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Marie Pochon : « J’explique la montée du RN dans les campagnes par l’emprise Bolloré »

"Le RN s’est opposé à la régulation des médecins dans les zones sous dotées. Il ne propose rien d’autre que des projets routiers dans tous les sens alors que le prix du carburant flambe. Il n’avait même pas de programme aux législatives."

Marie Pochon, députée EELV de la troisième circonscription de la Drôme, est l’une des rares parlementaires écologistes rurales. Depuis sa première élection en 2022, elle arpente sans relâche son territoire. Agriculture, désertification médicale, service public, scolarité, droit des femmes… La liste de ses combats est longue.

Il y a un an, Europe Ecologie les Verts lançait la dynamique des « ruralités écologistes », partant du constat que « l’écologie rurale, l’écologie des champs n’a presque plus d’incarnation ». Réinventer le lien entre écologie politique et ruralité n’est pas chose aisée. Réélue en juillet pour un second mandat, Marie Pochon a réussi à repousser la forte percée du Rassemblement National en obtenant 56,59% des suffrages contre 43,41% pour Adhémar Autrand, le candidat RN. Plongée dans cette bataille écologiste en milieu rural.

La députée drômoise Marie Pochon

La Relève & La Peste : La Fièvre catarrhale ovine sévit partout en France et se propage à grande vitesse dans la Drôme. Vous avez organisé le 6 septembre une rencontre entre 40 éleveurs du département, différents élus départementaux, parlementaires de Drôme et de l’Isère, le préfet de la Drôme. Quelles sont les conclusions de cette réunion ? Comment agir ?

Marie Pochon : Le préfet s’en est pris plein la figure. Il avait une note de ses services qui décrivait un approvisionnement des vaccins optimal. Ces informations étaient en totale contradiction avec ce que les éleveurs vivaient.

Un des éleveurs a amené quatre brebis en plein milieu de la table des discussions, la première était morte, deux étaient en train de mourir avec les boyaux qui sortaient de leur ventre, la dernière allait un peu mieux. La fièvre catarrhale est une maladie immonde. C’est un carnage, presque 50% de pertes d’animaux sur certaines fermes. Cette maladie appuie sur la tête des éleveurs alors qu’ils étaient déjà sous l’eau.

Depuis la réunion, rien n’a bougé. C’est sûrement lié au fait qu’il n’y a pas de gouvernement. J’ai écrit au premier ministre pour lui demander une intervention de crise et que la fièvre catarrhale soit le prochain dossier sur la table du ministre de l’agriculture.

Marie Pochon rencontre une éleveuse drômoise

LR&LP : Cette réunion n’est qu’un exemple parmi tant d’autres de l’important maillage du territoire drômois que vous vous acharnez à faire. Est-ce que ce type d’échanges est généralement tendu avec les agriculteurs ? Comment êtes-vous accueillie en tant que femme écologiste ?

Marie Pochon : Depuis que je suis élue et que je vais à la rencontre des éleveurs et agriculteurs, cette frustration et cette colère existent. En tant que femme écologiste, je les perçois particulièrement, notamment sur les questions de prédations (ours, loups, ndlr) avec des échanges souvent musclés. Une certaine méfiance existe.

Plus globalement, les agriculteurs ont le sentiment que les politiques ne comprennent pas la réalité du terrain, ils n’attendent rien d’eux. Le manque d’anticipation sanitaire des crises, comme la fièvre catarrhale, est préoccupant. Le rôle des laboratoires dans le développement des vaccins n’est pas clairement défini.

Les accords de libre-échange continuent d’être signés et forment une concurrence déloyale envers les élevages drômois en grande majorité pastoraux et extensifs. La concurrence déloyale vient également du sol national avec les fermes-usines et cultures hors-sol bien moins chères que l’élevage extensif qui perpétue la culture de nos territoires, qui approvisionne les sols et qui est optimale en termes de bien-être animal.

LR&LP : Comment contrer cette image ?

Marie Pochon : Il y a quelque chose qui est valorisé dans un territoire comme le mien : c’est le travail. Mes parents m’ont toujours comparé aux filles du village, qui ont commencé à travailler très tôt, ont fait des enfants jeunes, ont été propriétaires très tôt, pendant que je faisais des études, m’engageais dans des associations et ne gagnais pas un rond.

