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« Février sans supermarché » : reprendre le pouvoir sur notre alimentation

Dans un contexte de crise et d’incertitudes, de nombreuses personnes ont décidé de tourner le dos à la grande distribution pour s’approvisionner directement auprès de producteurs locaux et soutenir les petits commerçants. C’est cet état d’esprit que veut soutenir et stimuler cette année encore le défi Février sans supermarché.

Pour la cinquième année, le site écolo helvète En Vert et Contre Tout lance le coup d’envoi de l’opération collective « Février sans supermarché » en Suisse, en Belgique, en Suède, en Tunisie, en Espagne, au Luxembourg, au Québec et en France ! En pleine pandémie, ce défi résonne douloureusement cette année avec l’actualité, les dysfonctionnements du système agro-industriel mais aussi une paupérisation alarmante de la population, dont de nombreux individus ont été obligés de recourir à l’aide alimentaire pour la première fois. A tel point que les organisatrices du défi ont hésité à le reconduire, pour finalement le relancer après de nombreuses demandes en ce sens. Car ce défi n’est pas un simple engagement individuel à « consommer mieux », mais bien l’opportunité pour des personnes de se regrouper, s’entraider, et créer ensemble un système alimentaire qui convienne à leurs valeurs.

Les dysfonctionnements du système agro-industriel

Le printemps 2020 a commencé par un choc : le confinement de la moitié de la population mondiale, créant un élan de panique au sein des individus qui se sont précipités dans les supermarchés pour faire des stocks de provisions.

Les images des rayons vides des supermarchés ont fait craindre le pire aux dirigeants politiques français qui, au lieu d’encourager les circuits courts, ont tout misé sur la grande distribution et l’agriculture industrielle au détriment des petits paysans et de la vente en circuit court avec les marchés !

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Un choix incohérent à plusieurs titres comme les risques sanitaires encourus dans des lieux confinés par rapport à des lieux aérés, mais aussi en raison des défaillances de notre système agro-industriel mis en exergue par le coronavirus : exploitation de la main d’œuvre étrangère dans les champs français, concentration des moyens de production, dépendance aux approvisionnements extérieurs pour les échanges de biens et services nécessaires au bon fonctionnement de l’agriculture industrielle (soja américain et brésilien pour nourrir l’élevage industriel, énergies fossiles et phosphate pour les pesticides, les herbicides et les engrais chimiques), etc.

En France, près d’un fruit et légume sur deux consommés en France est aujourd’hui importé, principalement d’Espagne et du Maroc. La logistique de ce système agro-industriel est ainsi l’un des points de friction les plus tendus en période de pandémie.

Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, avait même identifié une possible rupture d’approvisionnement si les salariés dans la grande distribution et les transporteurs faisaient valoir leur droit de retrait pour se protéger du coronavirus.

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« Chaque jour, ce sont l’équivalent de 30 000 semi-remorques qui traversent la France pour collecter des denrées, approvisionner les marchés de gros ou les usines agroalimentaires, consolider les flux de marchandises, et livrer les surfaces de vente. » détaille l’association Les Greniers d’Abondance

Plus récemment, le monde entier a pu voir les images impressionnantes du résultat quand on bloque l’artère de la mondialisation pendant à peine 72h : des milliers de poids-lourds à l’arrêt sur le tarmac de l’aéroport désaffecté de Manston, dans le Kent. Notre système de production et consommation n’est ni dématérialisé, ni « vert » : il est accro au pétrole.

Lire aussi : Une sécurité sociale alimentaire pour assurer notre résilience face aux défaillances du système actuel

Manger autrement

Dans ce contexte de crise et d’incertitudes, de nombreuses personnes ont décidé de tourner le dos à la grande distribution pour s’approvisionner directement auprès de producteurs locaux et soutenir les petits commerçants. C’est cet état d’esprit que veut soutenir et stimuler cette année encore le défi Février sans supermarché.

« Le but du défi ? Encourager les commerces indépendants, redécouvrir les épiceries de quartier, soutenir les petits producteurs, favoriser la vente en vrac et le commerce local, repeupler les marchés ou encore réapprendre à n’acheter que l’essentiel. Mais c’est également l’opportunité de faire savoir aux grandes surfaces que nous ne sommes pas d’accord avec le sur-emballage, le kilomètre alimentaire qui explose les scores ou les politiques de prix qui écrasent les petits producteurs. » Leïla Rölli, fondatrice d’En Vert et Contre Tout

Initié pour la première fois en 2017 par notre partenaire « En Vert Et Contre Tout », ce défi a été inspiré par de nombreuses initiatives similaires comme celles de trois journalistes anglaises en 2007 qui ont vécu 40 jours sans supermarché, ou la journaliste Française Mathilde Golla qui a prolongé l’expérience jusqu’à 100 jours. Cette dernière a d’ailleurs accepté d’être la marraine de l’édition 2021.

