A l’heure où il devient de plus en plus difficile de se retrouver pour faire société, les écologistes d’Alternatiba et le syndicat de parents des quartiers populaires Front de Mères unissent leurs forces pour ouvrir « Verdragon, maison de l’écologie populaire ». Situé à Bagnolet, ce lieu inédit a l’ambition d’être l’avant-garde de l’écologie populaire en France à travers un fort ancrage politique et citoyen à destination des enfants et des familles.

Justice sociale et environnementale

Alors que les milieux militants s’organisent de plus en plus pour donner toutes ses lettres de noblesses à la notion de justice environnementale et sociale, un tout nouveau lieu pourrait bien incarner cette promesse. Il s’agit de « Verdragon, maison de l’Ecologie Populaire » situé à la lisière des 26 hectares du parc des Guilands, entre Montreuil et Bagnolet (Seine-Saint-Denis).

Cet ancien local du centre socio-culturel Guy Toffoletti, grand de de 963 m², accueille de nouveaux locataires : Alternatiba, mouvement citoyen pour le climat et la justice sociale, et le Front de Mères, syndicat de parents qui milite depuis 2016 pour l’auto-organisation des quartiers populaires.

Leur alliance s’est nouée petit à petit, à travers divers rassemblements communs dont de nombreuses conférences à La Base, lieu emblématique d’Alterniba Paris, et des manifestations dont la Marche pour Adama de Juillet 2020 qui a été l’un des moments historiques.

« Pour que notre avenir ne reste pas dans les mains des puissants, pour reconquérir nos territoires, notre avenir, nos vies, nous bâtissons un point de ralliement, un espace de partage, un espoir. » expliquent les collectifs

Ancrée dans les territoires et à l’écoute des besoins de ses habitants, l’écologie populaire est une écologie sociale qui croit à l’auto-organisation de la population pour répondre à l’urgence climatique et sociale.

« Avec le lancement de ce lieu, nous affirmons plus que jamais que le changement climatique nous impose non seulement l’urgence d’agir mais aussi la nécessité de bâtir un mouvement populaire capable de relever ce défi majeur pour l’humanité. L’alliance que nous portons, Alternatiba et Front de mères, incarne la volonté d’un mouvement basé sur une écologie qui inclut l’ensemble de la population, une écologie populaire. » affirme Gabriel Mazzolini, porte-parole d’Alternatiba Paris.

Le local de 1000m² va accueillir des projets d’éducation populaire, projections, débats, ateliers, bibliothèque… Une AMAP (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne) a même été créée pour le lieu, en partenariat avec une maraîchère, afin d’ouvrir le manger sain et local aux quartiers populaires.

La nourriture sera ainsi une thématique cruciale au cœur de ce lieu d’écologie populaire, la façon dont nous organisons nos systèmes agricoles et alimentaires étant l’un des enjeux principaux pour faire face aux défis climatiques et sociaux actuels.

Préparer l’avenir avec la jeunesse

C’est d’ailleurs en luttant pour obtenir l’accès à des repas végétariens dans les cantines de Bagnolet en 2017 que syndicat Front de Mères s’est fait connaître du grand public. Accusées de communautarisme, les mères de Bagnolet ont dû multiplier les démarches pour convaincre, face à des partis politiques peu enclins à leur laisser la parole dans l’espace public.

« Nous avons beaucoup lutté, et remporté des victoires importantes, afin de faire admettre nos revendications comme légitimes. Nous voulons en finir avec la croyance selon laquelle les quartiers populaires ne s’intéressent pas à l’écologie. » explique Fatima Ouassak, cofondatrice de Front de Mères et auteure de « La Puissance des Mères » pour La Relève et La Peste

L’exclusion de nombreuses salles municipales de leur association a d’ailleurs été l’un des moyens les plus utilisés pour tenter d’étouffer les voix de ces mères désireuses de faire appliquer les droits de leurs enfants.

« C’était toujours insidieux, jamais assumé dans la politique locale de Bagnolet. Quelle que soit la couleur du parti politique, le résultat était le même : nous étions entravées dans nos actions dès lors que nous essayions de nous mobiliser politiquement. » raconte Fatima Ouassak pour La Relève et La Peste

Un livre et l’implication des jeunes des quartiers pour obtenir la réparation des ascenseurs de la cité plus tard, l’ouverture de Verdragon est donc une victoire tout à fait particulière pour ce collectif mis au ban si longtemps de la vie politique locale.

C’est d’ailleurs en référence à l’imaginaire manga et la série à succès Games of Thrones, métaphore de la bataille contre le changement climatique, que le nom a été choisi, afin de donner toute leur place aux jeunes génération des quartiers populaires qui y trouveront de véritables ateliers « et pas seulement un coin crayons et papiers », ironise Fatima Ouassak.

« C’est une phrase un peu bateau mais les enfants d’aujourd’hui sont les adultes de demain. Face aux enjeux actuels, nous ne pouvons pas cantonner nos enfants à une vie numérique, cloisonnés derrière leurs écrans. Par ce lieu, nous souhaitons ancrer l’outil de libération qu’est l’écologie dans la classe populaire, et dans les territoires de résistance que sont les quartiers populaires de la Seine-Saint-Denis. Ici, l’écologie sera pensée et menée du point de vue des habitant.es des quartiers populaires, en mettant les enfants au cœur de ce projet afin qu’ils aient un avenir plus respirable. » explique-t-elle pour La Relève et La Peste

La lutte contre la pollution de l’air sera d’ailleurs l’un des grands axes de travail de Verdragon, qui se se veut à la fois lieu de transmission et de partage de savoir écologique, mais aussi un lieu d’auto-organisation. 

A l’occasion de la fête des mères, une première rencontre a été organisée avec de nombreuses figures des combats féministes et anti-racistes comme Assa Traoré, Kaoutar Harchi, et les grévistes d’Ibis Batignolles qui ont réussi à faire plier le deuxième plus grand Ibis de France.

Les bénévoles de Verdragon s’affairent maintenant pour tenir l’espace complètement prêt pour l’inauguration : décloisonner, décorer, aménager de nouveaux espaces. En plus de nombreuses activités, une table-ronde autour de la lutte de Plogoff, symbole de la victoire populaire contre les risques industriels, sera proposée.

Pour permettre le fonctionnement de ce lieu unique, un financement participatif a été lancé afin d’aider les collectifs à payer le loyer, les travaux et les aménagements du bâtiment. 80% de leur objectif a été atteint, il ne leur reste plus que cinq jours pour atteindre les 100%.

L’inauguration de ce lieu, prévue le dimanche 13 juin, est le point d’orgue de la solidarité qui s’est créée depuis quelques années entre les militants écologistes et les mères combattant pour le droit de leurs enfants à une vie digne.