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Pollution de l’air : le mandat de la dernière chance pour les maires de France

L’exposition à des sources de pollution pendant une longue durée est celle qui aura les conséquences les plus graves pour la santé : maladies neurodégénératives, AVC et problèmes cardiaques, complications pulmonaires pouvant aller jusqu’au cancer, trouble de la fertilité, etc.

Souvent invisible, mais bien trop présente, la pollution de l’air est un enjeu majeur de santé publique qui n’est pas considéré à la hauteur de sa gravité. Pourtant, la pollution de l’air cause plus de 50 000 morts chaque année en France. Le Réseau Action Climat, UNICEF France et Greenpeace France publient donc les « cartes de transport » des maires (ré)élus en 2020 afin d’évaluer les ambitions des nouveaux édiles pour réduire la pollution de l’air liée au trafic routier. Car ce mandat est crucial : la décade 2020 – 2030 est celle de tous les défis pour éviter un changement climatique cataclysmique, et la pollution de l’air est directement liée aux émissions de gaz à effet de serre.

Les promesses de 12 grandes villes

En décembre 2019, les trois associations publiaient leur premier classement sur la lutte contre la pollution de l’air liée au trafic routier dans les douze plus grandes agglomérations françaises : Paris, Grenoble, Strasbourg, Lyon, Nantes, Bordeaux, Lille, Rennes, Toulouse, Montpellier, Nice, Marseille.

Le constat était implacable : aucune de ces grandes agglomérations françaises n’allait assez loin pour protéger efficacement ses habitant-es de la pollution de l’air.

Un an plus tard, un nouveau rapport vient donner un aperçu des grandes orientations promises lors de leur campagne électorale par les maires (ré)élus et de l’amorce engagée pour les mettre en œuvre depuis juillet. Ces « cartes de transport » (voir à la fin de l’article) attribuées à chaque ville feront l’objet d’un suivi de la part des associations.

Leurs engagements sont examinés autour de sept enjeux clés : mise en place de zones à faibles émissions (ZFE) et sortie progressive du diesel puis de l’essence, politique pour réduire la place de la voiture, aides financières pour changer de mode de déplacement, développement du vélo et des transports en commun, mesures spécifiques pour protéger la santé des enfants et enfin, pérennisation des aménagements provisoires mis en place dans le contexte de la crise sanitaire.

« On travaille beaucoup sur la pollution de l’air car c’est un enjeu de santé publique considérable : elle cause plus plus de 50 000 décès en France chaque année, mais a aussi un coût économique très fort qu’on estime à 1000€ par an et par habitant ! C’est malheureux d’en arriver à ce genre de choses pour être entendus sur un problème de santé publique : ça coûterait beaucoup moins cher de faire de la prévention. Aujourd’hui, c’est un problème qui n’est toujours pas considéré à la hauteur de l’enjeu. Si globalement il y a des choses positives, notamment le développement des alternatives, c’est encore très insuffisamment pris en compte par les élus. Nous avons un vrai travail de sensibilisation et solutions à mettre en place pour réduire la pollution atmosphérique. » explique Valentin Desfontaines, Responsable Mobilités durables du Réseau Action Climat, pour La Relève et La Peste

Pour ce début de mandat, l’étude note ainsi un engouement (presque) généralisé à travers une multiplication des engagements en faveur du développement du vélo et un objectif d’amélioration des transports en commun.

Sortir du tout-bagnole : un défi de justice sociale

Un chiffre qui résume bien l’enjeu de cette étude : 50% des déplacements en ville font moins de 3km, et sont quand même principalement effectués en voiture. Il s’agit donc de diminuer l’usage de la voiture individuelle au profit des transports en commun et du vélo qui a connu un regain d’intérêt avec la crise du coronavirus.

Selon le rapport : Paris, Strasbourg, Nantes, Bordeaux et Montpellier souhaitent ainsi investir plus de 25€ par habitant et par an en faveur du vélo (une somme calculée en fonction des villes européennes en avance dans le domaine).

Lille, Rennes, Lyon ou Grenoble sont aussi dans une « dynamique positive » mais n’ont pas encore précisé les montants qui seront alloués pour le faire. Les retardataires en la matière sont Marseille, Toulouse et Nice avec des moyens encore insuffisants. 

« Il y a eu une explosion de la pratique du vélo avec le confinement, nous allons donc également vérifier si les aménagements provisoires seront pérennisés ou pas. » annonce Valentin Desfontaines, Responsable Mobilités durables du Réseau Action Climat, pour La Relève et La Peste

Pour sortir les villes du tout-bagnole, les associations préconisent également le développement de RER métropolitain, et d’un service de train inter-cités très cadencé pour proposer une alternative dans toute l’agglomération et participer à la création d’emplois pérennes.

