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A l’Alpe d’Huez, des funérailles organisées pour le glacier de Sarenne qui vient de mourir

Comme pour le glacier islandais Okjökull et le suisse Pizol en 2019, ces funérailles veulent alerter la population de l’effondrement de notre environnement, et des effets du dérèglement climatique.

Les glaces que l’on croyait éternelles sont en train de disparaître sur l’échelle de nos vies humaines. Ces dernières années, les funérailles pour les glaciers, morts à cause du dérèglement climatique, deviennent monnaie courante. Pour la première fois, une cérémonie a été organisée en France en l’hommage du glacier de Sarenne, aujourd’hui définitivement disparu.

« Un glacier qui disparait, c’est une partie de notre humanité qui disparaît. »

C’est un crève-cœur pour les glaciologues et passionnés de montagne réunis ce jour-là. Le 3 septembre 2023, des chercheurs de l’International Glaciological Society (IGS), des membres de Mountain Wilderness France et des citoyens se sont réunis pour rendre un dernier hommage au glacier de Sarenne, à l’Alpe d’Huez, le premier glacier français à avoir été skié en 1969, aujourd’hui disparu.

« L’arrêt du ski d’été (dans les années 1990, ndlr) a été une première alerte », explique pour LeParisien le glaciologue François Valla (81 ans). « Je voyais bien qu’il allait mourir tôt ou tard. Par contre, je ne pensais pas voir ça de mon vivant. C’est allé beaucoup plus vite que prévu. »

Le chercheur François Valla avait un lien spécial au glacier, lui qui a dédié trente ans de sa vie à le mesurer. Étudié depuis 74 ans, le glacier de Sarenne était le plus vieux du genre à faire l’objet d’une observation continue.

« Des glaciers qui disparaissent, il y en a déjà eu, mais celui-ci a un caractère particulier qui en fait un glacier symbolique, car c’est en même temps une série de mesures très importantes qui disparaissent avec lui » précise Philippe Schoeneich, professeur de géographie physique à l’Université Grenoble Alpes, au micro de FranceBleu

Au début du siècle dernier, le glacier de Sarenne remplissait le vallon jusqu’à la crête et faisait une centaine de mètres d’épaisseur. Dans les années 80, il avait encore une épaisseur de plusieurs dizaines de mètres, jusqu’à 80 par endroits. Mais localisé à seulement 3.000 mètres d’altitude, avec une exposition plein sud, sa fonte s’est dramatiquement accélérée ces dernières décennies.

En moins de 100 ans, sa glace a fondu de 100 mètres. Le suivi de la réduction de sa surface est un exemple préoccupant de l’emballement du dérèglement climatique :

– 1908 : 124 hectares
– 1952 : 85 hectares
– 2003 : 41 hectares
– 2009 : 12 hectares
– 2014 : 9 hectares
– 2023 : 0 hectare, fin de l’existence du glacier et des observations.

L’observatoire Glacioclim l’a déclassé définitivement le 16/10/2023.

Comme pour le glacier islandais Okjökull et le suisse Pizol en 2019, ces funérailles veulent alerter la population de l’effondrement de notre environnement, et des effets du dérèglement climatique. Sur la plaque commémorative déposée en Islande est en effet écrit :

« Tous nos glaciers devraient connaître le même sort au cours des deux cents prochaines années. Ce monument atteste que nous savons ce qui se passe et ce qui doit être fait. Vous seuls savez si nous l’avons fait. »

François Valla et Philippe Schoeneich montrent le glacier de Sarenne avant et maintenant lors de ses funérailles.

Une étude de l’IGS démontre ainsi que 90% des glaciers dans les Alpes sont amenés à disparaitre, d’ici à 2100. Face à ce constat effroyable, les acteurs de la montagne se déchirent entre ceux qui veulent anticiper et tout faire pour préserver les écosystèmes, et ceux qui s’obstinent à investir dans des canons à neiges et des infrastructures éphémères en espérant retarder l’inéluctable.

Alors que la cérémonie funèbre devait avoir lieu au Pic Blanc, la mise à disposition gratuite des remontées mécaniques a finalement été annulée par la station de ski qui s’inquiétait de la mauvaise publicité que cela pourrait lui causer.

« L’annulation de dernière minute de l’évènement par les élus d’Huez et la SATA, nous inquiète. Chercher à nier la disparition du glacier de Sarenne, qui a été un lieu emblématique des Alpes D’Huez, est grave. Surtout quand le travail collectif pour de nouvelles manières de vivre en montagne devient vital face au péril climatique » a dénoncé Fiona Mille, présidente de Mountain Wilderness France

Prospectus de publicité en 1969 pour skier sur le Glacier de Sarenne

Les glaciers sont les châteaux d’eau des Alpes. Avec leur effondrement, c’est tout un écosystème qui meurt.

La perte des glaciers, banquises, montagnes, rivières, océans, et de toutes les espèces vivantes qui y habitent est ressentie de plus en plus profondément par les humains pour une raison simple : on ne prend conscience de ce(ux) à quoi nous sommes attachés qu’au moment où on le(s) perd.

L’effondrement du vivant et des écosystèmes nous rappelle ce que décrit la philosophe Emilie Hache dans son livre« Ce à quoi nous tenons » : « Les humains-tout-seuls n’existent pas. Les menaces qui pèsent aujourd’hui sur les non-humains touchent directement – ou indirectement – les humains. »

Les funérailles d’un glacier, comme l’un de nos proches, est le marqueur d’un nouveau rapport à notre environnement : l’eau, l’air, la forêt ne doivent plus être considérées comme des ressources, « au sens de simples moyens au service de nos propres fins », mais bien comme des entités morales qui ont des droits et dont nous devons prendre soin.

Avec la mort des glaciers, les humains se retrouvent face à leur responsabilité de respecter et protéger les non-humains qui ne peuvent pas se défendre face à leurs activités prédatrices.

Sources : « On parlait de glaces éternelles… » dans les Alpes, ils ont organisé les funérailles d’un glacier, LeParisien, 03/09/2023 / « En Oisans, les funérailles du glacier de Sarenne, déjà mort et sur le point de disparaître », FranceBleu, 03/09/2023

Laurie Debove

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