Les années précédentes, si certaines personnes avaient peur que le défi pénalise les emplois dans les grandes surfaces, ce type d’action n’a en réalité qu’un faible impact sur les supermarchés qui engrangent d’énormes bénéfices chaque année.

En 2020, certains grands groupes ont d’ailleurs largement profité des aides gouvernementales au détriment de leurs salariés comme le groupe Carrefour France qui a mis 90 000 de ses 110 000 salariés au chômage partiel en novembre 2020, payés sur fonds publics, alors qu’il a versé 183 millions d’euros de dividendes à ses actionnaires comme l’explique l’économiste Maxime Combes dans Bastamag.

La plupart des caissières et caissiers, brandi.e.s en étendard comme les héros que nous ne méritons pas, n’ont d’ailleurs jamais touché la fameuse prime à 1000€ promise par certains géants de la distribution tel que le groupe Casino. Pire, de nombreux emplois ont même été remplacés par des caisses automatiques, plongeant dans la précarité de nouveaux chômeurs.

Dans son enquête « Les Coulisses de la grande distribution », Christian Jacquiau révèle que pour un emploi créé dans la grande distribution, ce sont trois à cinq qui disparaissent dans le tissu local : agriculteurs, commerçants, etc. A l’inverse, quelques clients en plus sont une véritable bouffée d’oxygène pour les petits commerces indépendants.

En 2020, près de 50 000 personnes ont relevé le défi Février sans supermarché et des épiceries locales avaient ainsi vu leur chiffre d’affaire augmenter de 10 à 25% durant le mois !

Faire de son mieux, selon ses moyens

Cette année, la charge mentale que peut représenter un changement d’habitudes s’inscrit dans un contexte social particulièrement à vif, avec de nombreux états dépressifs et une paupérisation de la population engendrées par les conséquences des confinements à répétition et la crise économique qui se profilait déjà.

« En raison du contexte, beaucoup de personnes ne s’y aventureront pas. Nous les entendons et les comprenons. Toutefois, nous restons persuadé-e-s que « Février sans supermarché » fait encore plus sens dans ces moments difficiles. Les commerces indépendants, restaurants et petites fermes ont besoin de notre soutien, plus que jamais. Pour cette raison, nous souhaitons à nouveau accompagner les participant-e-s à trouver des solutions pour relever le challenge et ainsi apporter un maximum de soutien à notre échelle. » explique Leïla Rölli, fondatrice d’En Vert et Contre Tout

Les différentes expériences des participants ont ainsi montré que cela leur coûtait finalement moins cher d’acheter chez des commerçants locaux.

Comme chaque année, le défi comprend des groupes facebook régionaux sur lesquels les membres peuvent s’entraider, solliciter et partager des conseils et astuces, recettes et bonnes adresses de sa région afin d’encourager les producteurs locaux, les commerces indépendants et susciter une réflexion sur notre mode de consommation.

« Cette année, plus que les autres, « Février sans supermarché » est avant tout un défi solidaire ! Nous ne recevons aucun financement et notre travail est bénévole. D’ailleurs nous en profitons pour remercier tou-te-s les volontaires qui animent les groupes dans la joie et la bonne humeur ! » sourit Leïla Rölli, fondatrice d’En Vert et Contre Tout

Le défi est d’ailleurs toujours à la recherche de bénévoles motivé-e-s pour les aider à gérer les groupes et étendre les zones géographiques concernées. Petit à petit, les différents groupes recensent de véritables cartographies des initiatives locales pour se passer de supermarchés.

Cette année, comme lors du premier confinement, le défi février sans supermarché peut tout simplement être l’occasion de se préparer à créer un potager (partagé ou non) pour (re)découvrir les joies et la satisfaction d’être capable de faire pousser sa propre nourriture.

En 2020, certaines initiatives ont d’ailleurs vu le jour pour soutenir les personnes plongées dans la précarité alimentaire comme ce potager collectif étudiant à Rennes, la création de jardins solidaires par les paysans et de nombreux dons directs de nourriture.

Finalement, le défi février sans supermarché est l’occasion de découvrir les producteurs de son territoire, tout en créant du lien. Cette année, peut-être plus que les autres, il est essentiel de soutenir les commerces indépendants et locaux, et encourager des pratiques agroécologiques au service d’un circuit court.

Vous trouverez la liste de tous les groupes locaux 2021 à cette adresse : https://envertetcontretout.ch/2021/01/11/fevrier-sans-supermarche-la-liste-des-groupes-regionaux-2021/

Laurie Debove

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