L’Agence Régionale de Santé d’Ile-de-France lance l’alerte : elle recommande aux franciliens possédant des poules domestiques de ne plus manger leurs œufs. Une récente étude vient de révéler une contamination généralisée aux dioxines sur le territoire, avec des teneurs jusqu’à 50 fois supérieures aux seuils règlementaires à certains endroits.
Tout a commencé avec l’alerte lancée par le collectif 3R (pour « réduire », « réutiliser », « recycler ») en février 2022 suite à une étude réalisée par la fondation ToxicoWatch. Cette dernière avait découvert des concentrations de dioxines dans des œufs non-commercialisés issus de poules élevées dans des poulaillers urbains domestiques près de l’incinérateur d’ordures ménagères d’Ivry.
L’Agence Régionale de Santé Ile-de-France a depuis analysé les teneurs en polluants organiques persistants au sein de 25 poulaillers domestiques volontaires, dont 14 situés à proximité des trois principaux incinérateurs de déchets autour de Paris (Ivry-sur-Seine, Issy-Les-Moulineaux, Saint-Ouen) et 11 qui en sont éloignés.
Les premiers résultats viennent d’être publiés et ils sont pour le moins préoccupants : ils révèlent une contamination de l’ensemble des prélèvements de sols et d’œufs par les trois familles de polluants organiques persistants analysées (dioxines, furanes et PCB).
Par précaution et afin d’éviter toute contamination des familles, l’Agence préconise donc aux familles « de façon conservatoire et prudentielle » de ne plus manger les œufs ou les animaux issus d’élevage domestique sur l’ensemble de la région francilienne.
Communiqué de presse📰
Polluants organiques persistants : l’ARS Île-de-France recommande à titre conservatoire de ne pas consommer les œufs des poulaillers domestiques en Île-de-France
👉https://t.co/hYwscLhlP5 pic.twitter.com/PshRN8Voj8— ARS Île-de-France (@ARS_IDF) April 19, 2023
En effet, « la consommation régulière d’aliments contaminés par des dioxines et des PCB entraîne une imprégnation progressive de l’organisme qui peut avoir des effets sur la santé à long terme » précisent les autorités sanitaires.
Cette contamination peut provoquer une « augmentation » des risques de cancer, des « troubles de la fertilité et de la grossesse », ainsi que du diabète et « des effets perturbateurs endocriniens ».
Surtout, « il n’existe aucun traitement pour éliminer ces substances de l’organisme », avertit l’ARS
Les polluants organiques persistants (POP) comprennent différentes familles de composés dont les dioxines (PCDD) et les furanes (PCDF) qui sont généralement issus de la combustion des déchets et de certains procédés industriels ; mais aussi des polychlorobiphényles (PCB), aujourd’hui interdits en France, qui étaient utilisés pour leurs propriétés physico-chimiques (lubrifiant, isolant).
Si pour l’heure, l’origine de ces contaminations n’est pas encore précisément établie, cette étude met une fois de plus en avant la difficulté majeure à retrouver un environnement sain une fois qu’il a subi une pollution. Et ce alors que la France tergiverse à légiférer autour des PFAS, les polluants éternels.
Dans ce cas précis, « cela signifie que ces trois familles de polluants organiques persistants sont potentiellement présentes dans tout l’environnement urbain, et non pas spécifiquement aux abords des incinérateurs ».
Deux poulaillers dépassent notamment de 40 à 50 fois « les seuils réglementaires européens pour les œufs commercialisés » alors qu’ils sont situés à plus de 3 km d’un incinérateur. Reste donc à savoir comment cette pollution a eu lieu, les sols étant une piste probable étant donné le lourd passé industriel de la France et leur pollution généralisée.
A l’inverse et heureusement, plusieurs poulaillers présentent des contaminations faibles, ce qui peut « probablement s’expliquer par des pratiques d’élevage évitant une contamination des poules dans leur environnement ». Leurs propriétaires ont donc été sollicités par l’ARS pour recueillir leurs bonnes pratiques d’élevage.
Le collectif 3R s’était concentré sur les œufs « car ils sont très sensibles aux dioxines et aux PCB » et souhaiterait désormais que les pouvoirs publics s’attaquent aux sources de ces pollutions. Ces dernières devraient être présentées dans le rapport complet de l’étude à la fin du premier semestre 2023.