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Annonce d’une cellule « anti-ZAD » : Darmanin déclare la guerre aux écologistes

Alors que dans son interview Gérald Darmanin reproche à « l’extrême gauche » de vouloir « tuer du flic », c’est l’inverse qu’on observe sur le terrain. A tel point que la France est le pays d'Europe qui compte le plus de morts en manifestations.

Elle se fait de plus en plus lancinante, la répression des mouvements sociaux et luttes écologistes en France. D’utilisations d’armes de guerre en mensonges d’État, le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin a repris des termes propres à l’extrême-droite pour justifier, entre autres, la création d’une cellule anti-ZAD.

Ce dimanche, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin vient de défrayer la chronique en annonçant vouloir créer une « cellule anti-ZAD » dans le JDD dès le 1er septembre prochain. Cette annonce fait suite aux événements de Sainte-Soline, où plus de 20 000 personnes s’étaient réunies pour protester contre l’accaparement de l’eau par l’agroindustrie avec les méga-bassines.

« Les hommes politiques ont manqué de fermeté face à l’extrême gauche. Par complaisance intellectuelle ou par lâcheté. Mais c’est fini : plus aucune ZAD [zone à défendre – ndlr] ne s’installera dans notre pays. Ni à Sainte-Soline ni ailleurs » car « l’autorité réclamée par les Français est là »,  a déclaré Gérald Darmanin

A travers la création de cette cellule anti-ZAD, le gouvernement veut placer 42 sites sont sous surveillance, avec une vigilance particulière pour quatre d’entre eux : les méga-bassines du Marais poitevin, Cigéo, le projet d’un site d’enfouissement de déchets nucléaires à Bure, dans le Grand Est, le Quartier des Lentillères à Dijon qui lutte pour protéger des terres maraîchères menacées de bétonisation à Dijon, et le projet de liaison autoroutière entre Toulouse et Castres, où une grande mobilisation doit avoir lieu ces 22 et 23 avril.

Or, à Sainte-Soline, aucune Zone A Défendre (occupation de terre pour la protéger contre un projet d’infrastructure) n’est envisagée par les organisateurs depuis le début des mobilisations.

Cette « menace » a été brandie par Gérald Darmanin avant la manifestation pour justifier d’un déploiement militaire hors-norme et des nombreux blessés faits par les forces de l’ordre ce jour-là. L’un deux, serge D., est toujours plongé dans le coma, a priori après avoir été touché à la tête par une grenade lacrymogène, oscillant entre la vie et la mort.

Lire aussi : Les militaires devaient « empêcher l’accès à la bassine, quel qu’en soit le coût humain »

Une première cellule de ce type avait été mise en place par le gouvernement contre les vegans en 2019 pour empêcher les intrusions dans les élevages et les abattoirs des lanceurs d’alertes, avant d’être annulée par la justice en 2022 qui considérait que la surveillance « idéologique » de la cellule de gendarmerie Demeter allait à l’encontre du principe de liberté d’expression.

La création de cette cellule anti-vegan faisait suite à la publication d’un rapport gouvernemental qui assimilait les anarchistes et les vegans à des terroristes en puissance. Après les vegans, c’est donc au tour des écologistes dans leur ensemble d’être dans le viseur du gouvernement français.

Alors que dans son interview Gérald Darmanin reproche à « l’extrême gauche » de vouloir « tuer du flic », c’est l’inverse qu’on observe sur le terrain. Depuis 2015, trois personnes ont été tuées par des opérations de « maintien de l’ordre » : Rémi Fraisse, à la ZAD de Sivens, Steve Maia Caniço, tombé et noyé dans la Loire à Nantes, et Zineb Redouane, tuée par un tir de grenade lacrymogène dans son appartement à Marseille. A tel point que la France est le pays d’Europe qui compte le plus de morts en manifestations.

