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En France, les eaux de surface sont dramatiquement contaminées par les PFAS, des produits chimiques ultra-toxiques

Déjà dramatiques, ces résultats sont cependant « largement sous-estimés », indique Générations futures, pour la simple raison que d’une région à l’autre, les agences publiques n’ont pas relevé le même nombre d’échantillons, ni recherché les mêmes molécules, ni même adopté les mêmes seuils de quantification.

On les appelle polluants éternels. Ces substances longtemps passées sous les radars des organismes de santé publique, ultratoxiques et persistantes dans l’environnement ont aujourd’hui pollué « presque tout le territoire » français, alerte Générations futures dans un rapport publié le 12 janvier.

Les « perfluoroalkylés » et « polyfluoroalkylés » – plus connus sous le nom de PFAS – constituent une famille de 4 700 composés chimiques complexes. Depuis les années 1940, ils sont massivement employés par l’industrie pour leurs propriétés imperméables et ignifuges : textiles, isolants, produits ménagers, peintures, cires, mousses, pesticides, poêles, emballages alimentaires en carton ou en conserve… Dans notre quotidien, ils sont partout.

Du fait de leur persistance – la liaison carbone-fluor qui les caractérise est particulièrement solide –, les PFAS ont fini, avec le temps, par contaminer la totalité de notre environnement : on les retrouve dans les eaux, l’air, les sédiments et les sols, les organismes vivants.

Drainés cycle après cycle, ils « voyagent » dans le monde entier, s’accumulent dans des points névralgiques du globe, comme l’Arctique, puis retournent dans les eaux potables, via la pluie, ou sont avalés par le plancton et les poissons qui les transmettent au reste de la chaîne alimentaire.

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Une bombe sanitaire à retardement

L’être humain n’est pas en reste : une étude de Santé Publique France, en 2019, a montré que l’ensemble de la population française est imprégnée par les PFAS, y compris les fœtus et les nourrissons. Dans le sang et les organes des analysés, les seuils critiques sont tous dépassés.

Or les PFAS sont une bombe sanitaire à retardement. Dès les plus faibles doses, on les soupçonne de provoquer des cancers du rein et du testicule, d’élever le taux de cholestérol ou l’obésité, de bouleverser le système hépatique, de réduire les hormones et la fertilité, de retarder la puberté, ou encore de diminuer la réaction immunitaire aux vaccins.

Si le poisson, les œufs et certains objets du quotidien nous contaminent, l’eau potable reste la principale source d’exposition de l’être humain. C’est pourquoi Générations futures a voulu quantifier la présence des PFAS dans les eaux superficielles françaises – lacs, étangs, cours d’eau – et dresser le premier état des lieux complet sur la question.

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13 000 échantillons analysés

La base de données Naïades, qui centralise tous les relevés des agences publiques sur la qualité des eaux, a fourni l’essentiel des informations. En tout, Générations futures y a identifié et donc recherché 18 substances de la famille des PFAS, avec comme année de référence 2020, la plus complète et récente en la matière.

Les résultats sont éloquents : sur les 13 000 échantillons d’eau analysés, écrit l’ONG, « au moins un PFAS a été retrouvé au-delà de sa limite de quantification dans près de 4 échantillons sur 10 », soit dans 36 % des cas.

Dans 57 départements, au moins un PFAS a été quantifié dans plus de 50 % des analyses. Cette pollution peut donc être dite « généralisée sur le territoire français », bien que des disparités persistent : à Paris et dans les Hauts-de-Seine, 100 % des échantillons contenaient au moins un PFAS, tandis que dans cinq départements – Corrèze, Dordogne, Tarn, Martinique, Guadeloupe –, aucune molécule n’a été retrouvée.

Des efforts de recherche inégaux

Déjà dramatiques, ces résultats sont cependant « largement sous-estimés », indique Générations futures, pour la simple raison que d’une région à l’autre, les agences publiques n’ont pas relevé le même nombre d’échantillons, ni recherché les mêmes molécules, ni même adopté les mêmes seuils de quantification.

« L’effort de recherche, explique ainsi l’ONG, est très différent et varie de 440 échantillons […] dans la Manche à 6 échantillons analysés à Paris, avec en moyenne 145 analyses de PFAS par département sur l’année 2020. »

Les substances les plus recherchées sont le PFOS – le composé le plus persistant dans l’environnement, dont l’utilisation est restreinte depuis 2009 à l’échelle mondiale –, le PFOA, le PFHxA et le PFHS, logiquement retrouvés dans la plupart des échantillons.

Quant aux limites basses de quantification – les seuils de détection –, elles varient de 1 ng/L à 200 ng/L selon les agences publiques de santé.

Ces disparités dans les méthodes d’analyse expliquent que des départements ruraux tels que l’Indre-et-Loire, le Maine-et-Loire ou la Sarthe affichent des taux de contamination équivalents, voire supérieurs à ceux de régions industrielles comme le Rhône.

Autre preuve, s’il en est, de ce constat : le territoire dont le pourcentage de pollution aux PFAS est le plus fort se situe à l’ouest de la France ; il recoupe presque parfaitement le périmètre d’action de l’agence de l’eau Loire-Bretagne, dont les seuils de quantification sont bien plus bas qu’ailleurs.

Manque d’ambition au gouvernement

Depuis avril 2022, les agences de l’eau ont l’obligation de surveiller quatre PFAS dans les eaux de surface et une vingtaine dans les eaux souterraines. Dans son « plan d’action » publié le 17 janvier en réponse au rapport de Générations futures, le gouvernement prévoit des mesures pour améliorer la connaissance des niveaux de pollution aux PFAS et des sources de rejet.

À peine publié, ce document a cependant été jugé insuffisant par l’association, qui tacle son manque d’ambition :

« Les mesures proposées restent très floues et ne contraignent toujours pas les industriels à limiter leurs rejets de PFAS », résume François Veillerette, porte-parole de Générations futures.

Au lieu de prendre acte de la littérature scientifique sur la question, abondante et unanime, et de s’attaquer aux sources de pollution pour les tarir, seule manière d’éviter la contamination, le gouvernement se contente de hisser la surveillance nationale à un niveau inférieur à ce qu’exige déjà l’Union européenne. Les polluants éternels ont de beaux jours devant eux.

Augustin Langlade

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