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Pénurie de gaz : ils transforment excrément et déchets alimentaires en biogaz pour être autonomes

« C’est le même principe qu’une vache : tu nourris le système et il te fournit à la fois du biogaz et de l’engrais »

Depuis 10 ans, l’association Picojoule aide les particuliers à produire leur propre gaz grâce à la méthanisation maison. Le principe : aider les particuliers à fabriquer de petites unités low-tech transformant les déchets alimentaires et les excréments en énergie. En favorisant une petite échelle, l’idée est d’aider les foyers à tendre vers l’autonomie énergétique dans une démarche écologique.

Le biogaz low-tech

PicoJoule désigne une unité de mesure d’énergie dans le domaine de la physique. Depuis 2012, c’est également le nom qu’a choisi une association toulousaine promouvant les énergies renouvelables grâce à de petites installations de méthanisation. Un collectif d’ingénieurs remet au goût du jour cette énergie pour développer des biodigesteurs facilement accessibles aux particuliers grâce à la low-tech.

« Dans le contexte actuel de la raréfaction des énergies fossiles, et un gisement de matière organique jamais utilisée voire jetée dans les SITCOM, il nous paraissait important de redévelopper le biogaz domestique pour des besoins comme chauffer de l’eau ou faire sa cuisine en toute autonomie » explique Vincent CHICANNE, membre de Picojoule, pour La Relève et La Peste

En France, chaque année près de 20% de la nourriture produite finit à la poubelle. Cela représente 150 kg de nourriture par personne et par an, gaspillés tout au long de la chaîne alimentaire depuis le producteur jusqu’au consommateur. Au 1er janvier 2024, tous les foyers français vont être obligés de composter leurs nourritures, la biométhanisation pourrait être une solution.

Un biodigesteur permet de valoriser ces déchets organiques pour produire un gaz combustible (le biogaz) et un fertilisant (le digestat). La dégradation de ces déchets est réalisée par des bactéries dans un milieu privé d’oxygène : il s’agit de fermentation anaérobique. Le résultat obtenu, le biogaz, est un mélange de gaz contenant principalement du méthane.

Nourrir le système – Crédit : Picojoule

L’association Picojoule installe 20 à 30 installations par an, que ce soit chez des particuliers ou dans des refuges de parc naturel par exemple, et propose également de nombreuses formations. Pour les plus bricoleurs, tout est accessible en open source sur leur site. Concrètement, Picojoule propose deux systèmes : un système par fournée et un système continu.

« Le système par fournée est comme un gâteau, tu fais ta recette et une fois que t’as plus de gaz tu jettes ton digestat que tu peux utiliser en engrais liquide dans ton jardin. Une famille peut commencer avec des toilettes sèches à méthaniser ses excréments et déchets alimentaires qui leur fournira de l’énergie pour l’année : 1 famille de 4 personnes peut disposer en moyenne de 1h30 à 2h de gaz par jour » détaille Vincent CHICANNE, membre de Picojoule, pour La Relève et La Peste

Le fonctionnement d’un biodigesteur est optimal si la température ambiante est supérieure à 20 °C. En fabriquant plus de biogaz en été qu’en hiver, une famille peut donc faire des réserves dans des bouteilles de gaz. Coût moyen de l’installation : 800 euros, à installer une seule fois et pour un système tenant dans le temps. Ce système nécessite une charge de travail ponctuelle tous les 4 à 6 mois pour vider et remplir les fûts. 

La recette en préparation – Crédit : Picojoule

Le biodigesteur continu coûte un peu moins cher, 500 euros environ, et le chauffe-eau se conserve 15 à 20 ans. Après avoir calculé ses besoins en gaz, c’est la méthode qu’a choisie Vincent pour sa famille pour traiter ses toilettes sèches et ses déchets ménagers qu’il complète au besoin avec des déchets maraîchers et du lycée voisin.

« C’est le même principe qu’une vache : tu nourris le système et il te fournit à la fois du biogaz et de l’engrais » raconte-t-il en souriant

Vincent Chicanne lors d’un atelier de biométhanisation – Crédit : Picojoule

La recette idéale de Vincent pour faire un bon biogaz : 5kgs de digestat ou de bouse fermentée, 45kgs de toilette sèches, un peu de protéines type résidus de soja, 25L d’eau, et 25kgs de restes de repas, pour un total de 100kgs dans un fût de 120kgs.

« On met toujours à distance les productions humaines, en oubliant qu’on pollue de l’eau potable tous les jours, alors qu’on peut faire de l’énergie avec. Quand les gens ont franchi le pas et travaillé sur leurs peurs, ça se passe bien. Il faut déjà avoir un bon système de toilettes sèches en place. Quand on voit que dans les toilettes, c’est de l’eau potable et qu’on va en manquer : il faut absolument opérer une révolution intellectuelle » détaille Vincent CHICANNE, membre de Picojoule, pour La Relève et La Peste

Au-delà de l’impact environnemental positif, la biométhanisation permet également de faire des économies : passer d’un « système classique » aux toilettes sèches entraîne 30% de consommation en moins sur une facture d’eau.

Une méthanisation à petite échelle

Si la biométhanisation est courante dans les pays du Sud, où il fait plus chaud et la petite paysannerie est toujours très importante, elle a été délaissée dans la plupart des pays développés.

« La méthanisation a connu son âge d’or après la guerre des 6 jours et le choc pétrolier de 1973, jusqu’à la découverte de nouveaux gisements qui a rendu la méthanisation moins rentable. Aujourd’hui, on va bientôt passer le pic pétrolier donc on va aller vers des pétroles de plus en plus crades comme les schistes bitumeux. A la fin des années 70, on utilisait une tonne d’équivalent pétrole pour en avoir 10, maintenant on est à 1 pour 3, il va bientôt falloir aller vers 1 pour 1. En méthanisant, on reprend la main sur notre autonomie énergétique en anticipant ce choc » explique Vincent CHICANNE, membre de Picojoule, pour La Relève et La Peste

Lire aussi : Le pétrole : Le sang noir du monde moderne

Une installation domestique terminée – Crédit : Picojoule

Seulement, en France, la méthanisation se développe aujourd’hui à au niveau industriel avec des méthaniseurs XXL qui provoquent les colères et les craintes de la population pour leur impact désastreux : accaparement de terres agricoles, pollution de l’eau, de l’air et des sols, ballets quotidiens de camions, risques d’accidents et menace sanitaire, intensification de l’élevage…

Lire aussi : Méthaniseur XXL : la mobilisation se renforce contre les dangers de la méthanisation industrielle

L’un des freins à la biométhanisation domestique est cependant la taille nécessaire des installations. Ainsi, le maraîcher Pierre Routurier, des Jardins de L’aulouste, a vu trop petit pour ses besoins avec 2 bidons de 125L et produit seulement une bouteille de gaz par semaine. L’association Picojoule continue donc d’expérimenter des installations collectives qui répondraient à des besoins territoriaux spécifiques.

Prochain défi de l’association : trouver le système de biométhanisation idéal pour un immeuble en ville.

Laurie Debove

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