Dans la même veine, une « cellule Bure » avait également été crée dans la Meuse contre les les opposant·es au projet d’enfouissement de déchets nucléaires Cigéo. Cette cellule a permis la surveillance de masse de tout un mouvement écologiste (personnes placées sur écoute, plus d’un millier de discussions retranscrites, plus de 85 000 conversations et messages interceptés ainsi que l’ont montré des enquêtes de Mediapart et Reporterre sur ce sujet). Pendant plusieurs années, certains militants ont même été privé·es du droit de se réunir, de se parler et ont subi des interdictions de séjour. Une répression musclée qui s’est conclue par une défaite judiciaire pour l’Etat et la relaxe de militants.

Cette surveillance de masse rappelle les moyens déployés en Loire-Atlantique (caméras cachées, survols d’hélicoptères, etc.), contre les militants opposés au projet d’agrandissement du Grand Port de Saint Nazaire pour protéger 115ha de zones humides et notamment Yoann et son père que nous avons interrogé dans « Générations », ou plus récemment contre Julien Le Guet, porte-parole du collectif « Bassines Non Merci ».

La violence de l’État se retrouve aussi dans la rue, alors que les nombreuses manifestations spontanées contre la réforme des retraites ont été ponctuées de garde-à-vue arbitraires et illégales, tandis qu’un homme a été violemment interpellé sans raison apparente dans un bar LGBTQIA + du Marais mardi soir.

Lire aussi : Violences policières : les défenseurs des droits humains dénoncent un virage autoritaire

Dans les tribunaux, la bataille continue contre chaque tentative du gouvernement français de priver les citoyens de leurs droits. Et le tribunal administratif de Paris a suspendu, ce samedi, l’arrêté du préfet de police en date du 31 mars 2023 qui interdisait les rassemblements et manifestations nocturnes. La justice a statué que cet arrêté « porte une atteinte manifestement illégale à la liberté de manifester » avec des mesures d’interdictions ne paraissant « ni nécessaire, ni proportionnée à la préservation de l’ordre public »

Que ce soit les défenseurs des droits humains, le Conseil de l’Europe, le rapporteur de l’ONU ou la presse internationale, la France est actuellement scrutée avec inquiétude pour le virage autoritaire de son gouvernement, traduit par une peur de manifester désormais bien présente chez de nombreux concitoyens inquiets pour leur sécurité face aux forces de l’ordre. Des accusations complètement éludées par Gérald Darmanin lors de son entretien au JDD.

Signal assez fort d’une propagande gouvernementale déjà bien en place, Gérald Darmanin a également menti plusieurs fois sur ce qu’il s’est réellement passé à Sainte-Soline, en niant les tirs de LBD depuis les quads et l’usage d’armes de guerre contres les manifestants. Une situation dangereuse pour la bonne santé de la démocratie du pays, et rappelle l’importance des médias indépendants alors que certains grands médias ne se donnent jamais la peine de vérifier les dires du Ministère de l’Intérieur.

« Comment appelle-t-on un régime qui criminalise ses opposant.e.s politiques, les fait passer pour des terroristes, dissout les organisations de la société civile et réprime les manifestations ? » interroge ainsi l’eurodéputée Marie Toussaint

Les nouveaux propos du ministre de l’Intérieur dans le JDD semblent de surcroît annoncer une répression contre, bientôt ?, la gauche dans son ensemble, en accusant certains partis politiques, NUPES en tête, de « terrorisme intellectuel », un concept issu de l’extrême-droite et porté par Jean-Marie Le Pen, Eric Zemmour ou Marine Le Pen.

Après avoir déjà annoncé la dissolution des Soulèvements de la Terre, le mouvement ayant organisé les manifestations contre les méga-bassines de Sainte-Soline, Gérald Darmanin a également annoncé vouloir interdire le groupe spécialisé en conseil et accompagnement antirépression « Defco », une structure connue pour aider les citoyens à faire appliquer leurs droits.

Si certaines personnes raillent un effet d’annonce qui ne doit pas être pris au sérieux, les propos de Gérald Darmanin sont en réalité très graves et antidémocratiques. Françaises, français, soyons vigilants.

Lire aussi : Tribune : « La seule dissolution dont il doit être sérieusement question aujourd’hui est celle de ce gouvernement ! »

 Crédit photo couv : THIBAUD MORITZ / AFP

Laurie Debove

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