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Ils veulent planter 10 millions d’arbres du pays basque au massif central pour réguler la pluie

« Nous visons une continuité de 40 à 80 arbres par hectare sur une zone délimitée au sud par le Piémont Pyrénéen, au nord par la Montagne Noire, la Garonne à l’ouest et le partage des eaux à l’est, afin de créer de l’ombre, refroidir les sols, accueillir la biodiversité et condenser de l’eau. Cela représente près de 260 000 hectares. »

Si, à la place de dégrader toujours plus impunément le climat, nous mettions à contribution l’inventivité du Vivant pour pérenniser ses cycles, assurer l’équilibre de nos écosystèmes et ainsi contribuer à la sauvegarde de notre planète ? C’est l’objectif que se sont donnés Cédric Cabrol (chimiste), Roméo Teyssier Dumont (gestion de projet) et Joris Dedieu avec leur projet « L’autoroute de pluie », lequel prône une agroforesterie d’urgence. En phase d’expérimentation, Cédric Cabrol nous en explique le concept.

Une agroforesterie d’urgence

L’autoroute de la pluie est un projet en gestation qui plaide en faveur d’une agroforesterie d’urgence. Les trois associés sont partis du constat que la simplification des paysages, l’érosion, l’artificialisation, la dévégétalisation etc. avaient fait perdre aux sols leur capacité à infiltrer, condenser et stocker l’eau. Même si l’idée d’augmenter les pluies en développant la végétalisation n’est pas neuve, le concept d’agroforesterie d’urgence, l’est. L’autoroute de la pluie est un projet qui vise à adapter nos paysages pour augmenter la connectivité climatique, générer de la fraîcheur et de l’humidité.

« Nous visons une continuité de 40 à 80 arbres par hectare sur une zone délimitée au sud par le Piémont Pyrénéen, au nord par la Montagne Noire, la Garonne à l’ouest et le partage des eaux à l’est, afin de créer de l’ombre, refroidir les sols, accueillir la biodiversité et condenser de l’eau. Cela représente près de 260 000 hectares soit, sans tenir compte de l’existant, environ 10 millions d’arbres à  planter » explique Cédric pour La Relève et la Peste.

Ils se sont inspirés du peuple Dogon au Mali qui plantent 40 arbres à l’hectare en utilisant majoritairement l’espèce Faidherbia Albida. Cette densité leur permet de constater des rendements de culture supérieurs de 40% par rapport aux parcelles dépourvues d’arbres. Pour Cédric, le choix de l’arbre est crucial. Le paulownia est, selon lui, une essence idéale pour l’agroforesterie d’urgence et le contexte climatique. Cependant, dans les terrains trop humides, d’autres espèces sont préférables, comme par exemple le peuplier.

« Le paulownia possède plusieurs stratégies intéressantes, notamment dû à un mode de photosynthèse hybride. Il peut à la fois saturer au printemps, c’est-à-dire saturer l’atmosphère en vapeur d’eau et, comme un cactus, utiliser très peu d’eau lorsqu’elle devient un GES en été. Le gros intérêt est de faire rapidement de l’ombre pour capter la rosée sur les sous-couverts et directement sur le paulownia. Ses feuilles sont très efficaces pour cela. Condenser de la vapeur d’eau : c’est aussi éliminer du GES » nous explique Cédric.

Pour améliorer le climat, Cédric aimerait créer des corridors avec ces systèmes agroforestiers. Les arbres capteraient la rosée et provoqueraient une pluviométrie invisible. De l’eau qui ne tombe pas du ciel mais que l’on capte. Faire de l’ombre, c’est perdre 5 à 10°C soit autant que pour un gain de 1000 m d’altitude.

Feuilles de Paulownia ayant capté la rosée – Crédit : Cédric Chabrol

L’autoroute de la pluie : un corridor d’arbres

Alors que les continents représentent une surface équivalant à 40% des surfaces des océans, seuls 10% des volumes d’eau qu’ils évaporent arrivent à venir y alimenter les pluies. Pour Cédric, la cause principale est le manque de conductivité pour amener l’eau dans les territoires. L’autoroute de la pluie, à l’image du bocage normand ou breton, serait un “supraconducteur” pour améliorer la diffusion de l’humidité dans le continent. Cela marchera avec la captation de rosée sur les substrats ou directement sur le paulownia. A court terme, la plantation d’arbres offre la possibilité de faire une préparation de sol.

