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8200 personnes ont défilé et érigé un mur contre l’A69 Castres-Toulouse

Le cortège arrive ensuite sur la route nationale. Certains tronçons de cette route financée par les fonds publics doivent être intégrés au tracé de l’autoroute. Soit une privatisation d’une infrastructure publique au profit de concessionnaires. Le projet prévoit d’ailleurs de rendre inaccessible la route déjà existante, obligeant les usagers à payer 17€ pour un aller-retour Castres-Toulouse. 

Les travaux de l’A69 ont commencé. Malgré la détermination des opposants qui se sont relayés jour et nuit pour grimper aux arbres, les platanes centenaires ont été abattus. Reliant Castres à Toulouse, cette autoroute doit provoquer l’artificialisation de 400 hectares de terres agricoles, de zones humides et de forêts. Voilà pourquoi ce samedi 22 avril, plus de 8000 personnes se sont rendues dans ce joli coin de campagne situé à une heure de route de Toulouse. Toutes ont répondu à l’appel des collectifs La Voie est Libre, les Soulèvements de la Terre, Extinction Rebellion Toulouse et la Confédération Paysanne. 

Une foule hétéroclite

La députée Sandrine Rousseau a également fait le déplacement, ainsi que l’économiste Geneviève Azam, co-signataire de la tribune A69, l’emblème d’une fuite en avant : 

 « Malgré la catastrophe environnementale amorcée, les décideurs de la planète s’entêtent à accélérer la réalisation de Grands Projets Nuisibles, Inutiles et Imposés. Parmi ces projets, les autoroutes, qui sous un prétexte de gain de temps, accroissent de fait la consommation de distance et l’artificialisation des meilleures terres agricoles ».

Cette journée s’inscrit dans la lignée de la mobilisation contre les méga-bassines, l’autoroute constituant pour ces collectifs un autre « symbole-phare des grands projets inutiles et imposés contre lesquels des milliers de personnes s’érigent aujourd’hui ».

Dès l’arrivée sur le campement, le rassemblement frappe par son ampleur et sa diversité. Des étudiants, des retraités, des enfants, des manifestants aguerris et d’autres qui s’engagent pour la première fois.

Le seul choix d’agir

« Je ne suis pas une militante », commence Stéphanie, 45 ans. « J’ai toujours eu l’impression d’être engagée au niveau individuel ou dans mon boulot dans le médico-social. Mais je crois que ça ne suffit plus pour moi aujourd’hui. J’ai beau me renseigner, lire, essayer de conceptualiser ce qui se passe, je pense que c’est une présence des corps qui est nécessaire. Je ne peux pas rester spectatrice ». 

Ses paroles semblent résonner en écho avec celles de Léna Lazare, 24 ans, figure emblématique des Soulèvements de la Terre :

« Nous faisons face à des infrastructures écocidaires qui ne nous laissent plus d’autre choix que d’agir ».

Geneviève Azam prend la parole – Crédit : Soulèvements de la Terre

Un projet absurde

Sous les chapiteaux, familles et amis se rassemblent autour de fromages et de pains de campagne. Les prises de parole se succèdent, réaffirmant une opposition à « un projet absurde et destructeur ».

Elles soulignent aussi qu’il ne s’agit pas seulement de s’opposer à la route elle-même, celle-ci n’étant que le premier jalon de l’industrialisation d’un territoire

Malgré l’ambiance festive, de nombreuses personnes portent des lunettes pour se protéger des gaz lacrymogènes. Le souvenir des violences de Sainte-Soline semble omniprésent. La foule se rassemble pour une marche de 12km sur le tracé prévu de l’autoroute. Quelques drapeaux bretons flottent au milieu des pancartes, attestant que certaines personnes sont venues de l’autre bout de la France.

Une cause juste

En ce qui concerne les habitants du territoire, le rejet est massif. Cet hiver, une consultation citoyenne sur le projet d’autoroute a obtenu 90 % d’avis défavorables sur un total de près de 6 000 voix. Plusieurs experts du GIEC, de nombreuses organisations indépendantes, des élus locaux ainsi que 160 agricultrices et agriculteurs du territoire se sont également positionnés contre.

« Aujourd’hui ça n’a pas de sens de faire une autoroute avec un impact écologique aussi fort », témoigne Bertrand, 39 ans, habitant de la région.

