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Pollution Chimique : l’humanité a dépassé une cinquième limite planétaire

« Certains de ces polluants peuvent être trouvés dans le monde entier, de l'Arctique à l'Antarctique, et peuvent être extrêmement persistants. Nous avons des preuves accablantes de leurs impacts négatifs sur les systèmes terrestres, y compris la biodiversité et les cycles biogéochimiques », explique Carney Almroth.

La situation s’empire. Avec le changement climatique, l’extinction de la biodiversité, la destruction des habitats sauvages et les flux de phosphore et d’azote, voici que l’humanité vient de franchir une cinquième limite planétaire : celle de la pollution chimique. L’humanité empoisonne peu à peu son propre environnement, mettant en péril les conditions nécessaires à sa propre existence. Face au dépassement de ce seuil critique, les chercheurs à l’origine de ce constat appellent tous les pays du monde à plafonner la production mondiale et le rejet des produits chimiques.

Un environnement surpollué

Pour la première fois, une équipe internationale de chercheurs a évalué l’impact du cocktail des polluants dont nous inondons notre environnement quotidiennement comme les métaux lourds, les antibiotiques, les pesticides, les plastiques, les produits chimiques et autres produits pharmaceutiques.

Les 14 scientifiques ont livré leurs conclusions dans la revue scientifique Environmental Science and Technology ce 18 janvier. Leur constat est accablant : la situation est devenue « hors de contrôle », à tel point que nous venons de franchir une cinquième limite planétaire, celle de la pollution chimique.

En effet, la production de produits chimiques a été multipliée par 50 depuis 1950. Elle devrait encore tripler d’ici 2050. A elle seule, la production de plastique a augmenté de 79 % entre 2000 et 2015, rapporte l’équipe de chercheurs.

Sur le marché mondial, il existe environ 350 000 types différents de produits chimiques manufacturés. Tous ces produits sont entièrement façonnés par l’humain, et leur impact est souvent très nocif sur les écosystèmes terrestres qui en absorbent un peu plus chaque année.

« La vitesse à laquelle ces polluants apparaissent dans l’environnement dépasse de loin la capacité des gouvernements à évaluer les risques mondiaux et régionaux, sans parler de contrôler tout problème potentiel », a déclaré la co-auteure Bethanie Carney Almroth de l’Université de Göteborg.

Cette recherche vient compléter une lacune de taille dans l’analyse des « limites planétaires », théorisées en 2009 par 26 chercheurs internationaux, dont Johan Rockström et Will Steffen du Stockholm Resilience Center.

Les limites planétaires (« planetary boundaries ») représentent les seuils à ne pas franchir pour maintenir dans l’équilibre fonctionnel des principaux processus qui régulent la vie sur Terre : le climat, la biodiversité, les cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore, l’acidification des océans, l’occupation des sols, l’utilisation de l’eau, l’ozone stratosphérique, la présence d’aérosols dans l’atmosphère et celle d’entités nouvelles dans la biosphère.

Depuis l’aube de la civilisation, le système terrestre est resté relativement stable pendant 10 000 ans, permettant à l’humanité de s’épanouir. En 2015, une première étude démontrait que nous avions déjà franchi 4 de ces limites. Ainsi, alors que la concentration de CO2 dans l’atmosphère n’est pas censée dépasser 350 ppm (parties par million), elle a atteint le sinistre record de 420ppm en 2021.

Lire aussi : La concentration de CO2 dans l’atmosphère a atteint le niveau le plus élevé jamais enregistré

« En modifiant les grands cycles chimiques, le cycle de l’azote, du carbone, du phosphore, de l’eau, l’homme a même une influence isostatique », c’est-à-dire sur la tectonique des plaques, souligne Dominique Bourg. « On agit, le système-Terre rétroagit, ajoute celui-ci. On est entré dans une époque où le boomerang nous revient dessus. »

Avec une cinquième limite franchie, la société capitaliste thermo-industrielle déséquilibre dangereusement les conditions écosystémiques nécessaires à notre existence sur Terre.