« L’idée de l’autoroute de la pluie est de relier la porte d’entrée du climat frais humide régulier, c’est-à-dire le climat océanique, qui serait le climat du pays basque et de le relier avec le château de la France qui est le massif central. Ma vision c’est que la transition agroécologique est compliquée au regard de l’urgence. J’ai essayé de trouver quelque chose de plus simple et accessible où l’on dit que l’on ne plante qu’un arbre et après l’idée est d’amener les gens là-dedans mais par étape. On commence par se mettre en sécurité avec une agroforesterie d’urgence. »

Cédric travaille sur la démonstration de faisabilité. Avec son frère, ils ont lancé vingt hectares d’agroforesterie d’urgence sur leur exploitation. Pour le moment, leur succès est mitigé. Dans leur pépinière, ils ont des paulownias de 3m30, planté en 2023, malgré une gelée qui a remis à zéro les arbres. Le gel leur a fait perdre 2.5 mètres de potentiel de croissance en pépinière et en plein champ. Actuellement, ils font 1m50 pour les plus grands, sans que l’eau n’apparaisse limitante. Cependant, les objectifs restent atteignables.

Avec le scientifique Jean-Pierre Sarthou, Cédric et ses compères ont ouvert une thèse en partenariat avec Météo France pour voir quel est l’impact de la dégradation des sols sur le climat. Actuellement, Cédric a eu une quarantaine d’heures de discussions avec 35 climatologues. Il est intervenu dans un colloque scientifique pour proposer une vision d’agro-éco-climatologie qui mélange plusieurs sciences.

Le paulownia, l’arbre couteau suisse

Le paulownia est un arbre pré-pionnier qui précède la forêt. Dans les nombreux avantages qu’on lui attribue, le paulownia a une croissance rapide, résiste à des hautes températures (jusqu’à 55° en serre), sa photosynthèse fonctionne jusqu’à 35/38°. Il est endomycorhizien, c’est-à-dire qu’il ne va pas venir concurrencer les cultures mais plutôt leur donner du sucre pendant les phases caniculaires.

« Il va jouer le rôle d’ascenseur hydrique. Il nous permet d’humidifier et de capter la rosée. Il remonte les minéraux. Il est comestible pour le bétail, la teneur en protéine est de 22 %. D’un point de vue économique, il rapporte de l’argent à court terme. » s’amuse Cédric auprès de La Relève et la Peste

Dans un contexte changeant, si l’on considère que cette essence va améliorer la captation de la rosée et ainsi augmenter la pluviométrie, il peut être intéressant de constater qu’il modifie l’écosystème pour participer à sa résilience.

« Pour moi, cette modification est positive. Il y a aussi le rôle des pollens hydrophiles qui peuvent participer à la saison des pluies ou la dissiper. J’ai tendance à penser que le paulownia est un arbre qui va amener la pluie grâce à son pollen ».

La pollinisation hydrophile consiste en un transfert à la surface de l’eau ou sous l’eau des pollens. Sa reproduction est assurée par l’eau. Ainsi, le pollen hydrophile permet de condenser la vapeur d’eau et de former la goutte de pluie. On parle de noyau de condensation. Et pour les détracteurs du projet ou ceux du paulownia qui argumentent que ce dernier peut être invasif. Cédric répond :

« Si l’on avait des modifications du climat qui ne convenaient pas, on serait capables de remodeler le dispositif et de l’ajuster le temps que les autres se mettent à niveau. Mais, il faut songer que le Paulownia ne se développe aujourd’hui que sur les concassés SNCF et trottoirs. Il a trop besoin de lumière pour résister à quelques brins d’herbes. »

En tant qu’arbre pionnier, le paulownia a donc une durée de vie limitée et pourrait être remplacé par des arbres endémiques qui auront bénéficié de sa protection.

« A terme, l’idéal est bien sûr de planter des espèces natives. On dit que le meilleur moment pour planter un arbre était il y a 20 ans. Planter le paulownia permet de faire comme si on en avait compris la pertinence. A nous, de comprendre la pertinence de planter des graines ou de laisser la nature les planter au pied de ces arbres. »

Les prochaines étapes sont de réussir à faire une preuve de concept d’ici à l’an prochain. Passer de 20 hectares à 30 ou 40.

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Liza Tourman

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