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Pesticides : 30 organisations et 28 députés déposent un recours au Conseil d’État contre le gouvernement

Arsenic, plomb, titane, hydrocarbures polycycliques, perfluorés : passées incognito sous les radars français et européens, aussi bien par fraude que par incurie, ces molécules contaminent l’eau, l’alimentation et l’environnement. Pire encore, leurs effets cumulés restent peu étudiés, voire inconnus. Une bombe sanitaire à retardement.

L’étau se resserre sur les produits phytosanitaires. Une semaine après l’interdiction définitive, en France, des néonicotinoïdes – les tristement célèbres « pesticides tueurs d’abeilles » –, l’État pourrait se voir contraint de réviser l’intégralité des procédures d’homologation des molécules mises sur le marché, afin de se conformer aux règles européennes.

Ce jeudi 2 février, la coalition « Secrets toxiques », qui rassemble trente organisations et vingt-huit députés, a déposé un recours devant le Conseil d’État pour que « la toxicité chronique des mélanges de molécules au sein d’un même pesticide, connu également sous le nom “d’effet cocktail” », soit désormais inclue dans toute étude préalable à leur commercialisation.

À l’heure actuelle, seule la substance déclarée « active » par le fabricant d’un pesticide – le glyphosate du Roundup, par exemple – fait l’objet d’une analyse de toxicité par les services de l’État et de l’Union européenne.

Un nombre croissant de publications scientifiques – notamment l’étude retentissante de Gilles-Éric Seralini et Gérald Jungers, à l’origine de la coalition Secrets toxiques – tendent cependant à prouver que les produits mis sur le marché contiennent une variété de composés toxiques, dans des concentrations souvent très élevées, qui n’ont pas été déclarés par le fabricant.

Arsenic, plomb, titane, hydrocarbures polycycliques, perfluorés : passées incognito sous les radars français et européens, aussi bien par fraude que par incurie, ces molécules contaminent l’eau, l’alimentation et l’environnement. Pire encore, leurs effets cumulés restent peu étudiés, voire inconnus. Une bombe sanitaire à retardement.

Lire aussi : « Plus de 119 politiques dénoncent des failles graves dans l’évaluation des pesticides, qui minimisent leur toxicité »

Un arrêt majeur

En octobre 2019, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), plus haute juridiction communautaire en matière de droit, a estimé, dans un arrêt majeur, que les « tests sommaires » menés par les autorités sanitaires « ne sauraient suffire à mener à bien [la] vérification » exigée par les règlements de l’Europe, qui plus est au regard des connaissances scientifiques actuelles.

À l’échelon national, de récentes synthèses produites par l’Inserm (2021) et par l’INRAE (2022) sur la base de milliers de documents scientifiques montrent en effet que la réglementation européenne – « une des plus exigeantes au monde », selon l’INRAE – n’a guère empêché les pesticides de contaminer tous les milieux naturels, et qu’elle sous-estime encore l’effet « cocktail » des substances qui se mélangent et se cumulent dans l’environnement.

La CJUE a donc tranché : « Les procédures conduisant à l’autorisation d’un produit phytopharmaceutique, écrivaient les juges en 2019, doivent impérativement comprendre une appréciation non seulement des effets propres des substances actives contenues dans ce produit, mais aussi des effets cumulés de ces substances et de leurs effets cumulés avec d’autres composants dudit produit. »

Lire aussi : « La carte Adonis révèle les régions les plus exposées aux pesticides en France »

Verrou national

Trois ans après cet arrêt, rien n’a changé. Les instances européennes de contrôle – l’EFSA en tête – font la sourde oreille et l’État français ne s’est pas mis en conformité avec le droit communautaire : c’est qu’un chantier de révision et d’expertise colossal les attend, au terme duquel des centaines de produits pourraient être retirés du marché, purement et simplement.

C’est pourquoi les trente organisations – parmi lesquelles figurent Générations Futures, la Confédération paysanne, Nature & Progrès – et les vingt-huit députés requérants, tous issus des rangs de la NUPES, qui saisissent aujourd’hui le Conseil d’État veulent forcer la France, par la voie juridique, à abroger l’arrêté du 30 juin 2017 fixant les modalités de mise sur le marché des pesticides.

Une demande préalable de révision avait été adressée, début octobre 2022, à la Première ministre, Élisabeth Borne. Cette mise en demeure étant restée deux mois sans réponse, les requérants sont autorisés à déposer leur recours au Conseil d’État.

L’abrogation de cet arrêté et l’introduction, dans un nouveau texte, d’analyses de toxicité et de cancérogénicité à long terme portant non plus sur les seules substances actives, mais sur les formulations complètes, formeraient une petite révolution.

Lire aussi : « Des chercheurs français démontrent que certains cocktails de pesticides sont un risque de cancer du sein »

Augustin Langlade

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