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Règles : un tabou qui coûte beaucoup trop cher aux femmes

#FreePeriods a été lancé en Décembre 2017 par Amika George, une jeune londonienne de 17 ans. Ce mouvement a fait la lumière sur une réalité pourtant évidente : les femmes et jeunes filles en situation précaire n’ont pas accès aux protections périodiques. Chaque mois, les règles sont un calvaire pour elles. Protection périodique, un produit de […]

#FreePeriods a été lancé en Décembre 2017 par Amika George, une jeune londonienne de 17 ans. Ce mouvement a fait la lumière sur une réalité pourtant évidente : les femmes et jeunes filles en situation précaire n’ont pas accès aux protections périodiques. Chaque mois, les règles sont un calvaire pour elles.

Protection périodique, un produit de première nécessité qui coûte cher

Au Royaume-Uni, une fille sur 10 n’a pas les moyens d’acheter des protections périodiques. Amika George, 17 ans, a décidé d’en faire son combat. Elle a été choquée de lire dans un article de la BBC que certaines filles rataient l’école ou devaient utiliser des chaussettes ou des vieux tee-shirts en guise de protection périodique. Elle a donc lancé #FreePeriods afin d’alerter les pouvoirs publics sur la situation. En France, une pétition similaire avait été lancée en juillet par le collectif Simonæ pour demander l’installation de distributeurs de serviettes et tampons gratuits dans les lycées franciliens, au même titre que les distributeurs de préservatifs.

« Je pense que si les hommes avaient leurs règles, il n’y aurait pas de taxes sur les tampons et ce ne serait pas un problème. » Amika George

Les protections périodiques jetables coûtent en moyenne 18 euros par mois à une femme, selon une étude réalisée en 2015, soit environ 8 000 euros sur toute une vie ! Un budget pharaonique pour les femmes les plus pauvres. En France, en décembre 2015, un premier pas important avait été franchi. La TVA appliquée aux protections périodiques était passée de 20% à 5,5% grâce à la mobilisation du collectif Georgette Sand. Pourtant, cela ne semble pas avoir eu d’impact concret sur le prix des protections. Tara Heuzé dénonce :

« Cette initiative importante est devenue un gros cadeau pour les fabricants qui n’ont pas répercuté cette baisse de la TVA sur leurs prix ».

En France, les associations manquent de tampons et serviettes pour les distribuer aux plus démunies

Tara Heuzé est la Présidente et fondatrice de l’association Règles élémentaires. Cette association vient en aide aux femmes sans-abris en récoltant des protections périodiques pour les redistribuer via des associations partenaires comme le Samu, la Croix-Rouge, les Restos du Cœur, Médecins du monde. Règles élémentaires agit sur trois axes : la sensibilisation, les boîtes à dons, et des ateliers d’information et de formation. Depuis sa création en 2015, l’association a ainsi collecté plus de 150.000 protections périodiques et aidé plus de 15 000 femmes.

Cette idée, Tara l’a eue à Cambridge lors de ses études. Elle avait alors été sollicitée pour participer à une collecte de ce type.

« J’ai réalisé que je ne m’étais jamais posé la question sur la façon dont les femmes géraient leurs règles en vivant dans la rue. Dans les nombreuses collectes auxquelles j’avais participé en France, il n’y avait jamais de tampons ou serviettes. J’ai été choquée de réaliser que des dizaines de milliers de femmes n’avaient pas accès à ces produits. Comment voulez-vous travailler ou postuler à un emploi si vous saignez sans être capable de vous protéger ? Comment pouvez-vous vous projeter dans le futur si vous devez choisir entre acheter des tampons ou de la nourriture ? »

De retour en France, Tara a contacté les refuges, centres d’accueil de jour et le Samusocial de Paris pour faire un état des lieux sur la situation. Leur réponse était unanime : tous manquaient de protections périodiques, incapables de faire face à une demande croissante. Si 38% des sans-abris sont des femmes, elles se font plus discrètes que les hommes pour éviter les violences de genre dont elles sont victimes.

Dans une interview réalisée par Audrey Lebel pour Alternatives économiques, Adeline, 30 ans, résidente du foyer pour femmes sans abri de la rue Vergniaud, dans le 13e arrondissement de Paris, explique :

« Quand je me suis retrouvée à la rue, je ne possédais rien. Alors, quand j’avais mes règles, je faisais avec les moyens du bord. Je prenais un tee-shirt sale, je le coupais en deux, le pliais, et je m’en servais comme serviette hygiénique. »

Trop souvent, Adeline souffrait alors d’infection vaginale. Pour autant, pas question pour une femme sans-abri d’utiliser des protections périodiques plus durables comme les coupes menstruelles ou les serviettes lavables. « Pour les femmes sans-abri, c’est très compliqué d’utiliser des protections intra-vaginales ou des protections qui doivent être lavées car elles ont rarement accès à des points d’eau, et encore moins d’eau chaude », nous explique Tara Heuzé. D’où l’importance pour l’association de collecter tous les types de produits.

Briser le tabou des règles

La redistribution des protections périodiques via, principalement, le Samusocial de Paris est une décision choisie par l’association. « Nous sommes un organisme de collecte car ce sont les professionnels de santé qui sont les plus aptes à parler de ce sujet sur le terrain. Le tabou des règles est très persistant dans notre pays, même de nos jours. De nombreuses femmes ont du mal à parler de leurs règles alors que le débat est très relayé outre-Atlantique, surtout à New-York où a été voté la gratuité des protections périodiques dans les lieux publics il y a deux ans. », précise Tara Heuzé.

Le 11 octobre 2017, lors de la journée internationale des filles, le groupe d’activistes féministes Insomnia Riot avait ainsi coloré plusieurs fontaines parisiennes en rouge pour dénoncer le tabou des règles.

« Changer les règles n’est pas une lubie féministe (…). Cela consiste à penser que ce qui nous arrive une semaine par mois environ pendant près de quarante ans ne devrait pas susciter du dégoût, mais de la considération. Pourquoi ? Parce que derrière les règles, c’est la vie de 3,7 milliards de personnes porteuses d’un utérus qui est en jeu. »

Elise Thiébaut, auteure de « Ceci est mon sang, petite histoire des règles, de celles qui les ont et de ceux qui les font » et « Les règles… quelle aventure ! »

La parole se libère peu à peu, parmi de nombreuses personnalités comme au quotidien où les femmes partagent de plus en plus autour de leurs règles. Kiran Gandhi a couru un marathon de 42km sans tampon ou serviette alors qu’elle avait ses règles. Jack Parker, ancienne rédactrice du site web Madmoizelle, avait ainsi créé le blog Passion Menstrues où elle a écrit pendant deux ans sur le sujet « pour abattre une bonne fois pour toutes les tabous qui pèsent encore ». Son aventure a été ponctuée par l’écriture et la parution de son livre Le Grand Mystère des Règles.

Pour que les femmes en difficulté n’aient pas à choisir entre manger ou rester dignes, vous pouvez retrouver les boîtes à collecte de Règles élémentaires dans toutes les mairies d’arrondissement parisiennes, mais aussi lyonnaises. A Marseille, l’association Règles solidaires organise également des collectes, et Féminité sans Abri opère également dans plusieurs villes de France.

Crédits photo de couverture : Free Periods

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Laurie Debove

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