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Manger bio : « seule échappatoire face à un empoisonnement de masse »

« On a trouvé de l'arsenic, du plomb, du chrome, du cadmium », détaille le scientifique. « Tout ce qu'il y a dans le pétrole fossile se retrouve dans nos pesticides. »

Depuis des décennies, les autorités sanitaires françaises et européennes évaluent la toxicité du glyphosate, mais font mine d’ignorer totalement les 60% d'autres substances qui composent les herbicides commerciaux. Une omission aux conséquences dramatiques pour notre santé. Rencontre avec Gilles-Éric Séralini, biologiste français, professeur de biologie moléculaire à l'université de Caen.

Le glyphosate, l’ingrédient le plus connu d’un cocktail toxique

Quand un agriculteur épand du Roundup ou n’importe quel autre pesticide de la même classe, tout le monde parle du glyphosate, le principe actif déclaré par le fabricant du plus vendu des herbicides au monde. Erreur. Ce fameux “ingrédient dit ou déclaré faussement actif (soi-disant actif)” ne représente que 40% du produit.

Le reste ? Un cocktail de dérivés pétroliers, de métaux lourds et de microplastiques soigneusement dissimulé par les industriels sous l’appellation trompeuse d’« adjuvants inertes ». Ce sont leurs effets combinés qui étaient au cœur de l’étude du chercheur devenu le cauchemar de Monsanto : Gilles-Eric Séralini.

En 2012, le biologiste moléculaire publiait une étude au retentissement international, concluant à la toxicité du Roundup et du maïs OGM NK603 de Monsanto : des rats nourris avec avaient développé des tumeurs énormes. A l’époque, il fut l’objet d’une campagne de dénigrement hors-norme, son étude a soulevé de violentes polémiques, et fut même retirée de la revue Food and Chemical Toxicology. Les “Monsanto Papers” ont révélé comment cette campagne de dénigrement avait été orchestrée par la multinationale. Son étude a depuis été de nouveau publiée.

Des déchets de raffinerie dans les champs

Récemment, une étude réalisée par l’Institut Ramazzini en 2024 révèle une réalité glaçante et confirme largement les résultats obtenus en 2012 par Gilles-Éric Séralini. Les herbicides contiennent environ 3% de déchets de raffineries pétrolières.

« Ces résidus, c’est ce qui reste quand on fabrique le kérosène, l’essence ou le gazole », explique le chercheur qui a étudié la composition de 24 pesticides parmi les plus utilisés au monde. « Les industriels ne les jettent pas, ils les revendent pour faire des détergents, des cosmétiques… et des pesticides. » 

C’est ce que l’industrie appelle la valorisation des sous-produits. Parmi ces déchets toxiques : des hydrocarbures aromatiques polycycliques, ces mêmes substances cancérogènes qu’on surveille dans la pollution de l’air autour du périphérique parisien. Sauf qu’ici, personne ne les surveille. Pire : personne ne les déclare.

De l’arsenic interdit… mais présent

Plus troublant encore : la présence d’arsenic dans les herbicides actuels. Pourtant, ce poison violent a été interdit comme pesticide dans les années 1970… au moment même où le glyphosate était autorisé.

« On a trouvé de l’arsenic, du plomb, du chrome, du cadmium », détaille le scientifique. « Tout ce qu’il y a dans le pétrole fossile se retrouve dans nos pesticides. »

Ces métaux lourds ne sont pas là par hasard. Ils décuplent l’efficacité du glyphosate et rendent les herbicides 1000 à 100 000 fois plus toxiques/efficaces que le principe actif seul. « Une synergie mortelle parfaitement connue des fabricants, mais soigneusement occultée », précise le scientifique.

 

Une fraude organisée depuis l’après-guerre

Comment en est-on arrivés là ? L’histoire remonte à 1945. Les multinationales de l’armement, enrichies par la guerre, cherchent de nouveaux débouchés pour leurs armes chimiques. Les gaz utilisés dans les camps de concentration deviennent des insecticides. Les explosifs se transforment en engrais.

À ce moment de l’histoire, les États sont exsangues et n’ont pas les moyens de payer de lourdes études. Par ailleurs, ils ont besoin de produire beaucoup de nourriture et de relancer leurs économies. On va favoriser une alimentation trop carnée qui aujourd’hui nous déséquilibre parce qu’alors on manquait de viande.

« Depuis les années 1950, ce sont les multinationales qui déclarent elles-mêmes leurs produits toxiques ou non, dénonce Gilles-Éric Seralini. Elles font leurs propres tests, avec leurs propres protocoles, sur leurs propres molécules. Et elles gardent les recettes et les résultats secrets au nom du secret industriel. » 

Tests truqués, agences complices

L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) vient de renouveler l’autorisation du glyphosate pour dix ans. Sur quoi se base-t-elle ? Sur des tests réalisés avec du glyphosate pur et non sur les herbicides réellement vendus aux agriculteurs et répandus sur nos sols agricoles.

