Un enjeu de santé publique

A l’origine de l’étude, le psychologue-psychothérapeute Pierre-Eric Sutter a été surpris lorsqu’un nombre de plus en plus important de patients venus consulter se déclaraient « éco-anxieux ». Intrigué par ce terme qu’il ne connaissait pas, il a mené des recherches et créé un outil de mesure pour connaître l’ampleur du phénomène, en s’appuyant sur les précédents travaux de chercheurs néo-zélandais.

« On a appliqué ce thermomètre sur un échantillon de la population française de 3 500 personnes. Résultat : 5% de la population est hyper eco-anxieuse ! Ce n’est pas un truc d’ « écolo bobo désoeuvré » mais vraiment un problème de santé publique, et personne en France n’a l’air de prendre la mesure de cet enjeu » explique Pierre-Eric Sutter pour La Relève et La Peste

Selon les résultats de l’étude publiée par l’OBSECA, 75% des répondants sont “éco-conscients”, dont 20% “éco-inquiets” et 5% sont très fortement éco-anxieux au point que leur santé mentale est menacée.

Un chiffre qui corrobore ce que Pierre-Eric Sutter constate dans sa patientèle, dont certaines personnes vont jusqu’à éprouver des troubles psychiatriques. C’est pourquoi il a lancé la Maison des Eco-Anxieux qui propose un diagnostic gratuit pour faire une préconisation thérapeutique à celles et ceux qui en ressentent le besoin.

Wolfgang Cramer, scientifique et auteur du GIEC

« C’est très dur d’avoir le sentiment d’être écouté mais pas entendu. De faire face à des forces politiques qui visiblement favorisent d’autres objectifs que le bien-être des populations […] Plusieurs émotions qui vont ensemble […] très vite aussi y a une angoisse ! Il y a une réaction qu’on fait peut-être face à des problèmes qui vont mettre en souffrance beaucoup de populations […] et qu’il faut absolument agir avant qu’il ne soit trop tard pour éviter le pire de ces changements » explique Wolfgang Cramer, auteur du GIEC et l’une des personnalités publiques participant à la campagne du mouvement On Est Prêt

Pierre-Eric Sutter s’est également allié à cette action de sensibilisation, qui s’adresse aux 75% de Français éco-conscients afin de leur donner des leviers pour regarder le problème en face et passer à l’action.

Agir contre la dégradation de l’environnement

Ce 15 mai, On est Prêt a lancé sa campagne en ligne, d’une durée de trois semaines, pour inviter sa communauté et celles de ses partenaires à « prendre soin de soi en prenant soin du monde ». Leurs outils : un test pour mesurer son éco-anxiété et la newsletter « Tu flippes ? » qui leur donnera, du 22 mai au 4 juin, un parcours d’accompagnement à raison d’un mail et une action par influenceur, chaque jour.

Le spectre des actions est très large et personnalisé à chaque personne selon les thématiques proposées. Il comprend aussi bien des méditations, des parcours audio pour découvrir la forêt, des actions comme changer de banquer, bifurquer ou transformer son entreprise, choisir des études en lien avec l’environnement, apprendre à cultiver la terre avec les Colibris, participer à un protocole de sciences participatives avec Vigie Nature, ou se connecter avec d’autres personnes éco-conscientes de son territoire.

« C’est l’écoanxiété qui m’a poussée à créer On Est Prêt. Les émotions, quand elles ne sont pas suffisamment bien prises en compte, peuvent bloquer le passage à l’action massif et collectif dont on a besoin. Face à une menace aussi réelle que le dérèglement climatique, on peut vite basculer dans le déni, la dépression ou la sidération et c’est vraiment ces réactions-là qu’on cherche à dénouer. Il s’agit pour chacun de trouver une action juste : au maximum de ses possibilités sans se cramer à terme, dans la joie » précise Magali Payen, fondatrice d’On Est Prêt, pour La Relève et La Peste

Parmi les personnalités qui soutiennent la campagne, Cynthia Kå a éprouvé dans sa chair les conséquences de la pollution de nos sociétés. A 30 ans, elle a été diagnostiquée d’un cancer du sein hormono-dépendant, c’est à dire principalement lié à l’environnement et notamment les perturbateurs endocriniens qu’elle a banni de son quotidien. Sur les réseaux, elle sensibilise sa communauté sur leurs effets en promouvant une vie moins toxique.

Cynthia Kå

« Avoir un cancer si jeune, c’est vraiment un rappel à l’ordre face à sa propre finitude et une prise de conscience aigue de son environnement. J’ai décidé de participer à cette campagne essentielle car elle reflète bien le sentiment général de la société aujourd’hui. Je le fais beaucoup pour les générations futures qui n’ont rien demandé et vivent les conséquences de ce dérèglement climatique. A l’échelle individuelle, il faut prendre chaque chose en son temps et être doux avec soi-même pour impulser les changements nécessaires » explique Cynthia Kå pour La Relève et La Peste

Pour Cynthia comme toutes les personnes atteintes par un cancer, l’accompagnement thérapeutique pour revenir à une vie apaisée est une pierre angulaire du parcours de soin et du retour à l’après-cancer.

« On peut être pessimiste aujourd’hui mais avoir de l’espérance sur ce qu’il va se passer à l’avenir. Une fois qu’on a accepté que la Terre va mal et que certaines choses sont inéluctables, on peut éviter le diagnostic d’évoluer trop rapidement. Plus vite on accepte son cancer, plus vite on peut se battre pour le soigner, plus vite on sort des émotions négatives et plus vite on peut se mobiliser vers une action efficace qui évite de nous nuire car on est souvent notre pire ennemi. Quand l’éco-anxiété devient trop intense et trop chronique, les eco-anxieux peuvent basculer vers des maladies psychopathologiques comme la dépression » précise Pierre-Eric Sutter pour La Relève et La Peste

Les réponses faites au test par les participants à la campagne permettront ainsi d’alimenter une étude quantitative représentative pour connaître les éco-anxieux en France (CSP, sexe, etc.) parallèlement à une étude qualitative pour comprendre plus finement les rouages de l’éco-anxiété et les meilleures actions pour y faire face. Les résultaient devraient être publiés début 2024.