« Je n’ai pas vraiment l’habitude de venir dans ce genre de mobilisation. Mais là, vu ce qui se passe en ce moment, je pense que c’est important de se mobiliser. Quand je vois la répression policière qu’il y a dans les manifs, le fait qu’on ait un gouvernement qui dirige sans écouter les gens…

Et radicaliser les écologistes, je trouve ça aberrant. Je ne me considère pas comme écolo. Je ne suis pas syndiqué, j’appartiens à aucun parti politique…et pourtant je suis là aujourd’hui. C’est ce qui m’a poussé à me mobiliser : le fait de voir notre gouvernement essayer de décrédibiliser des mouvements alors que la cause est juste ». 

Faune menacée et privatisation

Le convoi se met en branle. Bientôt, une longue file s’étire à travers la forêt, avant de longer un étang au bord duquel niche une multitude d’oiseaux. L’autoroute doit passer tout près, alors que lieu est classé réserve naturelle.

Les randonneurs peuvent apercevoir plusieurs dizaines de couples d’espèces protégées dont des hérons garde-boeufs, des aigrettes garzettes, hérons cendrés. De nombreuses autres espèces protégées habitent les lieux, dont le petit murin, la chevêche d’Athéna, le triton marbré ou le grand capricorne.

Le cortège arrive ensuite sur la route nationale. Certains tronçons de cette route financée par les fonds publics doivent être intégrés au tracé de l’autoroute. Soit une privatisation d’une infrastructure publique au profit de concessionnaires. Le projet prévoit d’ailleurs de rendre inaccessible la route déjà existante, obligeant les usagers à payer 17€ pour un aller-retour Castres-Toulouse.

Ceux qui profitent

« Je ne pensais pas qu’il y aurait autant de monde », confie Martin, 9 ans. « C’est la première fois que je manifeste. Je ne veux pas que l’autoroute soit construite parce ça détruit la nature, ça pollue ».

« Et ça sert un peu à rien parce qu’il y a une route juste à côté », remarque sa petite sœur Adèle, âgée de « 6 ans presque 7 ». 

Porté par des multinationales du BTP comme NGE et Vinci, l’autoroute est soutenue par l’État, la présidente de Région Carole Delga et le département du Tarn. Elle profite largement au géant pharmaceutique Pierre Fabre, implanté à Castres. En passant devant les locaux de de cette entreprise, les manifestants remarquent immédiatement les policiers perchés sur les toits, surveillant de loin le cortège.

« Que des policiers, payés par nos impôts, protègent une entreprise privée plutôt que les citoyens, moi ça me choque », confie Stéphanie. 

Un mur et des bolides

Une longue chaîne humaine se met en place pour ériger un mur de parpaings sur les voies de circulation. Peu après, une pluie de peau de bananes s’abat sur le goudron, juste avant que ne soit lancée la course de bolides. Une vingtaine de véhicules hétéroclites dévalent la pente sous les acclamations de la foule.

Puis la foule se remet en marche pour un retour vers le campement, sans que n’ait lieu d’affrontement avec la police.

« On se rend compte que finalement, s’il n’y a pas de policiers, il n’y a pas de violence », note Bertrand. « Ce qui s’est passé aujourd’hui, c’est que plusieurs mouvements, plusieurs manières de penser ont réussi à se rassembler pour aller dans la bonne direction », complète-t-il. 

Une dynamique de luttes

« Je crois aux impacts à long terme. Et là, on est en train de créer quelque chose qui, je pense, laissera une trace sur le long terme. Il faut que les pouvoirs publics comprennent qu’ils ne peuvent pas faire ce qu’ils veulent », analyse de son côté Stéphanie. 

Un recours en annulation de l’autorisation environnementale doit être prochainement déposé, avec un référé suspension contre l’autorisation environnementale. La résistance à l’A69 s’inscrit dans une dynamique plus large de luttes contre des projets routiers jugés anachroniques et en contradiction avec les impératifs environnementaux.

À ce sujet, la coalition nationale « La déroute des routes » se bat pour un moratoire sur 70 projets routiers prévus en France. Une prochaine mobilisation se tiendra à Rouen les 6, 7 et 8 mai contre le projet routier de “Grand Contournement Est”. 

Pour aller plus loin : Une coalition française lutte contre 55 projets routiers coûtant 13 milliards d’euros d’argent public

Marine Wolf

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