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Ordonnance verte : des légumes bio gratuits pour les femmes enceintes à Strasbourg

« Depuis le lancement du projet en novembre 2022, ce sont environ 1 500 femmes qui ont bénéficié de l’ordonnance verte »

Les femmes enceintes de l’Eurométropole de Strasbourg ont droit, depuis 2023, à des paniers de légumes biologiques gratuits, prescrits sur ordonnance par leurs professionnels de santé. Après une année d’expérimentation à l’initiative d’Alexandre Feltz, adjoint à la mairie de Strasbourg mais aussi médecin, le dispositif est reconduit depuis ce début d’année 2024 et, au moins, jusqu’à la fin de l’actuel mandat.

Une ordonnance verte

Alexandre Feltz n’en est pas à son premier essai en matière de politique de santé publique et environnementale. Ce médecin généraliste, adjoint à la maire de Strasbourg en charge de la santé publique et environnementale et élu depuis 2008, est à l’origine du sport sur ordonnance, lancé en 2012 en France puis en Europe. L’objectif : permettre aux médecins généralistes de prescrire du sport santé sur ordonnance, à savoir du vélo, aux personnes souffrant de maladies chroniques.

Il a été alors tout naturel pour lui de proposer un dispositif permettant de prendre soin de la santé des femmes enceintes par l’alimentation, à Jeanne Barseghian, l’actuelle maire Europe Écologie Les Verts de Strasbourg, lors de sa campagne en 2020.

« Les éléments de la science s’accumulent pour nous dire que nous sommes malades de l’environnement, et notamment des perturbateurs endocriniens. Là où nous y sommes le plus sensible, c’est lorsque l’on est jeune enfant, adolescent, ou enceinte. Par ailleurs, il est presque certain qu’une partie des maladies métaboliques mais aussi des cancers sont liés aux perturbateurs endocriniens, précisément le cancer du sein. Nous nous sommes donc demandés, au niveau local, comment sensibiliser et protéger les femmes enceintes », explique Alexandre Feltz pour La Relève et la Peste.

C’est ainsi que, une fois les écologistes élus, l’ordonnance verte a pu voir le jour.

« On a travaillé avec les différents acteurs du territoire, et la Ville a financé le projet dans le cadre du contrat local de santé. Cette volonté politique a été votée en conseil municipal à l’unanimité. Certains peuvent penser qu’il faut forcément des clivages en politique. Moi, je trouve que lorsque l’on parle de quelque chose d’aussi fort, écologique et social, et qu’on arrive à emmener les autres, c’est pas mal aussi », détaille Alexandre Feltz.

Le principe est simple : chaque femme enceinte souhaitant bénéficier de paniers de légumes biologiques durant sa grossesse doit se rendre chez un médecin généraliste, un gynécologue ou encore une sage-femme afin de se voir prescrire cette fameuse ordonnance verte.

L’élu strasbourgeois Alexandre Feltz – Crédit : Anne-Marie Brisbois via Wikimedia Commons

Soigner les femmes enceintes par l’alimentation

Au départ, le projet permettait la gratuité pour tout le monde pour la durée de la grossesse.

« Après l’expérimentation, on a changé afin de cibler les gens qui ont des revenus faibles. Nous avons instauré une durée solidaire, c’est-à-dire que les paniers sont gratuits pour tout le monde, mais pas sur la même durée ».

Au total, 5 à 7 mois peuvent être gratuits selon les quotients familiaux des femmes enceintes. Dans le cadre de ce dispositif, des ateliers sont organisés afin de permettre de mieux comprendre l’importance de manger bio, pour tout le monde, mais aussi particulièrement durant la grossesse, et ainsi éviter au maximum le contact avec les perturbateurs endocriniens.

« Lors d’une première séance, on explique ce qu’ils sont et comment s’en protéger. Lors d’une deuxième séance, les participantes apprennent à cuisiner bio, en circuit court, avec une pratique de mise en œuvre des paniers ».

La Ville travaille principalement avec la Ferme Saint-André, une structure d’économie sociale, solidaire, et biologique. Aujourd’hui, d’autres territoires comme le Grand Angoulême et les Terres de Haute Charente ont également mis en place des dispositifs inspirés de l’ordonnance verte.

À Strasbourg, il y a quelques années déjà, des parents d’élèves s’étaient emparés de la question du plastique au sein de la restauration scolaire. Les phtalates, perturbateurs endocriniens, se retrouvaient en contact avec la nourriture, chauffée dans des contenants en plastique, et étaient donc ingérés par les enfants. L’ancienne mandature de la Ville s’était alors penchée très sérieusement sur ces substances néfastes à la santé, et avait signé la charte du réseau environnement et santé pour y faire face.

