À l’occasion d’un concours organisé par l’Office français de la biodiversité (OFB), quatre collectivités ont été récompensées pour avoir su protéger, de façon innovante, leur eau potable en supprimant les diverses pollutions et pesticides qui sont aujourd’hui au coeur d’un important enjeu de santé publique.
Des polluants éternels omniprésents
Comme l’ont révélé un rapport de Générations Futures ou l’enquête du Monde en début d’année 2023, la contamination des eaux en France et plus largement en Europe par les perfluoroalkylés (PFAS) dits polluants éternels, est inédite et désormais systémique. Ces molécules constituées d’atomes de carbone et de fluor provenant en grande partie d’emballages alimentaires, des vêtements ou de cosmétiques, se révèlent être des perturbateurs endocriniens, quand elles ne sont pas, dans le pire des cas, déjà classées cancérogènes par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC).
À l’heure où ce scandale sanitaire se place au centre des problématiques environnementales des territoires – les PFAS étant persistants dans la nature -, et en marge des nombreux pesticides utilisés l’agriculture conventionnelle ou intensive, il fait bon de voir certains de leurs acteurs s’engager pleinement pour tenter d’inverser la tendance.
C’est donc à l’initiative du centre de ressources Captages de l’Office français de la biodiversité que quatre projets innovants et tournés vers le respect de leur environnement ont été mis en lumière, portés par des syndicats des eaux, des régies d’assainissement ou encore des communes.
C’est après un appel à candidature que les collectivités participantes ont été évaluées sur des critères bien précis par un jury composé de membres de l’OFB, mais aussi du Ministère de la Transition écologique, de l’Énergie, du Climat et de la Prévention des risques, du Ministère de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de la Forêt ou encore de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement et d’AgroParisTech.
« La condition était que les projets présentés soient terminés, afin que les collectivités puissent avoir un retour d’expérience, un recul nécessaire pour pouvoir en dégager les choses qui ont bien fonctionné ou, au contraire, les difficultés qu’elles ont rencontré », explique Guillaume Juan, chargé de mission au Centre de ressources captages de l’OFB, pour La Relève et la Peste.
Parmi les principaux critères : l’impact sur la qualité de l’eau, la participation ou non du monde agricole, les moyens humains permanents mis en œuvre, l’exemplarité, l’originalité, et, enfin, la reproductibilité et la démarche intégrée.
« Quelque chose de trop innovant ou de trop particulier à un contexte local était moins apprécié qu’un projet reproductible ailleurs. Aussi, au-delà de l’enjeu qualité de l’eau, il nous fallait voir si le projet permettait de toucher à d’autres aspects de politique publique comme l’aménagement du territoire, l’économie locale, l’alimentation, la biodiversité ou l’adaptation au changement climatique », précise de le chargé de mission à l’OFB pour La Relève et la Peste.
Des travaux où le collectif prime
En Bretagne, le Syndicat Eau des Portes de Bretagne s’est démarqué grâce à son action portée en faveur de la transition agroécologique. Dès 2019, ce dernier a œuvré sur l’aire d’alimentation de deux captages de 85 ha au total où demeurent 7 exploitations agricoles.
Ensemble, ils ont permis de réduire considérablement les teneurs de l’eau en nitrates, grâce notamment à un accompagnement agronomique de la collectivité, « impliquant des temps de travail individuels et collectifs avec les agriculteurs ». Ces nouvelles habitudes et pratiques, parfois conséquentes pour les professionnels, ont été soutenues « par la création d’un paiement pour services environnementaux ».
En 2013, du côté de Brienon-sur-Armançon et Champlost cette fois, la Régie d’équipement de gestion d’assainissement et de travaux des eaux (REGATE) a permis aux agriculteurs des aires d’alimentation des captages (AAC) d’améliorer chaque année la réduction des nitrates dans les eaux captées grâce au suivi de leurs techniques et à un dialogue permanent.
« Ces projets ont pour objectif de faire aboutir des solutions positives à la fois pour le monde agricole mais aussi pour la santé humaine, la biodiversité et les ressources en eau. Sans oublier un aspect financier, car ces solutions permettent à terme d’utiliser moins de traitements pour potabiliser l’eau, d’éviter la mise en place d’installations coûteuses de dépollution, et sont donc plus rentables. Cet ensemble apporte une plus-value au territoire », abonde Guillaume Juan pour La Relève et La Peste.
La solution des prairies
À Jurançon, depuis près de 30 ans, le Syndicat mixte d’eau potable a quant à lui permis la conversion de 80 hectares de terres agricoles en prairies de fauche ou « culture bas niveau d’intrant », ensuite confiées à des éleveurs locaux. En outre, l’utilisation des pesticides ont été interdits dans un périmètre de « protection rapprochée », et les 25 agriculteurs accompagnés dans la transition de leurs systèmes d’exploitation.
Les prairies sont aussi garantes d’une bonne qualité de l’eau à Beuvezin, en Meurthe-et-Moselle, grâce à l’acquisition par la commune de 14 hectares de terrains situés dans les périmètres de protection rapprochée des sources des Puits et de Malinvezey. Grâce à un échange à l’amiable avec les agriculteurs, la municipalité a ainsi permis de sécuriser les captages permettant d’alimenter les 100 habitants de la commune. En parallèle, un projet d’agroforesterie a été mis en marche.
« Cet exemple est significatif. Cela a pourtant été compliqué, au départ. Mais avec du dialogue et des agriculteurs précurseurs, ils ont réussi à démontrer qu’ils pouvaient être partenaires et appuyer les exploitations agricoles à la transition agroécologique », ajoute Guillaume Juan à La Relève et la Peste.
Après la remise des prix, le Centre de ressources Captages de l’OFB espère faire des lauréats de la première et de cette deuxième édition des ambassadeurs porteurs de ce message positif auprès des élus qui pourront, à leur tour, mettre en place des projets sur leurs territoires.
« Cela demande des efforts, bien sûr, notamment de la part des agriculteurs car ce sont des changements qui ne se font pas du jour au lendemain et qui peuvent être risqués également. Cela implique des démarches qui reposent beaucoup sur les relations humaines, sur les aspects de dialogue, de collaboration et de compréhension des difficultés des uns et des autres. Le but est d’essayer de trouver des leviers sur lesquels tout le monde s’y retrouve », conclut Guillaume Juan pour La Relève et la Peste.
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Source : « PFAS : la recherche au défi des polluants éternels », Le Monde, 09/12/24