« C’est comme si on testait l’innocuité de l’alcool pur pour autoriser la vente de cocktails empoisonnés, s’insurge le chercheur. Les agences le savent parfaitement. La Cour de justice européenne leur a même ordonné par deux fois de tester les produits commerciaux. Elles refusent. »

Gilles-Eric Séralini

Dans votre assiette : pain, vin et OGM contaminés

Cette contamination généralisée se retrouve directement dans nos aliments. Le blé est aspergé de Roundup juste avant la récolte pour le faire sécher plus vite. Résultat : pain, pâtes et biscuits regorgent de résidus toxiques. Le vin aussi est massivement contaminé.

« La vigne est l’une des cultures les plus traitées », précise l’expert pour La Relève et La Peste. « On retrouve plus de Roundup dans une bouteille de vin non bio que dans l’eau du robinet dont la qualité est déjà très discutable. »

Les cultures OGM, génétiquement modifiées pour absorber les herbicides sans mourir, concentrent ces poisons à des niveaux record. « Ces plantes sont littéralement des éponges à pesticides », résume le scientifique.

Des cancers en série, des preuves étouffées

Les conséquences sanitaires sont dramatiques. Cancers du sein, de la prostate, leucémies, maladies neurodégénératives : les pathologies liées aux pesticides explosent. Le mécanisme ? Ces substances bloquent la communication entre nos cellules. C’est un peu comme si des parasites perturbaient sans cesse nos communications téléphoniques.

« Nos cellules ne peuvent plus se parler », explique le chercheur. « On a des interférences permanentes dans notre corps. Au bout d’un moment, tout se dérègle : le système hormonal, le système nerveux, les défenses immunitaires. »

Dès 0,1 microgramme par litre – la dose autorisée dans l’eau du robinet – les herbicides provoquent des tumeurs. Mais il aura fallu attendre 13 ans et des citations quotidiennes de Gilles-Éric Seralini pour que l’étude de Ramazzini vienne confirmer les résultats grâce à l’étude publiée en 2025 sur plus de 1000 rats. Après la campagne de dénigrement qui avait accueilli son étude en 2012, Gilles-Éric Séralini constate avec satisfaction qu’on ne peut plus désormais nier l’évidence.Un système verrouillé par l’argent.

Pourquoi rien ne change face à l’évidence ? « Les multinationales (pétrole, produits pharmaceutiques et agroalimentaire) représentent 60% du PIB mondial », révèle Gilles-Éric Seralini, qui a conseillé 18 ministres. « Elles financent les partis politiques qui les protègent et les subventionnent en retour. Emmanuel Macron le sait parfaitement, mais il est incapable d’arrêter le système. »

Même les États-Unis, où Monsanto a perdu 10 milliards de dollars dans des procès pour cancer, n’ont pas interdit le Roundup.  « La justice a reconnu que ça donnait le cancer, mais les lobbies sont plus forts », constate amèrement le scientifique.

Une économie de l’empoisonnement

Le plus révoltant ? Cette économie de l’empoisonnement nous coûte une fortune. Un pain plein de résidus chimiques est moins cher qu’un pain bio à l’achat, mais infiniment plus coûteux pour la société : cancers, maladies chroniques, effondrement de la biodiversité se répercutent sur les finances publiques.

« On ne compte jamais le vrai prix », s’indigne le chercheur. « Le coût des soins médicaux, des écosystèmes détruits, de la biodiversité anéantie. Si on comptait tout, l’agriculture bio serait bien moins chère que l’agriculture empoisonnée. »

La solution : transparence et révolution agricole

La solution existe pourtant. « Il suffirait d’exiger que les industriels déclarent vraiment ce qu’il y a dans leurs produits et qu’on les teste tels qu’ils sont vendus », plaide le scientifique. « Du jour au lendemain, on serait obligés d’interdire ces poisons et de développer l’agroécologie. »

En attendant cette révolution réglementaire, une seule protection : consommer bio. « Dans les produits bio, on ne trouve cette contamination que dans 0,1% des cas », rassure l’expert. « C’est notre seule échappatoire face au plus grand empoisonnement de masse de l’histoire. »

Gilles-Éric Séralini a étudié la composition des pesticides pendant plus de vingt ans et publié ses résultats dans des revues internationales. Les documents internes de Monsanto, Monsanto Papers, rendus publics lors des procès américains, confirment les stratégies de dissimulation dénoncées.

Références :

> « Tous cobayes” : ce documentaire réalisé par Jean-Paul Jaud est construit à partir de l’essai sur les effets sanitaires des principaux produits chimiques et OGM, écrit par Gilles-Éric Seralini.

“L’affaire Roundup à la lumière des Monsanto Papers” Gilles-Éric Seralini avec Jérôme Douzelet, chez Actes Sud.

Toutes les études sont sur www.seralini.fr

Isabelle Vauconsant

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