Lire aussi : L’écocide : d’un crime contre l’humanité à un droit pour la Terre

Le besoin vital de changer de paradigme

Les chercheurs expliquent que les produits chimiques et les plastiques ont de nombreux effets négatifs sur la santé planétaire, qu’il s’agisse de ceux issus de l’exploitation minière, de la fracturation hydraulique et du forage pour extraire les matières premières, ou de ceux émis lors de la production et la gestion des déchets.

« Certains de ces polluants peuvent être trouvés dans le monde entier, de l’Arctique à l’Antarctique, et peuvent être extrêmement persistants. Nous avons des preuves accablantes de leurs impacts négatifs sur les systèmes terrestres, y compris la biodiversité et les cycles biogéochimiques », explique Carney Almroth.

Nous avons tellement produit que la masse totale de plastiques présents sur la planète représente désormais plus du double de la masse de tous les mammifères vivants, et environ 80 % de tous les plastiques produits finissent dans l’environnement.

Seulement 10% du plastique fabriqué est recyclé. Or, les plastiques contiennent plus de 10 000 autres produits chimiques, de sorte que leur dégradation crée de nouveaux alliages de produits chimiques – et des risques environnementaux inconnus jusqu’ici.

Lire aussi : Les mythes du recyclage et des plastiques dits biodégradables servent d’alibi au tout-jetable

Face à la menace que représentent la surproduction et la pollution de produits chimiques pour la santé du système terrestre, les chercheurs de l’étude exhortent l’humanité à réduire la production et le rejet de polluants.

« Nous devons travailler à la mise en place d’un plafond fixe sur la production et le rejet de produits chimiques », déclare Carney Almroth.

« Passer à une économie circulaire est vraiment important. Cela signifie changer les matériaux et les produits afin qu’ils puissent être réutilisés et non gaspillés, concevoir des produits chimiques et des produits capables d’être recyclés, et mettre en place un bien meilleur traçage des produits chimiques concernant leur sécurité et leur durabilité tout au long de leur chemin d’impact dans le système terrestre », ajoute Sarah Cornell du Stockholm Resilience Centre.

De surcroît, le dépassement de certaines limites risque d’entraîner des effets en cascade sur l’ensemble des processus terrestres : les points de basculement (« climate tipping points») sont des seuils à partir desquels le système-Terre entier peut basculer dans un nouvel état, irréversible, et entraîner un effet domino sur tous les autres processus. 

Cette nouvelle limite dépassée nous rappelle à quel point notre système économique actuel, fondé sur la croissance, n’est pas viable. Une croissance infinie sur une planète aux ressources finies est un acte suicidaire, ainsi que le marque le jour du dépassement chaque année.

Lire aussi : Pourquoi nous avions réussi à retarder le jour du dépassement en 2009 ?

Et des alternatives existent : récemment, la ville d’Amsterdam s’est inspirée des limites planétaires pour son plan de sortie de crise, s’appuyant sur la théorie du donut de Kate Raworth, dont le but est de définir « une boussole à l’économie pour permettre de répondre aux besoins des personnes dans la limite de ce que la planète peut offrir ».

Au-delà de la mise en place de véritables filières de recyclage, il va falloir produire beaucoup moins, mais mieux. C’est ce qu’appellent de leurs vœux les économistes éclairés en faveur de la décroissance.

Pour grandir, les sociétés humaines doivent sortir du dogme de la croissance et apprendre à composer avec les limites planétaires. Comme le rappelle le manifeste du Muséum national d’Histoire naturelle, Face aux limites, « cela demandera cependant un peu d’humilité et de lucidité : la reconnaissance des humains comme indissolublement ancrés en nature, petite partie d’elle (…) »

Aller plus loin : La France dépasse 6 des 9 limites planétaires, ces processus qui conditionnent l’équilibre du système-Terre

Laurie Debove

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