C’est une victoire majeure pour les lanceurs d’alerte et protecteurs de la cause animale. Face au ministère de l’Intérieur et à la FNSEA, le tribunal administratif de Paris a donné raison à L214 et réclame la fin du pouvoir de surveillance « idéologique » de la cellule de gendarmerie Demeter, créée en 2019, en respect du principe de liberté d’expression. Le ministère de l’Intérieur dispose de deux mois pour dissoudre la cellule Demeter, sous peine de payer 10 000€ d’astreinte par jour à compter de ce délai.
Mardi 18 janvier 2022, deux recours ont été examinés par le tribunal administratif de Paris. Le premier, porté par les associations L214, Pollinis et Générations futures, visait la convention de partenariat établie entre le ministère de l’Intérieur, la gendarmerie, la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs. Il a été rejeté pour irrecevabilité.
La belle surprise est donc venue du second recours, porté par L214, qui demandait l’annulation de la décision du ministre de l’Intérieur refusant de dissoudre la cellule Demeter. Créée en décembre 2019 sous prétexte de lutter contre « l’agribashing », cette cellule voulait empêcher les intrusions dans les élevages et les abattoirs des lanceurs d’alertes.
Lors de l’audience, la rapporteure publique a rappelé plusieurs cas d’intimidation de militants écologistes ou animalistes par la gendarmerie. Convoqués par la gendarmerie pour avoir donné une interview, interrogés lors d’une réunion associative, appelés à répétition, de nombreux activistes étaient dissuadés de s’exprimer publiquement. Un déploiement de moyens démesuré aussi observé par L214 : auditions à répétition, accès aux relevés téléphoniques, bornage de téléphone…
Selon la rapporteure, les missions de la cellule Demeter, détaillées dans le dossier de presse du ministère de l’Intérieur, constituaient donc une entrave grave au principe de la liberté d’expression puisqu’elles ne visent pas seulement la prévention d’actes illégaux mais également la surveillance et la dissuasion de toute critique formulée à l’encontre de notre modèle agricole.
« Même le représentant du ministère de l’Intérieur avait été forcé de reconnaître une « maladresse évidente » dans la rédaction des missions, sans remettre en question la collaboration arbitraire de cette cellule de gendarmerie avec les deux principaux syndicats du modèle agro-industriel : la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs. » explique L214 dans un communiqué
Face aux conclusions de la rapporteure, le Tribunal administratif de Paris a rendu sa décision aujourd’hui en donnant gain de cause à L214. Les juges demandent au ministre de l’Intérieur de faire cesser les activités surveillance idéologique de la cellule de gendarmerie dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 10 000 € par jour à expiration du délai.
Les juges ont considéré que les missions de la cellule Demeter, telles que « la prévention […] des actions de nature idéologique », y compris les « simples actions symboliques », trahissent le principe de liberté d’expression.
« Cette décision de justice est un véritable soulagement ! L214 n’avait pas arrêté ces missions, mais la cellule Demeter représentait une véritable pression pour les petites associations et dissuadait les lanceurs d’alerte de faire lumière sur des actes de cruauté envers les animaux. La justice a reconnu que l’existence de cette cellule de gendarmerie est incompatible avec la liberté d’expression. Il est autorisé dans ce pays de critiquer le modèle agricole dominant, et les petits arrangements entre la FNSEA et le gouvernement sont reconnus comme étant illégaux. » s’est réjouit Brigitte Gothière, cofondatrice de L214, auprès de La Relève et La Peste
Les associations, fortes de cette victoire, demandent maintenant aux candidats à l’élection présidentielle de s’engager à protéger davantage les lanceurs d’alerte, « car leur parole est essentielle pour notre démocratie ».
Après une énorme mobilisation citoyenne, ce mardi 1er février, députés et sénateurs ont trouvé un accord qui rétablit l’essentiel des avancées adoptées en novembre par l’Assemblée Nationale sur la proposition de loi sur la protection des lanceurs d’alerte. « Un signal fort donné en faveur de la vigilance citoyenne » pour la Maison des Lanceurs d’Alerte.
« Nous leur demandons de ne plus laisser les syndicats productivistes dicter notre politique agricole et alimentaire, et ce qu’on a le droit de dire ou de ne pas dire. Nous leur demandons de défendre un modèle agricole et alimentaire qui tienne enfin compte des urgences éthiques, climatiques, sanitaires et sociales. » concluent les associations