Je pense avoir démontré ces dernières années que je travaille dur. J’actionne tous les leviers possibles sur les thèmes importants pour le territoire, notamment la préservation du pastoralisme. Je ne pense pas que cela ait fait basculer des voix en ma faveur. Mais les gens savent que je me donne à fond.

Les élus locaux, même ceux issus de la droite et parfois même de la droite dure, reconnaissent le travail que j’engage sur des sujets essentiels. Je crois qu’il y a une forme d’honnêteté et de sincérité dans mon mandat. Je suis très transparente au sujet de ce dernier, je publie un journal de bord toutes les semaines dans lequel je décris tout ce que je fais.

Le travail et la transparence comptent forcément, mais il y aussi le fait que je sois fille d’agriculteurs. Ma mère était agricultrice, mes deux grands-pères l’étaient avant elle. Je viens d’une grande famille agricole de la Drôme.

Victoire de Marie Pochon aux législatives

LR&LP : Malgré cette présence sur le terrain, entre les élections législatives de 2022 et 2024, le Rassemblement National a largement progressé dans votre circonscription. Comment l’expliquez-vous ?

Marie Pochon : Le RN a construit un socle, il a réussi à atteindre les 33 000 voix en juillet dernier lors des dernières élections législatives. En 2022, il n’était pas qualifié pour le second tour et comptabilisait 10 000 voix. Je n’explique pas cette progression, à part par l’emprise Bolloré dans les médias. Pendant les élections législatives, nous avons fait du porte-à-porte, certaines d’entre elles se refermaient dès que l’on expliquait vouloir parler des législatives. Il nous arrivait d’entendre “Cnews” en fond.

Durant les tractages sur les marchés beaucoup de gens nous demandaient de les laisser tranquilles, nous expliquant que la vie politique est de l’ordre de l’intime. Ces phénomènes n’arrivaient pas en 2022. C’est une réduction de l’espace politique et du débat qui est constitutif de l’extrême droite.

Le candidat RN n’était pas présent sur la circonscription durant la campagne. Il a fait trois réunions publiques, il n’a même pas collé ses affiches. Le fait qu’il fasse 43% au second tour est inexplicable.

LR&LP : Vous travaillez d’arrache-pied sur les sujets de répartition de la PAC, de la protection des agriculteurs, de la lutte contre les déserts médicaux, pour le maintien des services publics, des écoles, pourtant le Rassemblement National semble être le parti qui incarne le mieux ces thématiques. Comment s’y opposer ?

Marie Pochon : Ces thèmes sont les principales préoccupations des milieux ruraux, mais le candidat RN n’a même pas pris la peine de les aborder sur ses tracts. Je n’ai jamais entendu les électeurs du RN me parler de ces sujets.

La gauche propose des milliers de solutions à toutes ces questions. Le RN s’est opposé à la régulation des médecins dans les zones sous dotées. Il ne propose rien d’autre que des projets routiers dans tous les sens alors que le prix du carburant flambe. Il n’avait même pas de programme aux législatives.

Cela prouve que ce n’est pas une question de thème. C’est une question d’incarnation, une question identitaire. Les Drômois ont un sentiment très légitime de perte de contrôle face aux crises géopolitiques, aux prix des produits mondialisés, parce qu’il n’y a plus de régulation. Ils ont l’impression de ne plus avoir de prise sur le cours des choses.

De manière générale, la macronie a organisé l’impuissance publique, et le RN y répond tout à fait, parce que la seule chose que dit le parti c’est : on va reprendre en main notre destin. Reprise du contrôle des frontières, non-suivi des directives européennes. Il ne propose rien en matière sociale, mais son discours suffit.

Je pense qu’il faut remettre en avant la fierté locale. C’est ce que le RN arrive à faire. Il y a un contre-récit à apporter. Les Drômois sont extrêmement fiers de leur région, de sa beauté et ont la volonté de la préserver. C’est comme ça que je fais rentrer l’écologie dans les discussions. Nous avons des territoires majestueux, avec une biodiversité riche, tout cela doit être protégé.

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Florian Grenon

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