Cérémonie de reconduction de l'ordonnance verte

Cérémonie de reconduction de l’ordonnance verte – Crédit : Jérôme Dorkel via Ville de Strasbourg

1500 femmes déjà bénéficiaires

Après leur participation au premier atelier théorique, les bénéficiaires sont contactées par le producteur de légumes afin de créer un compte leur permettant de gérer elles-mêmes leurs paniers en choisissant leur lieu de collecte.

Dans le dispositif aujourd’hui pérennisé, au moins, jusqu’à la fin de l’actuel mandat, il existe au total 22 points de collecte, où 26 créneaux par semaine sont proposés, s’étalant du mardi au samedi. On peut notamment les retrouver au sein des centres sociaux et culturels, des maisons urbaines de santé, des médiathèques… toute la cartographie des points de collecte étant à retrouver sur le site de la Ville de Strasbourg.

Au total, près de 19 000 paniers ont été distribués pour le dispositif expérimental et 5 000 pour le dispositif pérennisé depuis 2024. 

« Depuis le lancement du projet en novembre 2022, ce sont environ 1 500 femmes qui ont bénéficié de l’ordonnance verte », spécifie Alexandre Feltz pour La Relève et la Peste.

Lors de l’expérimentation, la mise en place du dispositif a demandé un investissement à la Ville de Strasbourg de 45 000 € pour les ateliers, 270 000 € pour les paniers et 30 000 € pour la mobilisation du public, le tout sur un an. Pour pérenniser le dispositif, ce sont 140 000 € qui ont été dédiés aux ateliers, 390 000 € pour les paniers et 45 000 € pour la mobilisation du public. Enfin, 65 000 € ont été investis dans l’externalisation de la gestion administrative du dispositif. Cette fois, l’Agence régionale de santé (ARS) a également co-financé les premiers ateliers pour moitié, ainsi que le régime local d’assurance maladie qui a participé à hauteur de 35 000 € pour les seconds ateliers.

Capture d’écran de la carte des points de collecte à Strasbourg

Des perturbateurs endocriniens au quotidien

Le médecin rappelle cependant que, malgré toute la bonne volonté du monde pour éliminer les perturbateurs endocriniens de notre quotidien, il est quasiment impossible de s’en débarrasser totalement. Ces derniers sont d’ailleurs à l’origine de nombreuses pathologies.

« Ils peuvent être responsables de maladies chroniques, de cancers hormono-dépendants notamment, et intervenir dans les troubles autistiques, car cela agit sur cerveau. Aussi, l’obésité et le diabète peuvent être augmentés chez l’enfant qui a été impacté par sa maman, ou pendant la petite enfance. On va également trouver des troubles du développement, notamment ce qu’on appelle les pubertés précoces, mais aussi les stérilités. Des études montrent une baisse de 50% de qualité du sperme, c’est très important », détaille-t-il pour La Relève et la Peste.

Atelier de sensibilisation pour les femmes enceintes – Crédit : Laetitia Piccarretta via Ville de Strasbourg

En outre, les perturbateurs endocriniens se retrouvent absolument partout.

« Les plus connus, ce sont les plastiques, ce qu’on appelle les phtalates, surtout lorsqu’ils sont en contact avec l’alimentation. Mais on les retrouve également dans les sols en PVC notamment. C’est encore pire lorsque l’on a des chauffages au sol qui multiplient l’émanation de ces phtalates. On en a aussi énormément dans les poêles Tefal, par exemple », détaille Alexandre Feltz.

Pourtant, selon lui, il est tout de même possible aujourd’hui de réduire les perturbateurs endocriniens, notamment en ayant recours à l’éducation.

« 90% des femmes ayant pu bénéficier du dispositif nous disent vouloir continuer à manger bio. Parce qu’elles ont suivi des ateliers, acquis des connaissances. Je trouve cela très puissant, d’un point de vue de politique locale. Il y a évidemment quelque chose de l’ordre de l’éducation sur ces questions », conclut Alexandre Feltz pour La Relève et la Peste.

Pour l’adjoint à la maire de Strasbourg, il est surtout urgent d’arrêter de subventionner l’agriculture carburant aux pesticides, afin de démocratiser l’alimentation biologique. « Lorsqu’on a une vision comme ça, scientifique et politique, ça semble tellement évident d’agir en ce sens. Mais aujourd’hui, on fait totalement l’inverse et je ne comprends pas où cela peut mener. La fédération des agriculteurs biologiques m’avait confié que certaines parcelles bio allaient repasser en conventionnel, ça m’avait mis en effroi », ajoute le médecin pour La Relève et la Peste.

Juliette Boffy

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