« Nous avons une vraie inquiétude car, avec la crise économique et sanitaire, le discours politique opposer de plus en plus l’urgence économique à l’urgence écologique. Alors qu’on peut justement créer des emplois ! Et pour que cette transformation soit socialement juste, il faut mettre en place des aides financières pour accompagner le changement, en plus du développement des alternatives. » détaille Valentin Desfontaines, Responsable Mobilités durables du Réseau Action Climat, pour La Relève et La Peste

Un enjeu majeur de santé publique

S’il est aussi difficile d’appréhender vraiment l’enjeu sanitaire que représente la pollution de l’air, il s’agit pourtant d’un mandat crucial pour agir. En octobre 2018, le GIEC alertait ainsi le monde entier que la société humaine avait 12 ans pour réduire l’ensemble de ses émissions de gaz à effet de serre, afin de ne pas atteindre un réchauffement climatique à +2°C.

2020 – 2030 est donc une décade décisive, au-delà de la qualité de l’air !

En France, si la qualité de l’air se serait, selon le gouvernement, globalement améliorée sur la période 2000-2019, ce n’est toujours pas suffisant selon le Conseil d’Etat qui a condamné l’Etat Français à 10 millions d’euros par semestre de retard pour faire baisser les concentrations de polluants dangereux pour la santé en dessous des valeurs réglementaires.

La pollution de l’air est la plupart du temps invisible, sauf lors de pics de pollution, mais n’en reste pas moins concrète. En France, Santé Publique France estime que la pollution par les particules fines (PM2,5, de taille inférieure à 2,5 micromètres) émises par les activités humaines est à l’origine chaque année, en France continentale, d’au moins 48 000 décès prématurés par an, ce qui correspond à 9 % de la mortalité en France.

En termes d’impact économique, la Commission d’enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l’air du Sénat estime que le coût total de la pollution de l’air (extérieur et intérieur) s’établit entre 68 et 97 milliards d’euros par an pour la France, dont une très large part est liée aux impacts sanitaires.

Les effets indésirables peuvent être ressentis immédiatement, lors de pics de pollution, ou à plus long terme. L’exposition à des sources de pollution pendant une longue durée est celle qui aura les conséquences les plus graves pour la santé : maladies neurodégénératives, AVC et problèmes cardiaques, complications pulmonaires pouvant aller jusqu’au cancer, trouble de la fertilité, etc.

Les enfants sont particulièrement touchés par cette pollution. En France, trois enfants sur quatre respirent un air pollué. Ayant un organisme moins mature, les enfants sont plus vulnérables et cumulent souvent les maladies chroniques qui présentent des pathologies sévères avec asthme, eczéma, allergies alimentaires liées à la pollution de l’air.

Unicef France appelle donc à la mise en œuvre d’une mesure simple et essentielle : les rues scolaires, qui consistent « en la réduction de la circulation automobile aux abords de l’école de façon temporaire, en fermant la rue aux voitures aux heures d’entrée et de sortie. »

Selon un sondage réalisé par l’association et Harris Interactive, 87% des parents sont favorables à la mise en place d’une rue scolaire autour de l’établissement scolaire de leur enfant.

« On a été vraiment surpris par un résultat si favorable ! Cela s’explique aussi par le fait que, dans les grandes villes, on a des parents qui ont des écoles très proches de leur foyer et peuvent s’y rendre à pied. Un moment qu’ils ont envie de passer tranquillement pour en retirer tous les bénéfices : santé, sécurité et bien-être. On va utiliser ces résultats pour montrer aux maires que l’acceptabilité sociale est déjà là et qu’il faut prendre des mesures ambitieuses dans les zones scolaires. » analyse Jodie Soret, chargée de la campagne pollution de l’air à UNICEF, pour La Relève et La Peste

Alors que les enfants passent des dizaines d’heure par semaine à l’école, UNICEF France tient à rappeler qu’il est primordial que les écoles soient des lieux sains et sécurisés à tous les points de vue.

Dans son rapport de novembre 2020, l’Agence européenne pour l’environnement (AEE) fait également des liens entre la pandémie de COVID-19 et la qualité de l’air selon lesquels l’exposition à long terme aux polluants atmosphériques provoque des maladies cardiovasculaires et respiratoires, qui ont toutes deux été identifiées comme des facteurs de risque pouvant entraîner le décès chez les patients atteints de COVID-19.

« Toutefois, le lien de causalité entre la pollution atmosphérique et la gravité des infections à la COVID-19 n’est pas clair et des recherches épidémiologiques supplémentaires sont nécessaires. » a prudemment précisé l’AEE

Cette même étude, utilisant une méthode de calcul différente, précise d’ailleurs qu’il y aurait 64 456 morts causées par la pollution de l’air en France en 2018, un chiffre nettement supérieur à celui avancé par Santé Publique France en 2016. L’indice Atmo va évoluer en début d’année 2021 pour avoir des seuils plus précis.

« Les villes disposeront donc d’un meilleur outil de visibilité de la pollution de l’air et verront la gravité du problème de façon plus tangible. Certaines villes comme Lyon vont passer de 6 jours à 60 jours de mauvaise qualité d’air ! » prévoit Valentin Desfontaines, Responsable Mobilités durables du Réseau Action Climat, pour La Relève et La Peste

Au regard des enjeux économiques, sanitaires et climatiques, ce mandat communal 2020 – 2026 est donc crucial et décisif pour le climat et la qualité de l’air. Une manifestation supplémentaire de l’interdépendance entre santé individuelle et santé environnementale.

Laurie Debove

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