Alors que la COP28 se déroule avec la priorité de la sortie des énergies fossiles, le 6 décembre 2023, Les Amis de la Terre ont publié un rapport pour alerter sur la fabrication et l'utilisation d’engrais de synthèse, qui renforcent la dépendance de notre système agricole et alimentaire aux énergies fossiles.
Les engrais azotés : une industrie chère et polluante
Le dernier rapport des Amis de la Terre lance l’alerte : la quasi-totalité des engrais industriels sont encore aujourd’hui fabriqués à partir d’énergies fossiles. Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, 30 % de la consommation mondiale d’énergie alimente ainsi notre système agricole et alimentaire.
En France, les engrais les plus utilisés sont les engrais azotés, qui sont fabriqués à partir de gaz fossile et de charbon. 2 millions de tonnes d’azote sont répandus chaque année sur notre territoire. Leur fabrication à partir d’énergie fossile est très polluante, mais leur épandage émet également du protoxyde d’azote dans l’atmosphère, un gaz 265 fois plus réchauffant que le CO2.
Dans notre pays, les engrais représentent ainsi près d’¼ des émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole. Leur impact sur le climat et la biodiversité est massif.
En 2020-21, la pandémie de covid et les restrictions sur les exportations depuis la Chine ont fait flamber le prix des engrais. En 2022, l’invasion russe en Ukraine a fait exploser le marché des énergies fossiles à la hausse. Le prix des engrais a alors atteint son niveau le plus haut depuis 1997.
La hausse des prix des engrais azotés est donc l’un des facteurs clés dans l’inflation des produits alimentaires.
Les coûts des engrais, supportés par les pays importateurs, ont été multipliés par 3 en 2 ans. Pendant ce temps, les neuf plus grands producteurs d’engrais ont réalisé des bénéfices records entre 2021 et 2022, à hauteur d’environ 84 millions de dollars, soit quatre fois plus qu’en 2020.
Une seule solution : la sortie de l’agriculture intensive
Les industriels des engrais engrangent ainsi des superprofits, pendant que les agriculteurs, les consommateurs et les finances publiques pâtissent de ces fluctuations.
Sarah Champagne, chargée de campagne Agriculture aux Amis de La Terre, alerte : « Face à ce système à bout de souffle qui nous appauvrit collectivement et qui nous place dans une situation d’insécurité alimentaire, les multinationales tentent de verrouiller le système car il leur assure des profits croissants.
Pour cela, elles ont forgé le mythe des engrais décarbonés, censés réduire l’impact climatique des engrais. Mais c’est une vaste supercherie. Captation et stockage de carbone, compensation, hydrogène : il n’y a que des fausses solutions derrière les engrais décarbonés. Il y a urgence à ne pas tomber dans ce piège.»
Pour une sécurité et une justice alimentaire, un choix est à faire : entre le maintien de notre dépendance aux engrais, à la merci des aléas mondiaux et sous le contrôle de quelques multinationales, ou le développement de modes de production plus sobres, résistants et autonomes.
Il est primordial de se défaire efficacement des engrais azotés tout en garantissant la sécurité alimentaire : en sortant de l’agriculture intensive et de l’élevage industriel.
Les agriculteurs doivent être aidés financièrement dans cette sortie en réformant la Politique Agricole Commune. Les engrais azotés de synthèse doivent être remplacés par des légumineuses, qui assurent un apport direct d’azote aux plantes, et qui permet de piéger le carbone dans les sols.
Source : « Énergies fossiles dans nos assiettes : les Amis de la Terre dévoilent la face cachée des engrais », Les Amis de la Terre France, 06/12/23
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