Vous cherchez un média alternatif ? Un média engagé sur l'écologie et l'environnement ? La Relève et la Peste est un média indépendant, sans actionnaire et sans pub.

Pourquoi ne pas s’inspirer des arbres qui poussent spontanément en ville pour les plantations urbaines ?

Le 6e Rapport d’évaluation du GIEC publié le 28 février 2022 aborde les effets du changement climatique sur les villes — où vivent 4,2 milliards de personnes — et les infrastructures. Si les températures en agglomération sont de plus en plus extrêmes, ce phénomène s'accentue avec les îlots de chaleur.

Avec Boris Presseq, botaniste, nous nous sommes promenés dans la ville de Toulouse à la découverte d'arbres sauvages. Adaptés au microclimat de la capitale d'Occitanie, ces résistants devraient, d'après lui, inspirer les politiques de plantations urbaines.

Le bon sens et la science se rejoignent souvent, même si la seconde se méfie du premier, basé sur l’observation dans le temps et non sur les chiffres et mesures. Mais, en l’occurrence, c’est bien un scientifique, Boris Presseq, qui suggère qu’en terme d’adaptation au changement climatique dans les grandes villes, on prenne exemple sur les végétaux s’installant naturellement dans cet environnement minéral. En moyenne, les arbres urbains vivent 40 ans, autrement dit, l’adolescence pour la plupart des espèces. Or, ces plantations coûtent cher, notamment en eau, ressource qui se raréfie. C’est un argument qui devrait compter dans le choix d’arbres qui ne sont plus simplement d’ornement et d’agrément, mais dont la présence en ville s’avère indispensable à la biodiversité, au bien-être humain et à la qualité de l’air.

Un pin âgé d’au moins une quinzaine d’années pousse sans complexe sur un mausolée dans un cimetière de Toulouse

En outre, Boris Presseq est formel : « On ne maintiendra pas l’eau ou on ne la fera pas revenir sans les arbres. » En effet, l’ombrage au sol sur une surface par exemple de 50 m², c’est de l’évapotranspiration sur 50 m², donc une baisse de la température sous et aux alentours de l’ombre ; sur un terrain planté d’arbres, la pluie s’infiltre dans le sol et les nappes phréatiques. Avec un arbre, l’eau n’est pas « perdue », elle reste locale.

Le 6e Rapport d’évaluation du GIEC publié le 28 février 2022 aborde les effets du changement climatique sur les villes — où vivent 4,2 milliards de personnes — et les infrastructures. Si les températures en agglomération sont de plus en plus extrêmes, ce phénomène s’accentue avec les îlots de chaleur. Les grands travaux transforment des quartiers entiers des métropoles et d’anciennes friches à grand renfort de béton, pavements et asphalte, le micro climat chaud des grandes villes n’est que renforcé par le réchauffement climatique global. Créer des îlots de fraîcheur, c’est végétaliser la ville. De nombreuses municipalités en ont pris conscience et ont lancé des plans ambitieux.

Un micocoulier de Provence a germé dans une fissure du goudron d’une allée

La métropole de Toulouse a pour sa part publié une plaquette, 100 arbres adaptés au climat toulousain, dans le cadre de son « Plan arbres », l’engagement à planter 100 000 arbres entre 2020 et 2030. Pour autant, les élus pourraient tirer des leçons utiles de la nature en ville, pense le botaniste du muséum. « En observant les espèces qui poussent spontanément et qui perdurent, cela permettrait d’affiner les choix déjà engagés », explique-t-il.

Car, le plus souvent, ce sont des espèces adaptées au climat toulousain qui sont plantées par la Mairie, pourtant, nombre d’entre elles ne tiennent pas deux ans. Outre parfois des erreurs techniques au moment de la plantation, il faut garder à l’esprit que les arbres de pépinières, choyés, sont fragiles une fois transplantés dans l’environnement urbain.

Un thuya grandit sur un mur en brique. Il se porte plutÙt bien.

Dans l’idée de Boris Presseq, avant d’aménager une friche, un nouveau quartier, un équipement, il faudrait se laisser le temps d’observer la nature à cet endroit donné. Des plantes et des arbres vont pousser, certains trouveront les conditions idéales pour que leur appareil aérien et leur système racinaire se développent sans aide. Ce sont ces individus robustes qu’il faudrait garder et inclure dans le nouveau paysage. Leur longévité est plus importante, les coûts en soins réduits et l’arrosage exclusivement naturel. Une micro-forêt, en pleine forme malgré les records de chaleur, est ainsi née en ville.

Il y a 6 ans, un espace herbeux d’environ 500 m² en bord de Garonne a été planté d’une dizaine d’arbres adaptés : noisetiers, frênes, saules, orme. Depuis, des individus sont morts, d’autres se sont semés, des espèces comme l’aubépine, le troène, le peuplier, le platane se sont installées. Ce petit terrain vague où fleurissaient les ordures est devenue une mini forêt dense où se sont multipliés les oiseaux, rongeurs, insectes et amphibiens.

Un sureau a germé dans la gouttière. Ce sureau a profité opportunément du programme de la mairie « Des fleurs sur mon trottoir » et de l’accueil des habitants. Il a fructifié pour la première fois cette année.

