification en plantant une forêt. Alors que tous les villageois partaient en exil, dévastés par la grande sécheresse de 1980, Yacouba Sawadogo, âgé de 30 ans, a fait le chemin inverse. Il a quitté la grande ville où il était commerçant pour retourner soigner la Terre de sa famille. En 40 ans de labeur, il est parvenu à fertiliser les sols, ramener les animaux et apprivoiser le cycle de l’eau. Aujourd’hui, la forêt de Yacouba contient plus de 90 différentes espèces d’arbres et plantes médicinales utilisées par sa communauté. Un magnifique exemple de résilience conté par le livre « L’homme qui arrêta le désert » de l’anthropologue et géographe Damien Deville.

Au Burkina Faso, les Sawadogo sont des « danseurs de pluie ». Yacouba Sawadogo est donc issu d’une longue lignée paysanne, qui sut remplacer le sable par de magnifiques greniers. Il portait en lui un héritage, mais n’avait plus ce lien avec la Terre. Ses parents, des tisserands, avaient choisi de l’envoyer dans une école coranique. Pourtant, Yacouba a sauvé son village en plantant une forêt.

A l’issue d’une rencontre de plusieurs semaines avec cet être valeureux, l’anthropologue et géographe Damien Deville a obtenu son accord pour raconter l’épopée d’une vie dans un récit nuancé empreint de poésie : « L’homme qui arrêta le désert » (Éditions Tana).

A l’origine de ce retour aux sources, la grande sécheresse de 1980 qui a frappé son village natal de Gourgan. Cumulée à l’urbanisation effrénée et incontrôlée de la région, mais aussi à l’utilisation de produits chimiques dans les champs, les terres de Gourgan étaient devenues arides et rocailleuses.

Ce à quoi ressemblait la terre quand Yacouba est revenu – Crédit : Loukmane Sawadogo

Alors que les habitants du village fuyaient massivement ces terres désolées, Yacouba Sawadogo a choisi le chemin inverse pour tenter « l’impossible » : ramener la vie au village.

« Il avait alors trente ans et il a réussi le prodige de tenir, de vivre seul et isolé. Yacouba a voyagé dans le Sahel entier pour trouver des réponses à ses questions. Il fit renaître une technique depuis longtemps abandonnée, néanmoins connue des vieux paysans du Sahel : le zaï. Cette technique consiste à creuser manuellement des trous pour y collecter de l’eau et des matières organiques. » explique Damien Deville dans son livre

Crédit : Loukmane Sawadogo

Yacouba a dû frapper les rocailles sous un soleil brûlant. Il a creusé dans la terre des cuvettes circulaires d’environ 50cm de profondeur, à intervalle de 80cm pendant la saison sèche. Une fois le trou terminé, le paysan a déposé un amas de feuilles et de branchages, matière organique qui fournit des nutriments aux arbres pendant leur croissance.

Enfin, il a versé de l’eau à hauteur du trou, seule fois où il irrigue. Dans le désert, chacun sait que l’eau est aussi précieuse que la vie. La saison des pluies s’est chargée du reste. Pour mieux retenir l’eau, Yacouba a observé son terrain et creusé les trous là où ruisselait naturellement la pluie, selon la topographie du sol. Cela a tout changé.

La forêt – Crédit : Loukmane Sawadogo

« Une forêt y a repris ses droits, si bien qu’elle est dorénavant un phare pour l’humanité, une sentinelle face à l’érosion du vivant et une forteresse contre la désertification des territoires qui menace au-delà des frontières du continent africain. » raconte Damien Deville dans son livre

Inspiré par les Dogons, un peuple du Mali, Yacouba a aussi créé des cordons pierreux de quelques centimètres de haut avec lesquels il a minutieusement quadrillé toute sa parcelle pour ralentir la course de l’eau, et lui laisser le temps de s’infiltrer dans le sol.

Le village aujourd’hui – Crédit : Loukmane Sawadogo

Il a aussi appris à coopérer avec les animaux qui pouvaient l’aider, et notamment les termites qui remuent la terre. A chacun de leur nouveau nid, Yacouba a versé abondamment de l’eau autour de leurs édifices en signe d’hospitalité.

« A l’échelle de sa vie, Yacouba a vu le hérisson, l’antilope et le papillon disparaître. Mais par son œuvre, ses mains dans la terre, sa tête dans les étoiles, ils sont finalement revenus. » sourit le géographe

Nid de termites au pied d’un arbre – Crédit : Loukmane Sawadogo

Si Damien Deville a voulu raconter ce récit, c’est pour donner un exemple inspirant de réussite face aux ravages du changement climatique, mais aussi lutter contre l’appauvrissement de nos imaginaires occidentaux.

« Contrairement à un cliché solidement ancré, les villageois d’ici et d’ailleurs n’ont rien de personnes exténuées. Ils ne sont pas mourants ni fantomatiques. Ils sont encore moins des acteurs du passé. Ces stéréotypes sont le produit d’une longue et dense histoire, celle qui a vu les grandes villes dominer le monde et imposer leurs récits. Car si actuellement les espaces s’urbanisent, bien plus dangereux en est le corollaire : l’urbanisation de nos propres esprits. »

Yacouba Sawadogo, Damien Deville (en jaune) et des villageois – Crédit : Thierry Mercier

Honoré par les Nations Unies comme un « champion de la Terre » en 2020, Yacouba Sawadogo ne se repose pas sur ses lauriers. Il essaie à présent d’unir ville et brousse afin de permettre à son village de prospérer. Sa réussite a attisé les jalousies et les dangers restent nombreux : qu’il s’agisse du réchauffement climatique ou du dijhad qui revendique des terres proches de son village.

Mais Yacouba peut compter sur des alliés, l’œuvre de sa vie a soigné la Terre, les végétaux, et les animaux y compris les humains. Sa forêt, comprenant 90 essences médicinales différentes, a permis aux habitants du village de retrouver leur autonomie pour se soigner.

« Le premier arbre planté par Yacouba vit toujours, 40 ans après. L’arbre, dans la culture mossie, est devenu le messager d’un espoir. Celui de la santé d’un peuple, d’une terre, d’une destinée. » conclut Damien Deville

Crédit photo couv : Thierry Mercier

17 février 2022 - Laurie Debove
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