Depuis une vingtaine d’années, on voit aussi apparaître des espèces méditerranéennes, tels le laurier rose, l’abricotier, le chêne vert, et même l’olivier. « C’est le signe que la succession d’hivers doux permet aux graines et jeunes pousses de ne pas geler. » signale Boris. Elles s’ajoutent aux espèces pionnières, qui supportent la rareté des éléments indispensables à leur croissance : l’eau, la lumière et les nutriments. Elles affrontent des conditions environnementales variables, grâce à une pousse rapide et souvent des graines de petite taille qui se dispersent facilement. Ce laisser faire est à l’opposé des techniques habituelles. Souvent, les arbres de voirie sont plantés dans un contenant, pourvu en eau en permanence par un système de tuyaux permanents.

« C’est très bien, mais si jamais, pour une raison où une autre, l’arrivée d’eau contrôlée ne se fait plus, l’arbre meurt à coup sûr parce qu’on a pas laissé le système racinaire se développer librement. », tempère le botaniste. Ces arbres sous perfusion, même d’essences locales et adaptées au climat toulousain de plus en plus chaud et sec sont fragiles.

Pour illustrer la capacité des arbres à prendre soin d’eux-mêmes, Boris nous montre un micocoulier d’environ 5 ans ayant germé contre le mur d’une maison et que les habitants du quartier ont défendu contre les services de la mairie. Il pousse à la base de la maison. Pour autant, il n’y a pas de soulèvement de la maçonnerie parce que les racines du micocoulier sont profondes.

« Il serait même intéressant d’observer si ce jeune arbre ne participe pas à l’assainissement de la maison en jouant le rôle de drain pour écouler l’eau de pluie en profondeur et non sous le bâti. », propose Boris.

A contrario, si la municipalité arrose trop la surface, au détriment du sous-sol, afin de maintenir de jolies pelouses vertes, le pivot racinaire et les racines profondes ne se développent pas et un grand arbre peut être déraciné par un vent violent. Le choix d’un certain esthétisme peut être un frein à l’existence d’êtres vivants trop souvent traités en objets ou outils de communication.

Boris montre le pied d’un platane s’étant ressemé naturellement dans une anfractuosité

Même si les arbres plantés, surtout ceux d’ornement, sont relativement grands, donc avec un système racinaire conséquent, leur microbiote n’est pas transplanté avec eux. Ce que l’on appelle plus précisément mycorhization, dont l’importance est mise en valeur par les chercheurs depuis quelques années est l’ensemble des interactions entre des champignons, des bactéries et les racines des plantes. Les champignons s’associent à des bactéries du sol pour dissoudre des minéraux et les rendre plus accessibles.

Les mycorhizes permettent donc aux racines d’aller chercher plus loin nutriments et eau, bref à croître plus vite et mieux. Cependant, elles ne préludent pas toujours à l’installation d’un végétal, notamment pionnier. Dans ce cas, c’est petit à petit que se constitue le microbiote de l’arbre. Penché au dessus d’une bouche d’égout, Boris pointe les feuilles d’un figuier.

Boris montre un abricotier sauvage. Cet abricotier est là depuis des années et porte même des fruits. Le noyau a germé dans une fissure de la pierre et du béton de la digue. Boris explique qu’avant, les digues étaient des buttes de terre recouvertes de maçonnerie. De fait, les racines de cet arbre sont allées chercher l’eau une dizaine de mètres plus bas.

« Celui-ci a plusieurs années, il est coupé régulièrement par les services d’entretien mais il croît quand même. Il est né dans le béton et les dépôts organiques dont il se nourrit sont balayés à chaque grosse pluie. Il est peu probable qu’il y ait mycorhization ici. »

Plus loin, au vu d’un splendide avocatier sauvage qui fructifie pour la première année alors que c’est un arbre tropical, Boris explique que l’interstice où il grandit accumulait les déchets organiques et que le pilier du pont d’un côté et un mur de l’autre ont dû le protéger du froid. Sur le parapet, Boris écrit à la craie le nom de l’arbre, pour attirer l’attention, l’intérêt et pourquoi pas, une forme de sympathie pour ces êtres indispensables en ville dont se dévoile peu à peu la complexité.

Contactée le 25.08, la Mairie de Toulouse n’a pas donné suite à notre demande d’interview.

Valérie Lassus

Faire un don
"Le plus souvent, les gens renoncent à leur pouvoir car ils pensent qu'il n'en ont pas"

Votre soutien compte plus que tout

Découvrez Océans, un livre puissant qui va vous émerveiller

Plongez en immersion avec les plus grands scientifiques pour tout comprendre sur l’état de nos océans. Des études encore jamais publiées vous feront prendre conscience de l’incroyable beauté de nos océans. Tout cela pour vous émerveiller et vous donner une dose d’inspiration positive.

Après une année de travail, nous avons réalisé l’un des plus beaux ouvrage tant sur le fond que sur la forme. 

Articles sur le même thème

Revenir au thème

Pour vous informer librement, faites partie de nos 80 000 abonnés.
Deux emails par semaine.

Conçu pour vous éveiller et vous donner les clés pour agir au quotidien.

Les informations recueillies sont confidentielles et conservées en toute sécurité. Désabonnez-vous rapidement.

^